Dans  le projet de la révision de la constitution, on peut aisément déceler la mauvaise foi du régime. D’après la presse algérienne, ce texte sera prêt dans quelques jours. Alors que le projet aurait dû être soumis au débat public depuis au moins avril 2011, on apprend que cette énième révision va se faire presque en catimini. Cela prouve encore une fois que le peuple algérien est éloigné des grandes décisions. En tout cas, si les autorités exécutives des pays réellement démocratiques font tout pour réaliser les desiderata de leurs concitoyens, force est de reconnaitre que les nôtres n’ont en cure de ce que pense le peuple tout bas. Inutile de revenir sur l’élaboration de la première constitution jusqu’à sa dernière révision le 8 novembre 2008 pour expliquer que la discussion de la loi fondamentale relève d’un cercle restreint. De toute façon, tout porte à croire que le nouveau texte va entériner, dans le même esprit des précédents, la pérennisation du système.  

De toute évidence, bien que l’environnement politique, marqué essentiellement par des changements chez nos voisins, soit défavorable au régime en place, président et services secrets compris, les dirigeants feront tout pour ne pas confier le sort de l’Algérie à un peuple jugé immature depuis l’indépendance. D’ailleurs, des voix proches du sérail, à l’instar de Farouk Ksentini, appellent à l’octroi d’un rôle prépondérant à l’armée. Bien que celle-ci n’ait pas besoin d’un tel appel pour assumer la direction du pays, il n’en reste pas moins que ces initiatives la confortent dans son rôle.  De la même manière, des sorties médiatiques, comme celles de l’avocat Ksentini, trompent  l’opinion. Résultat des courses : l’émergence de la démocratie en Algérie est renvoyée aux calendes grecques.

Quoi qu’il en soit, le plus troublant dans cette énième manœuvre du régime, c’est que même la démarche laisse l’observateur pantois. « Le fait majeur est que M. Abdelmalek Sellal, mandaté par le président Bouteflika, de l’installer [la commission de révision de la constitution] en son nom n’a même pas assuré le service minimum de faire un semblant de discours. Il n’a rien dit, il a prononcé son discours dans un « flash disk », note le journaliste de la Nation, Khaled Ziri. En outre, au-delà de cette moquerie, le fond du projet reste discutable. En fait, sans prendre le pouls de la société, la révision de la constitution est confiée à des experts. Triés sur le volet, ces derniers vont-ils respecter les attentes du peuple algérien en vue d’un changement ? Hélas, leurs propositions seront soumises, au préalable, au chef de l’État avant qu’elles soient adoptées par référendum, probablement parlementaire que populaire. Comme en 2008, le texte constitutionnel passera comme  une lettre à la poste.

Malgré les scandales qui se multiplient et les bouleversements que connait le sud du pays, il est clair que le régime ne veut pas lâcher les rênes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en dépit de leur âge, la plupart des responsables sont des septuagénaires, il n’en demeure pas moins que leur départ n’est pas à l’ordre du jour. Et pour cause ! L’exercice du pouvoir, dans un climat opaque comme celui de l’Algérie, rapporte beaucoup. Du coup, même si on entend ça et là l’existence de désaccord au sommet de l’État, ces clans se ressoudent dès qu’il y a la remise en cause de leur pouvoir. D’ailleurs, à en croire Hocine Malti, les luttes au haut niveau de l’État concernent un combat de positionnement des clans. « On a utilisé le motif de la corruption pour procéder à un transfert de pouvoir d’un clan à un autre : celui du DRS a opéré une reprise en mains du groupe et du secteur pétrolier, jusque-là sous le contrôle du clan présidentiel », écrit Mélanie Métaresse, dans une contribution au Figaro, en citant Hocine Malti.

Tout compte fait, c’est dans ce climat délétère que le pouvoir algérien se prépare à l’échéance présidentielle qui aura lieu dans un an. Il va de soi que les Algériens n’ont rien à attendre de ce régime. Pour l’heure, rien n’est perdu. Ils peuvent imposer pacifiquement leur choix. En s’immisçant dans le processus électoral, ils sont capables de changer la donne. Bien que la tâche ne soit pas une sinécure, ils peuvent sanctionner le régime en votant massivement pour un candidat de leur choix et en veillant à ce que leur choix soit pris en considération. Et c’est à cette seule condition que l’Algérie sera sauvée.  

Boubekeur Ait Benali
20 avril 2013

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