« Compte tenu de toutes les données, algériennes, nationales et internationales, je considère comme nécessaire que ce recours à l’autodétermination soit, dés aujourd’hui, proclamé », extrait du discours du général de Gaulle du 16 septembre 1959.

Dans ce fameux discours, le général  propose trois solutions possibles. Les Algériens peuvent choisir, selon lui, ou la sécession ou la francisation complète ou le gouvernement des Algériens par des Algériens, appuyés sur l’aide de la France et en union étroite avec elle, pour l’économie, l’enseignement, la défense et les relations extérieures. Pour le président français, la solution réside, sans ambages, dans la troisième alternative. Mais, en sachant que le peuple algérien rejettera tout maintien sous tutelle, les ultras s’invitent dans la bataille. D’ailleurs, la controverse sur l’autodétermination touche même le parti gaulliste, l’UNR (Union pour la Nouvelle République). Pour Benjamin Stora, auteur de « Le mystère de Gaulle : son choix pour l’Algérie », « neuf députés gaullistes quittent la formation en octobre 1959. Quelques jours auparavant, le 19 septembre, Georges Bidault et Roger Duchet ont créé le Rassemblement pour l’Algérie française. »

Dans la foulée, les organisations des ultras de l’Algérie française sont en alerte maximale. Ainsi, dès le 17 septembre, le MP13 (Mouvement populaire du 13 mai)  vilipende la politique gaullienne en criant au complot. Par conséquent, de conciliabule en conciliabule, les activistes, à leurs têtes certains colonels, songent à rééditer les manifestations du 13 mai 1958, ayant permis, pour rappel, le retour du général de Gaulle aux responsabilités, et ce, dans le but de contraindre l’Élysée à revenir sur l’autodétermination. Pour ce faire, tous les moyens, estiment-ils, sont bons pour y parvenir. Pour leur première action, ils fixent rendez-vous pour le 24 janvier 1960. Pendant une semaine, Alger et Oran vont être alors le théâtre de manifestations, connues sous le nom de la « semaine des barricades ».

Cependant, dans cette bataille franco-française, l’engagement des colonels aux côtés des insurgés va compliquer la tâche au général de Gaulle. En effet, certains colonels, comme Gardes et Argoud, sont intiment convaincus que, pour sauver l’Algérie française, il faudrait faire revenir le général de Gaulle sur sa décision d’autodétermination. Selon Yves Courrière, « ces colonels sont persuadés que le 13 mai est revenu. Et qu’ils vont gagner. » Car, le retour du général de Gaulle au pouvoir n’a été possible que grâce aux manifestations du 13 mai où les colonels ont joué un rôle prépondérant. En effet, le comité de vigilance, présidé à ce moment-là par le Général Massu, a exigé la formation d’un gouvernement de salut public dirigé par le général de Gaulle. Et sans ces durs de l’Algérie française, le général ne serait jamais revenu aux Affaires. Pour preuve, voilà ce qu’écrit l’historien, Christophe Nick, dans son livre intitulé « Résurrection », « au soir du 2 janvier 1956, date du deuxième tour des législatives, les gaullistes disparaissaient du paysage politique français. Les républicains sociaux ne recueillent que 585764voix, soit 2,7% de suffrages exprimés. »

Quoi qu’il en soit, bien que le général de Gaulle ait mené une politique militaire répressive en Algérie depuis 1958, les colonialistes ne sont jamais satisfaits. Or, au début de l’année 1960, la question qui taraude les politiques, à leur tête de Gaulle, est de savoir si « l’armée dans tous ses segments allait basculer, comme en 1958, du côté des insurgés ? ». Car, si les généraux sont réservés, voire opposés, les colonels sont prolixes. Le ton employé, par certains d’entres-eux, frôle carrément la menace de pronunciamiento. Du coup, l’inquiétude commence à peser sur la haute hiérarchie militaire. Avant l’épreuve de force, le général Gracieux, successeur du général Massu, se lâche devant le délégué général, Paul Delouvrier. « Que de Gaulle fasse vite savoir qu’il renonce à l’autodétermination. Autrement, les troupes sous mes ordres risquent de m’échapper», dit-il. Du coup, le scénario du 13 mai apparait, pour beaucoup, plausible. Quant aux pieds-noirs, ceux-ci ont toujours été de la partie. D’ailleurs, dès le premier jour de la manifestation, ils se rendent par milliers aux barricades pour soutenir leurs héros. Dans l’Ouest algérien, à Oran, la mobilisation bat aussi son plein. Dans leur premier tract, les initiateurs du mouvement des barricades à Oran  appellent la population « pied-noir » à se solidariser avec  « les Algérois qui venaient de dresser leurs premières barricades ». À cet effet, une grève générale illimitée est décidée pour le lendemain, le25 janvier 1960.

Cependant, face à cette violence, le pouvoir politique  se trouve dans une situation alambiquée. Il lui est difficile de poser sereinement le problème de l’autodétermination face à des activistes sans scrupules. C’est dans ce climat insurrectionnel que le général de Gaulle s’apprête à prononcer son discours du 29 janvier 1960. Et malgré le compte rendu alarmant de Michel Debré, premier ministre, après son retour d’un voyage de 48 heures à Alger, le général de Gaulle décide de maintenir le cap de sa politique. Ce jour-là, à 20 heures, le général de Gaulle  insiste sur la nécessité d’organiser ultérieurement un référendum d’autodétermination en Algérie. Ensuite, il rappelle aux militaires, sans doute aux colonels d’Algérie, que leur devoir est de servir leur pays sans s’immiscer des affaires politiques.

Pour conclure, il va de soi que l’épreuve de force, enclenchée à Alger et à Oran, est une énième coup dur contre la politique gaullienne. Cela dit, malgré leur chantage,  le général de Gaulle refuser de céder aux caprices des ultras. En effet, la semaine des barricades s’est terminée le 1er février 1960 sans que les insurgés aient pu imposer leur choix.  En tout cas, dans la résolution de la crise, le discours du général de Gaulle est sans doute décisif. En effet, quarante-huit après son allocution, la crise connait son épilogue. Toutefois, cette première grave crise, surmontée avec brio, n’est que le début d’une série de coups assénés à la politique du général de Gaulle. De la tentative de son assassinat en décembre 1960 à l’attaque des Colombey-les-deux-Eglises en passant par le putsch du 21 avril 1961, chacun des ces coups  perpétrés contre sa politique et sa personne auraient pu mettre en échec la solution négociée de la crise algérienne.

Boubekeur Ait Benali
31 janvier 2014

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