Il faut être naïf pour croire que les risques, après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle, sont inexistants. En effet, depuis quelques semaines, tous les ingrédients d’un éventuel dérapage sont réunies. De la même manière, la fin de la campagne électorale est marquée par les excès de langage, voire des menaces. En fait, entre un Ali Benflis qui avertit de ne pas se taire en cas de fraude et le clan Bouteflika qui l’accuse de terroriste, le peuple algérien se trouve entre deux feux. Cela dit, bien que le parti pris de l’administration, des médias, puisse être assimilé aussi à une forme de « terrorisme », force est de reconnaître qu’en cas de violence la seule victime sera l’Algérie.

Mais, puisque chaque clan essaie de justifier le recours à la force en accusant l’autre clan, le peuple algérien doit les renvoyer dos à dos. Il doit leur rappeler que cette violence contre le pays ne date d’hier. En effet, depuis le recouvrement de l’indépendance -le pays a accédé certes à l’indépendance, mais son peuple est toujours subjugué -, les dirigeants se maintiennent par la force. Et quand le régime lâche un peu de lest, il le fait dans l’espoir de revenir, dans un futur proche, sur ces acquis. Du coup, tout ce qu’a été concédé dans les années 1980-1990 est aujourd’hui un souvenir lointain.

Incontestablement, celui qui a porté le dernier coup d’estocade à ces petits espaces, de surcroît contrôlés, c’est A, Bouteflika. Alors qu’il arrive au pouvoir dans une conjoncture financière favorable, depuis quinze ans, il mobilise l’argent des Algériens pour étouffer leur voix. Par conséquent, en phagocytant les partis politiques et les organisations indépendantes, sa responsabilité dans tout ce qui va arriver à l’Algérie est totalement engagée. Car, avant qu’il prévienne contre l’usage de la violence, il faudrait qu’il sache que sa politique a, elle aussi, mené le pays à la dérive. Ne trouvant aucun cadre dans lequel ils peuvent se prendre en charge, les Algériens n’ont d’autres choix que de recourir aux actions contestataires. Or, qui dit contestation, dit forcément rejet. Ainsi, après avoir étouffé la société, les Algériens veulent surtout sanctionner les gens qui gravitent autour de Bouteflika, et ce, afin de mettre fin aux fonctions de ces voleurs qui dilapident les richesses nationales. Aujourd’hui, 15 avril 2014, on apprend que le secrétaire général du FLN, Amar Saidani, possède deux appartements à Paris et un compte en devise d’une valeur de 300 millions d’euros.

Par ailleurs, bien que le rival de Bouteflika ne soit pas aussi différent de lui, il va de soi que les Algériens ne veulent pas qu’une telle équipe soit reconduite à la tête de l’État. En tout cas, si les Algériens ne savent pas ce qu’ils veulent, ils savent en revanche, ce qu’ils ne veulent pas : que les richesses de ce pays profitent aux responsables et à leurs proches. C’est ce qu’on a pu constater lors des meetings en faveur du candidat Bouteflika. En effet, dans plusieurs wilayas du pays, l’emprise d’un clan sur l’Algérie est nettement rejetée.

Hélas, ce rejet peut être aussi porteur de danger. Du coup, la question qui taraude mon esprit est la suivante : étant donné les accusations des uns et des autres, les deux rivaux accepteront-ils les résultats ? Cela dit, dans la réalité, il faut quand même dire que s’il y a fraude, celle-ci profitera plutôt à Bouteflika. C’est en ce sens que les risques d’instabilité peuvent être évoqués.

Pour conclure, il est évident que l’Algérie doit retenir son souffle pendant les deux jours qui nous séparent du scrutin de tous les dangers. Comme le pensent tous les Algériens dans leur for intérieur, il me semble que ce qui est raisonnable à dire en ce moment, c’est « allah Yestor ». Mais, le peuple algérien ne doit pas rester, après la tenue de ce scrutin, bras croisés. Pour éviter qu’un tel scénario se renouvelle, il faudra que le peuple investisse le terrain. Avec tous les acteurs qui souhaitent une transition pacifique, il devra absolument assumer ses responsabilités.

Boubekeur Ait Benali
16 avril 2014

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