Depuis le recouvrement de l’indépendance, les élections ne sont qu’une multitude de rendez-vous manqués. Dans les pays où les citoyens sont au cœur du projet politique, les élections représentent un moment décisif où l’on valide l’orientation politique majoritaire. Quoi qu’il en soit, bien que le régime tente de conserver cette apparence, il n’en reste pas moins que le scrutin du 17 avril ne diffère guère des précédents. Fatigués par les coups de force répétitifs, la majorité des Algériens [avec les bourrages d’urnes, le taux de participation atteint les 51%] boude les urnes. En d’autres termes, ils refusent tout bonnement d’être instrumentalisés par le régime. S’inscrivant dans la même logique, les partis politiques de l’opposition, à l’instar du FFS, ont fait de ce rendez-vous un non événement.

En assimilant cette élection à une pièce de théâtre, les instances du FFS refusent de cautionner cette mascarade. Sans aller jusqu’à dire que les électeurs ont suivi les consignes du FFS, on peut dire qu’ils sont sur la même longueur d’onde. Ces deux positions se rejoignent notamment sur le fait que cette élection ne constitue aucun enjeu. En effet, pour certains observateurs, cette élection a été jouée bien avant la convocation du corps électoral. Le dernier remaniement ministériel n’annonçait-il pas déjà la couleur. En mettant les hommes les plus fidèles à des postes clés [Medelci au conseil constitutionnel -alors que le monde entier a constaté l’incapacité physique du chef de l’État à exercer la fonction présidentielle, son dossier médical est passé comme une lettre à la poste -, Tayeb Louh à la justice et Tayeb Belaiz à l’Intérieur], le régime, à sa tête Bouteflika, a fait le choix de la continuité dans le statu quo dévastateur pour le pays,

Cependant, pour pimenter un peu l’actualité, voire amuser la galerie, les décideurs ont tenté de faire croire à l’opinion internationale -le respect qu’ils ont pour le peuple algérien est semblable à celui qu’avait le système colonial pour les peuples sous sa domination -que plusieurs options sont présentes sur la table. Même le meilleur analyste, en l’occurrence Lahouari ADDI, a été induit en erreur en affirmant que Bouteflika pourrait servir de lièvre à Ali Benflis. Aujourd’hui, on sait qu’il n’en est rien, car le régime n’est pas dans cette logique d’alternance, y compris à l’intérieur du système. Dans le fond, et contrairement aux supputations, le régime ne traverse pas une zone de turbulence. A partir du moment où le gâteau « Algérie » est minutieusement partagé, on voit mal comment les bénéficiaires se feraient la guerre.

Toutefois, à mesure que le rendez-vous électoral s’approchait, le chantage à la peur a refait surface. Alors qu’avec 680 milliards de dollars, engrangés au cours de la dernière décennie, il est possible de bâtir un pays neuf, les dirigeants s’imposent en évoquant les craintes de déstabilisation. « Après nous, le déluge », menacent-ils en termes un peu voilés. Du coup, peut-on parler de « président » réellement élu ? Bien que les bureaux de vote soient ouverts, et ce, conformément à l’esprit occidental où l’urne tranche entre les candidats, en Algérie, les options fondamentales et les exécutants se décident à un autre niveau. De son coté, le peuple algérien assiste impuissant à ce qui se trame en son nom. Pire encore, il donne parfois l’impression qu’il n’est pas concerné par ce qui arrive au pays. Or, si la situation n’évolue pas dans le bon sens, c’est lui qui paiera une lourde facture. Pour étayer cette thèse, on peut citer l’exemple de la décennie noire. En effet, ceux qui ont payé un lourd tribu ne furent pas les responsables de la fitna, mais des compatriotes de condition modeste. C’est pour cette raison que la prise de conscience du peuple est plus que jamais nécessaire.

Pour conclure, il va de soi que le changement ne viendra pas des urnes. A partir de là, tous ceux qui portent leurs espoirs pour que le renouvellement vienne des dirigeants inamovibles se trompent lourdement. Encore une fois, l’élection du 17 avril représente le déni de changement et le refus de concéder la moindre parcelle de pouvoir au peuple algérien. Mais, avant que ce soit trop tard, il est temps que les Algériens se réapproprient le thème de la construction d’un consensus politique. En dehors des faux débats et des fausses élections, ils doivent prouver leur désir de bâtir sérieusement le pays. C’est à cette condition que l’Algérie retrouvera sa dignité et sa souveraineté, compromise par les coups de forces successifs du régime.

Boubekeur Ait Benali
26 avril 2014

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