En l’espace d’à peine une semaine, le journal El Watan publie deux contributions de généraux à la retraite, Hocine Benhadid et M. Antar. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à quelques exceptions près les deux contributions se rejoignent au moins sur deux idées principales, le refus du quatrième mandat et l’appel à l’armée pour qu’elle assume ses responsabilités. S’inscrivant dans une logique de règlements de compte ou dans le but d’instaurer une réelle démocratie en Algérie, ces derniers temps, ces refrains se multiplient à foison.

De toute évidence, dans ces deux contributions, tout n’est pas à rejeter. Contrairement à leurs dirigeants, les Algériens ne rejettent pas les propositions dans le fond et dans la forme. Bien qu’on puisse diverger sur la façon de voir les choses, il faudrait que les Algériens aient cette capacité de s’écouter. Car, comme le signale si bien le général Benhadid, « jamais une élection en Algérie n’a été autant porteuse de dangers. »

Cela dit, sur cette question de quatrième mandat, notre convergence s’arrête là. Car, si pour notre général le mal algérien s’appelle « Bouteflika », il n’en est pas de même des opposants mettant les dirigeants, civils et militaires, dans le même sac. En effet, la dérive ne remonte pas à 2013 ou à 2008, mais à l’usurpation du pouvoir par la coalition Ben Bella-Boumediene en 1962. Pour rappel, le chef de l’État actuel faisait partie des putschistes qui ont renversé le GPRA (gouvernement provisoire de la République algérienne).

Hélas, un demi-siècle plus tard, le même personnage est toujours à la tête de l’État. Malgré un AVC dévastateur pour sa santé, il s’accroche, tel une punaise, au pouvoir. « Après une année de rééducation, intensive, il ne peut même pas se lever et nécessité toujours l’assistance d’une tierce personne [pour étayer cette thèse, il n’y a qu’à voir la vidéo sur sa rencontre avec John Kerry]. Il est tout à fait clair, pour reprendre son expression, qu’il est dans l’incapacité d’exercer un quatrième mandat, le troisième était de trop », écrit le général Antar.

Cependant, bien que cette colère soit partagée, il n’en demeure pas moins que les solutions proposées [la proposition de l’Assemblée nationale constituante du général Benhadid pourra susciter l’adhésion, s’il ne fait pas de l’armée l’acteur principal] ne correspondent pas aux attentes des Algériens. En effet, bien qu’aucun Algérien attaché à son pays ne haïsse son armée, il n’en demeure pas moins que son immixtion dans le champ politique est en grande partie responsable de la crise actuelle. « Tout le peuple algérien sait que de Ben Bella à Bouteflika, c’est l’armée qui fait et défait les président », affirme le général Antar.

Toutefois, au lieu de tirer les enseignements du passé, nos deux généraux estiment que la démocratisation du pays doit-être garantie par l’armée. « Pour la première fois de son histoire cette armée peut faire entrer l’Algérie dans une deuxième République tant souhaitée par ce peuple où le mot démocratie ne sera pas un simple slogan », poursuit le général Antar. Quant au général Benhadid, l’institution militaire doit trancher. Pour lui, « la grande muette, comme on l’a toujours qualifiée, devant l’immense danger d’éclatement qui guette aujourd’hui l’Algérie ne peut plus rester muette. »

Pour conclure, il va de soi que les deux contributions reflètent l’idée que se font nos militaires de la démocratie : les Algériens peuvent faire de la politique, mais cette activité doit être encadrée par l’armée. Du coup, bien que le système «Bouteflika» soit la négation même de la démocratie, l’alternative suggérée par les militaires ne donne pas une place prépondérante au peuple algérien. Et pourtant, il suffit de regarder autour de nous pour voir comment fonctionnent les grandes démocraties. En effet, chez eux, il n’y a ni de super citoyen ni de super héros. Les citoyens accordent un mandat à celui qui suscite plus d’adhésion populaire. Une fois élu, le titulaire du mandat aura tous les pouvoirs nécessaires en vue d’exécuter son programme.

Hélas, en Algérie, ce n’est pas le cas. « Cinquante ans après, la lutte pour le pouvoir continue et l’argent sale a envahi toutes les institutions », souligne le général Antar. Du coup, quand on entend Sella dire que les âmes de Zabana et Boutlilis soutiennent le régime, on a envie de lui dire une chose : après avoir foulé au sol leur idéal, ils doivent surement être furieux, là où ils sont, de votre gestion catastrophique.  

Boubekeur Ait Benali
8 avril 2014

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