Les manifestations en réaction au film islamophobe « The innocence of muslims » ayant enflammé le monde musulman, ont eu des répercussions en France. Samedi 15 septembre, un petit groupe d’environ 100 à 250 personnes ont tenté de manifester devant l’ambassade étatsunienne à Paris. Il n’en a pas fallu davantage pour réveiller les ardeurs du microcosme médiatico-politique toujours prompt à défendre le « monde libre » contre les « barbares islamistes ».

Interrogé sur France 2, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a déclaré que cette manifestation était « inacceptable » : « Je ne permettrai pas que des femmes voilées entièrement, que des prières de rue, que des slogans hostiles à des pays alliés, à nos valeurs, puissent se faire entendre dans nos rues » (1).

Outre les États-Unis, nous pourrions nous poser la question de l’identité desdits « pays alliés » contre lesquels le ministre de l’Intérieur veut interdire de prononcer « des slogans hostiles ». Celui qui se déclarait lié « de manière éternelle à Israël » (2), ne pensait certainement pas uniquement aux « slogans hostiles » aux États-Unis en prononçant ces mots. Nous pourrions aussi nous poser la question des soi-disant « valeurs » que le ministre de l’Intérieur refuse de voir dénoncées publiquement lorsque l’on connaît sa propension à déplorer le manque de Blancs à Évry (3) ou à organiser la « chasse » aux Roms.

Au-delà de ces questions, en souhaitant bannir l’expression de certaines opinions de l’espace public, Manuel Valls affirme ouvertement vouloir porter atteinte à la « liberté d’expression » qu’il se gargarise de défendre. Cette « liberté d’expression » ne s’appliquerait visiblement pas aux musulmans voulant exprimer leur colère et leur indignation. Pourtant, ladite « liberté d’expression » est systématiquement invoquée pour défendre toutes les attaques contre l’islam et les musulmans. Le « blasphème » aurait un statut de droit inaliénable, de valeur « sacrée ». Il serait du devoir des musulmans d’« apprendre » à accepter passivement la « critique », pour ne pas dire l’insulte, de leur religion, de leur culture et de leur civilisation.

Cette « liberté d’expression » tant vantée ne donnerait-elle pas aussi le droit aux musulmans de prononcer des « slogans hostiles » à l’égard de tel ou tel État et à l’égard de « valeurs » qu’il reste à définir ? Ce droit ne relèverait-il pas lui aussi d’un droit inaliénable, d’une valeur « sacrée » ? Visiblement non, selon les principes à géométrie variable du ministre de l’Intérieur d’un pays condamnant l’outrage au drapeau national de 1 500 euros d’amende. Le droit au « blasphème » a de saintes limites républicaines qui ne sauraient être transgressées.

Ne vivant officiellement plus sous le code de l’indigénat, la « liberté d’expression » devrait s’appliquer aux musulmans comme aux autres catégories de la population qui sont censées avoir parfaitement le droit d’exprimer leur colère, leurs revendications et leur indignation publiquement. Les musulmans devraient pouvoir manifester en toute liberté en vertu des principes hautement revendiqués par le ministre de l’Intérieur. En violation de ces principes lorsqu’il est question des musulmans, M. Valls préfère menacer, interdire et réprimer. Il perpétue ainsi une logique coloniale dans laquelle deux humanités ontologiquement différentes ont des droits distincts : « liberté d’expression » pour les occidentaux ; injonction au silence pour les autres.

Manuel Valls et ses acolytes donneurs de leçons de « liberté d’expression » et de « démocratie » devraient savoir que les idées trahies se vengent souvent terriblement. L’adage n’affirme-t-il pas que « quiconque creuse un puits sous les pieds de son prochain, y tombera lui-même ».

Youssef Girard
18 septembre 2012

Notes de renvoi :

(1) « Enquête ouverte après la manifestation islamiste de Paris », URL : http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE88F04M20120916
(2) Hamza Hichem, « Manuel Valls : « Je suis lié de manière éternelle à Israël », URL : http://oumma.com/Manuel-Valls-Je-suis-lie-de
(3) Martin Julien, « Manuel Valls aimerait plus de « blancs » dans sa ville d’Evry », URL : http://www.rue89.com/2009/06/10/manuel-valls-aimerait-plus-de-blancs-dans-sa-ville-devry?page=11

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