La seule idée qui vaille le coup pour le lobby colonial est de garder l’Algérie sous la souveraineté française. Ni l’enlisement de la guerre d’Algérie ni sa durée ne semblent perturber les ultras. D’une façon générale, dès que les lueurs d’espoir apparaissent à l’horizon, ils déploient toute leur énergie en vue de saborder le processus. À ce titre, leur radicalisation, après l’évolution de la politique du général de Gaulle en faveur d’une solution de paix en Algérie, atteint des proportions alarmantes. Celles-ci se traduisent, le 22 avril 1961, par un putsch des généraux factieux, Challe, Zeller, Jouhaud et Salan.

Par ailleurs, bien que le gouvernement français soit intransigeant –comme vont le prouver les achoppements itératifs sur la question du Sahara ou de l’exploitation du pétrole algérien –sur les intérêts français, il va de soi que le but sous-jacent des ultras est d’empêcher l’émergence d’un État algérien indépendant. Pour ce faire, dès le 15 mars 1961, une date correspondant à l’engagement du général de Gaulle de négocier avec le seul représentant légitime du peuple algérien, en l’occurrence le GPRA (gouvernement de la République algérienne), les officiers supérieurs de l’armée française envisagent uniment son renversement.  À paris, le général Faure dirige alors les préparatifs. Il se démène en vue de saboter le processus auquel a appelé le général de Gaulle. Avec les plus radicaux de l’armée, ils forment un groupe prêt à en découdre avec les autorités françaises légales. En Algérie, ce rôle échoit au général pied-noir, Edmond Jouhaud.

De toute évidence, tout s’est joué très vite. Bien que la négociation, prévue le 31 mars 1961 entre les autorités françaises et le GPRA, soit ajournée à cause de la velléité française de vouloir associer à la dernière minute le MNA dans la discussion, les généraux séditieux ne relâchent pas la pression. Toutefois, après la conférence du général de Gaulle du 11 avril affirmant son intention de négocier avec le GPRA, l’épreuve de force devient dès lors inéluctable. Dix jours plus tard, le « quarteron de généraux en retraite » passe à l’action. Bien qu’un contre temps les oblige à repousser les opérations de 24 heures, le samedi 22 avril 1961, à 2h45, ils prennent, sans coup férir, Alger. Le chef des armées, le général Gambiez, et le délégué général, Jean Morin, sont neutralisés et placés illico en résidence surveillée à In Sallah.

Néanmoins, bien qu’Alger tombe avec une facilité déconcertante, l’Oranais et le Constantinois ne suivent pas. Devant ce constat de semi-échec pour les insurgés, le 23 avril, les généraux putschistes décident de concentrer leurs efforts sur Alger. Cela dit, bien que le mouvement aille à vau-l’eau, le général Challe refuse à ce que les commandos OAS soient associés à leurs opérations. Peu à peu, leur mouvement s’essouffle et prend l’eau de toute part. Vers la fin de la journée du 23 avril, le coup d’estocade vient du général de Gaulle. Dans un discours mémorable, il s’adresse à la nation en général et à l’armée en particulier. Pour lui, les planificateurs du pronunciamiento s’appuient sur un discours trompeur pour parvenir à leur fin. « Ce groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques » exploite malhonnêtement le sentiment de « la population de souche européenne qu’égarent les craintes et les mythes ». Pour parvenir à les mettre hors état de nuire, de Gaulle interdit « à tout français et, d’abord, à tout soldat d’exécuter aucun de leurs ordres », martèle-t-il fermement.

D’ailleurs, le discours ne tarde pas à apporter ses fruits. Après ça, le contingent –et c’est le moins que l’on puisse dire –se retourne, dans certains cas, contre les factieux. À Blida, les soldats légalistes désobéissent au général Bigot, le haut responsable de l’aviation en Algérie. Bien que ces soldats soient taxés de communistes, il n’en reste pas moins que c’est la politique du général de Gaulle qui l’emporte sur le choix aventureux des putschistes.

En somme, en dépit des allégations des ultras selon lesquelles de Gaulle voulait brader l’Algérie, le processus de la négociation n’a pas été une simple formalité. Jusqu’à l’ultime round des pourparlers, les intérêts français sont défendus crânement par les représentants de l’Élysée. Du coup, la démarche des généraux ne peut être interprétée que par leur volonté de maintenir le peuple algérien sous le joug colonial. Heureusement, après près de sept ans de guerre, cette option n’est plus soutenue par  beaucoup d’adeptes.      

Boubekeur Ait Benali
26 avril 2013

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