Dans un numéro spécial, l’hebdomadaire « Jeune Afrique » consacre un dossier au chef de l’État, Abdelaziz Bouteflika. En fait, à moins d’une année du plus grand rendez-vous électoral, l’état de santé de Bouteflika constitue, selon Cherif Ouazani, l’élément clé de cette joute. Bien qu’une échéance pareille, notamment dans les pays  démocratiques, se décide sur la base de l’adhésion du peuple à un projet, en Algérie, la dictature ne laisse malheureusement aucun choix aux électeurs. Sauf que cette fois-ci, la mayonnaise risque de ne pas prendre. Ou alors, les décideurs, contre vents et marées, vont-ils imposer la candidature du chef de l’État en exercice, dont les capacités physiques s’amenuisent de jour en jour ? Pour l’heure, toutes les supputations sont possibles. De toute façon, à mesure que les changements intervenus en Afrique du Nord relèvent du passé, le régime reprend ses anciennes habitudes. Il y a quelques jours, le président du groupe parlementaire du FFS, Ahmed Betatache, est passé à tabac par la police pour avoir soutenu le rassemblement des demandeurs d’emploi. Dans un pays de droit, une telle atteinte aux libertés provoquerait –et c’est une simple mesure disciplinaire –le départ du ministre de l’Intérieur.

De toute évidence, bien que les révoltes nord-africaines en 2011 aient présagé la fin de l’emprise du pouvoir sur la vie politique en Algérie, grâce à la manne pétrolière, le a réussi à court-circuiter la dynamique de changement en élargissant le cercle de sa clientèle. Partant, malgré un demi-siècle de la gestion catastrophique, force est de reconnaitre que le maintien de la même équipe à la tête de l’État ne semble pas connaitre son épilogue de sitôt. Les initiatives des deux sages, Hocine Ait Ahmed et Abdelhamid Mahri en 2011, n’ont pas eu assez d’écho. En fait, étant donné la puissance de feu du pouvoir, il va de soi que sa défaite ne peut intervenir qu’en recourant aux moyens pacifiques. À ce titre, le vote sanction constitue la solution idoine.

Malheureusement, le silence de la majorité, notamment lors des législatives de mai 2012, offre un temps de répit à un régime incompétent et défaillant. Du coup, la seule voix audible est celle des courtisans. « Élite, opinion et classe politique avaient alors imaginé que la prochaine présidentielle scellerait le passage de témoin aux générations postindépendance. Seulement voilà, cette hypothèse a été balayée par une campagne lancée par les partis et les personnalités de premier plan avec pour slogan « Ouhda Rabi’a » (quatrième mandat) », souligne le correspondant de Jeune Afrique. Justifiant leur appel, ces derniers estiment qu’un quatrième mandat permettra à Bouteflika de parachever les réformes qu’il a lancées en 1999. Or, malgré le record de longévité à la tête de l’État, le bilan de Bouteflika n’est pas reluisant. Marqués par la multiplication des scandales financiers (il n’y a pas une semaine qui passe sans qu’une affaire de détournement ne vienne allonger la liste déjà remplie), les trois mandats présidentiels sont, par rapport aux moyens dont dispose le pays, en deçà des attentes.  

En outre, sur le plan de la communication, sous l’ère de Bouteflika, les Algériens ne sont jamais autant méprisés. La dernière sortie médiatique du chef de l’État ne remonte-t-elle pas à l’an dernier ? Même la prise d’otage du complexe d’In Amenas, où le site névralgique du pays a été attaqué, n’a pas fait réagir Bouteflika. Du moins, il n’a pas estimé utile d’informer son peuple du danger guettant la patrie. Selon Ouazani, les rares fois où l’on peut voir le chef de l’État, c’est à l’occasion des funérailles des anciens « présidents ». « Lors des obsèques d’Ali Kafi, le 17 avril, Abdelaziz Bouteflika avait les traits tirés, le pas hésitant. Son proche entourage, notamment Saïd, son frère cadet et conseiller spécial, se tenait  à ses côtés, en alerte permanente. À deux reprises, le président a eu des vertiges et a failli perdre l’équilibre », rapporte-t-il.

Cependant, bien que le but de cette note ne consiste pas à polémiquer sur la maladie du chef de l’État [culturellement, cela ne fait pas partie de l’éducation algérienne], force est de reconnaitre que ceux qui souhaitent la candidature de Bouteflika pour le prochain scrutin ne sont pas sérieux. Après cinquante ans de retard, n’est-il pas temps que la question du pouvoir soit redéfinie ? À ce titre, la conclusion du journaliste de « Jeune Afrique » est tout simplement une offense à ceux qui rêvent d’une autre Algérie. « En somme, 2014 serait une équation à plusieurs inconnues dont la clé serait détenue exclusivement par une personne : Abdelaziz Bouteflika », conclut-il. Il va de soi que la construction d’un pays ne peut pas reposer sur une telle idée. Cela dit, bien que le pouvoir en place soit le seul responsable de la déliquescence de l’État, la démission des Algériens ne peut pas être passée sous silence. En effet, en dépit du recourt systématique à l’emploi de la force par le régime, cela ne disculpe pas pour autant le peuple. Car, son atonie contribue indubitablement à la détérioration du pays. Mais, comme le dit le proverbe : il n’est pas trop tard pour bien faire. Ainsi, à l’occasion des élections présidentielles de 2014, le peuple algérien, dans le respect des idées de chacun, devra participer massivement au rendez-vous électoral. Sans manifester ni la haine ni le rejet, il serait préférable que son choix aille vers le candidat qui n’a aucun lien avec le pouvoir actuel. Et si le nouvel élu a du vrai sang algérien, il devra respecter le peuple et travailler dans l’intérêt général. Et c’est là que se trouve la solution de l’équation algérienne. Partout dans le monde, la vraie clé, c’est celle que détient le peuple et non pas un groupe ou une personne.

Boubekeur Ait Benali
9 mai 2013

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