La culture vise par essence la formation de l’homme, la propagation des connaissances humaines et la construction des États. Ce qui présuppose éducation, instruction et savoir-être. C’est à n’en point douter, le triangle du salut des nations qui aspirent au progrès. Mais à qui incombe le rôle de «la transmission culturelle»? Certainement à l’État dont les organes d’exécution des politiques sont dotés d’appareils. En France à titre d’exemple, dès décembre1792, le révolutionnaire montagnard, Louis Michel Lepeletier (1760-1793), marquis de Saint Fourgeau forma le vœu dans une fameuse missive adressée à la convention nationale que les enfants de 5 à 12 ans (11 ans pour les filles) soient élevés par l’État et non plus par leurs propres parents si tant est que la cellule familiale puisse dans certains cas biaiser, voire déformer par inconscience ou ignorance l’épanouissement serein de l’enfant. Un enseignement fort  en leçons de sagesse datant de deux siècles. Il est un fait irrévocable, l’État est sommé en quelque sorte de dispenser au citoyen «une culture légale» et ce dernier, dans un instinct de conservation et de survie, est appelé à son tour de construire «une culture légitime ou de légitimation de soi» à même de lui permettre la compréhension du monde et l’appropriation des outils du savoir, rappelons bien à ce propos le principe socratique «connais-toi, toi même» qui fut à l’origine même de toute «la philosophie de la différence» chère à Gilles Delleuze (1925-1995). La culture légitime est en effet ce pivot/arsenal (un ensemble de normes et de règles objectives) qui recadre «cette culture subsidiaire» de la rue et les autres cultures périphériques (la culture médiatique, sportive,  urbaine…etc) qui, quoiqu’utiles, sont bien moins nécessaires à la formation du citoyen authentique, et favorise à long terme la forclusion de la fameuse «neutralité axiologique» dont avait si bien parlée le philosophe allemand Max Weber (1864-1920), c’est-à-dire, une culture débarrassée des jugements de valeurs et de toute autre subjectivité pouvant entacher le sérieux de l’école d’irrégularités et de mauvaise foi. Cette subdivision des genres culturels (culture légitime, légale, ruelle et périphérique) coïncide elle-même avec l’existence de deux cultures principales distinctes l’une de l’autre, la première en bas de l’échelle sociale, la seconde en ce haut, ce que le philosophe Edgar Morin schématise respectivement dans son ouvrage (l’esprit du temps, Paris, livre de poche 1986)  dans «la culture des masses» propre à la plèbe et «la culture des cultivés», réservée à l’intelligentsia. Une séparation rigide mais indispensable qui donnerait nécessairement naissance à une classe populaire et à une élite culturelle.

Il est vrai qu’entre les deux sphères précédemment citées se trouve intercalée une courroie de liaison ou des interférences diverses que les spécialistes du jargon communicationnel classent dans la catégorie de «mediacultures», c’est-à-dire des cultures de masse aussi parcellaires que fragmentées qui tiennent de bribes de chaque aire/champ spécialisé et s’ouvrent à un plus grand nombre de cultures moins approfondies et beaucoup moins exigeantes, jouant le rôle d’intermédiaires, d’intercesseurs ou tout simplement de véhiculaires dans l’unique objectif de «la vulgarisation». En vérité, cette catégorie culturelle est spécifique aux sociétés occidentales connues pour leur «hyperconsommation» et  leur «hyperinformation». Toutefois, contrairement au pouvoir politique ou social qui s’appuie sur «l’esprit de domination», la culture ou les domaines y afférents, eux, s’enracinent, se déploient et se répandent dans l’univers des conflits sociaux, culturels et politiques selon «le principe d’hégémonie». La domination suppose l’usage de force tandis que l’hégémonie rime incontestablement avec la stratégie et la diplomatie au sens le plus large du terme. Par ailleurs, cette fondamentale dichotomie entre «culture de masse» et «culture d’élite»  essentiellement analysée par le philosophe espagnol José Ortega y Gasset (1883-1955) dans son célèbre ouvrage «De l’Espagne invertébrée» est la pierre de touche de l’échafaudage étatique. En effet, la culture du folklore, de l’accessoire et du superficiel se façonne et se socle à la périphérie du système culturel et non pas en son noyau central. Car une culture vivante est souvent portée sur l’essentiel, le constructif et l’essence des choses, ce que le même philosophe récapitule dans cet aphorisme fort éloquent «une vie au service de la vérité ou une vérité au service de la  vie».  La vérité devrait être comprise ici comme étant «l’horizon d’attente» ou le summum optimal auquel toute société, indépendamment de sa force ou faiblesse, serait censée devoir aspirer. Ce qui implique «une réforme morale et éthique» d’envergure basée sur «une crise de sensibilité». La crise dont il tourne ici n’est pas du tout un terme péjoratif, diminutif et réducteur de la nation, du peuple ou de l’État mais le moment propice où la conscience (individuelle et collective) serait secouée et remise sur les rails de la pensée juste. En termes simples, c’est «un processus de conscientisation» au long cours qui déboucherait inéluctablement sur «une conscience captivante» faisant des va-et-vient entre l’individu et la collectivité et vice versa dans un élan novateur que j’appellerai hinc et nunc «désapprentissage de l’ignorance».

Mais la culture est-elle vraiment de la sphère des nécessités primordiales de la vie humaine? Autrement dit, l’homme est-il le carburant de ce moteur qu’on dénomme culture ou c’est complètement l’inverse, c’est-à-dire que l’homme est un moteur et la culture son carburant?Il est certain, tout compte fait, que quand on voit la reddition des âmes de nos compatriotes au fatalisme, on se rend bien à l’évidence que la culture, du reste palladium idéale à la déliquescence est et le moteur et le carburant. Dans le monde d’aujourd’hui «macdonalisé» à outrance, concave, creux, introverti, imperméable, un monde du vide «sans dehors ni dedans» comme dirait le philosophe Régis Debray, ce monde globalisé où cette civilisation de nomades tout aussi déboussolés qu’effrénés, prime sur tout le reste dans une tendance à formaliser, standardiser et unifier les modes de vie, les risques de délitement des nations  et par ricochet de dilution de l’homme  dans la marée grise de la médiocratie sont irrémédiablement grandes. L’horizon d’attente dont on avait parlé ne saurait que se métamorphoser en «une illusion d’attente», la diversité est tuée dans l’œuf et le projet culturel fait figure de débandade. En conséquence, la culture générale qui produit des esprits souples, adaptables, créatifs, généreux et humanistes cultivant «cette intelligence du cœur» se fera facilement rétamer par une culture d’unicité mise en évidence par des spécialistes aux œillères, gagnés par l’irrépressible hantise d’acquérir des diplômes. Or, par essence, comme le rappelle bien le poète Paul Valéry (1871-1945), le diplôme est l’ennemi mortel de la culture! De plus, l’élémentaire ou le particulier est, comme le justifie bien la conception khaldounienne, intrinsèquement lié au général et au global et ceux-ci sont nécessairement dépendants des premiers. La culture est une sorte de pied à coulisse à points gradués et à étapes échelonnées.

De ce fait, l’homme noue un rapport au fait culturel soit dans une relation d’évidence (il accepte la culture comme composante indissociable de sa vie), d’intériorité (il se la réapproprie et en fait usage à bon escient), ou d’extériorité (la culture n’a pas d’existence formelle et palpable dans son quotidien, le triste cas des pays du tiers-monde et partant des pays arabo-musulmans). Dans ce dernier cas, le citoyen entretient une fâcheuse tendance à s’exonérer de la complexité des choses en devenant un spectateur distrait de son entourage et de son environnement immédiat, se prêtant volontiers en la circonstance à des amalgames, des confusions et des inexactitudes (il n’est pas superflu d’en déduire ici l’usage arbitraire et parfois inconscient de la sémantique, islam-islamisme, réforme-réformisme, État-Nation, Patrie-Houkouma, bien public-Baylik-propriété privée…etc). En Algérie, les impérities du système scolaire, les inepties dans la gestion, les apories dans les programmes à tous les niveaux de responsabilité, et les défaillances de l’État ont fait que le visage du pays se crispe dans la même expression d’incompréhension, parfois même d’inquiétude et du chagrin. D’où naissent, à mon humble avis, toutes sortes de couacs et des fausses notes pouvant dégréner si jamais l’on n’y prend pas garde en catastrophes. Or, la réussite d’un système quelconque dépend en grande partie du regard qu’on porte sur lui, «l’effet pygmalion» tiré d’une fameuse théorie portant le même nom et forgée par Robert Rosenthal et Leonor Jackobson, fondée en principe sur l’idée de  «la prophétie autoréalisatrice» en milieu scolaire peut s’appliquer à n’importe quel  domaine (culturel, économique, politique)! Dans notre pays, on assiste impuissants à une espèce de «crétinisation culturelle» organisée. En ce sens qu’un artiste n’a pas de statut, un auteur est mal estimé et tant de talents sont négligés, ce qui est fort regrettable. Le citoyen algérien qui s’est illustré ces dernières années par ses penchants contestataires trouve devant lui une kermesse culturelle vide et des espaces de distraction de plus en plus rétrécis sinon à la longue inexistants et une tranquillité presque à chercher par la loupe. En somme, un climat fortement anxiogène, un quotidien difficile, une affligeante décrépitude morale et une hémorragie inquiétante de la matière grise (les élites et les cadres du pays). En d’autres termes plus pertinents, un système politique en perdition. Hélas, tous les uppercuts de l’échec s’acharnent sur le corps fragile  de l’Algérie, l’égratignent, le dépècent et le bousillent. Une inertie globale provoquée par la conjugaison de tous les conservatismes (religieux, culturel, politique) stimulés par les carences dramatiques de notre école, laquelle a empiré davantage la situation. Depuis, les choses se sont terriblement aggravées. L’amère réalité  de notre société nous flanque une sévère claque et il est temps de rompre de façon définitive avec ces logiques meurtrières de l’approximation, l’à-peu-près et le je m’en foutisme. Les idées préconçues et les clichés rétrogrades n’ont pas la vie dure à moins qu’on ait le courage de retrousser les manches et de réformer notre sociétés. Autrement dit, il convient  de renouer en urgence avec le pragmatisme politique en grattant le vernis culturel/éducatif dont s’est teinte jusqu’ici de manière fallacieuse et en trompe-l’œil notre société pour le remplacer par «une modernité pédagogique» conforme aux standards internationaux. Une occasion parmi d’autres de réinitialiser la machine culturelle tombée en panne au moment actuel (cinémas, ateliers d’écritures, cafés littéraires, maisons d’arts, musées…etc) et mettre un terme aux pesanteurs du centralisme administratif figé en sanctuarisant l’école loin des  trompettes des maquignons et des manipulateurs. Combattre la reproduction mimétique des inégalités et concevoir une réflexion d’ensemble sur l’avenir du pays, telle est la tâche de nos politiques car le problème de l’Algérie est, à mon avis, fondamentalement culturel.  

Kamal Guerroua
18 novembre 2013

2 commentaires

  1. Notre Culture C notre Religion
    Sallamou alaykum
    Mais qu’est-ce que C cette dissertation aux conclusions sournoises ?
    Si certains veulent obéir à l’Ex Marquis Louis-Michel Lepeletier, devnu Franc- maçon (loge phoenix du GOF) suite aux changement du rapport de force, libre à lui.
    Se basant uniquement sur des référents qu’on peut qualifier de suicidaire compte tenu du suicidaire Giles Deleuze,ou Max Weber le philosophe empirique, le philosophe Edgar Morin avec sa culture à la (Romaine) plèbe, une culture pour l’ oligarchie et autre pour la masse, les gueux (le peuple). Paul Valéry, Régis Debray l’inventeur d’une « Nouvelle Science » : la mediologie. Robert Rosenthal et Leonor Jackobson !
    C avec les idées de ces « 8 philosophes », encore fallait-il autant, et des fantasmes personnels sans arguments aucuns, que certains « Missionnaires » essaient sans succès d’acculturer un peuple cultivé par son propre Créateur ALLAH. LUI, qui a créé l’Homme, IL n’a oublié ni moteur, ni carburant.

    Ce billet dénie en éludant la culture de Création, de naissance et, ancestrale de notre peuple qu’est l’Islam. Il lui propose une autre en remplacement !
    La culture proposée, par les auteurs sus cités, nous la vivons de prés et de loin à travers les ravage qu’elle continue de causer dans le monde entier.

    ALLAH nous a préservé jusqu’à présent de cette culture suicidaire que vivent les autres peuples qui ne peuvent plus differncier entre l’homme et la femme même dans l’état civil.
    Qu’ALLAH nous préserve égalment de nos amis, nos ennemis on s’en charge.
    Sallamou Alaykum

  2. Notre Culture C notre Religion
    Sallamou alaykum
    Mais qu’est-ce que C cette dissertation aux conclusions sournoises ?
    Si certains veulent obéir à l’Ex Marquis Louis-Michel Lepeletier, devnu Franc- maçon (loge phoenix du GOF) suite aux changement du rapport de force, libre à lui.
    Se basant uniquement sur des référents qu’on peut qualifier de suicidaire compte tenu du suicidaire Giles Deleuze, Max Weber le philosophe empirique, le philosophe Edgar Morin avec sa culture à la (Romaine) plèbe, une culture pour l’ oligarchie et autre pour la masse, les gueux (le peuple). Paul Valéry, Régis Debray l’inventeur d’une « Nouvelle Science » : la mediologie. Robert Rosenthal et Leonor Jackobson !
    C avec les idées de ces « 8 philosophes », encore fallait-il autant, et des fantasmes personnels sans arguments aucuns, que certains « Missionnaires » essaient sans succès d’acculturer un peuple cultivé par son propre Créateur ALLAH. LUI, qui a créé l’Homme, IL n’a oublié ni moteur, ni carburant.

    Ce billet dénie en éludant la culture de Création, de naissance et, ancestrale de notre peuple qu’est l’Islam. Il lui propose une autre en remplacement !
    La culture proposée, par les auteurs sus cités, nous la vivons de prés et de loin à travers les ravage qu’elle continue de causer dans le monde entier.

    ALLAH nous a préservé jusqu’à présent de cette culture suicidaire que vivent les autres peuples qui ne peuvent plus differncier entre l’homme et la femme même dans l’état civil.
    Qu’ALLAH nous préserve égalment de nos amis, nos ennemis on s’en charge.
    Sallamou Alaykum

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