Commentaire de la « Lettre ouverte de Bernard Debré à Moncef Marzouki » (voir ci-bas)

A M. Debré,

Je vous cite : « La France serait islamophobe [?] alors que les mosquées se multiplient, l’État est laïc et garantit par là, la liberté de culte, alors que dans votre pays, une poussée de l’islamisme conduit les femmes à rentrer dans leur foyer, imposer progressivement la Burqa et, peut-être, [suprême apostasie laïque!] prendre le coran, telle la Libye, comme base politique. »

Et alors ? serait-ce une « apostasie laïque » que de prendre comme vous dites, « le Coran comme base politique », monsieur le Pr Bernard Debré ?

Vous, dont on sait les solides ascendances judaïques, n’auriez-vous jamais eu le temps – à défaut de vous informer sur le Coran que vous n’aimez pas, et c’est votre droit – pour jeter un coup d’œil sur la Torah ou pire, le Talmud, et le peu de cas qui y est fait du statut quasiment infra humain de la femme juive ?

Je n’aurais pas l’impudeur d’évoquer ici, le ridicule – tenant presque de la caricature n’étaient-ce des Textes dits « sacrés » – de certaines contraintes liées à sa physiologie de femme, de certaines de ses obligations domestiques ou de certains interdits sociaux qui la frappent comme une sorte de malédiction, qu’elle fut épouse, fille ou veuve.

Alors s’il vous plait, monsieur Debré, trêve de condescendance postcoloniale ! On en a ras-le-bol, par ici, de cette morgue, de cette arrogante suffisance ; quand bien même vous prenez soin de l’enrober dans le style de tournures convenues comme lorsque vous écrivez :

« J’espère de tout mon cœur que la Tunisie n’évoluera pas vers ce système pour tomber dans un autre totalitarisme. »

Comme si la France de M. Sarkozy, cette espèce de Proconsul de Tel-Aviv à Paris, n’était pas tombée au rang d’une banale satrapie réglée comme une horloge, sur l’heure de l’atlantisme et du sionisme et dont les lobbies financiers et médiatiques sont devenus les vrais centres du pouvoir.

Regardez-donc du coté du « totalitarisme institutionnel » bien installé chez vous avant que de lire l’avenir de la Tunisie sur une boule de cristal…

Abdelkader Dehbi
4 janvier 2012

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Lettre ouverte à Monsieur Moncef Marzouki, Président de la République de Tunisie

Monsieur le Président,

Nous avons eu le devoir et je dirai la joie de vous accueillir dans notre pays pendant que vous n’étiez pas « persona grata » dans le vôtre. Il est vrai que, pendant longtemps, la Tunisie a été dirigée par un potentat qui s’est largement servi sur les deniers de l’État. Il est vrai qu’il n’y avait pas de liberté en Tunisie. Le système policier était hypertrophié, les gens sur écoute, l’opposition muselée.

Vous avez pu, de la France, mener votre combat. J’imagine que vous avez pu regarder autour de vous dans notre pays ce qui se passait. Liberté religieuse aussi bien pour les catholiques, les juifs que les musulmans. Vous avez vu la tolérance qui régnait chez nous, État laïque acceptant toutes les religions à partir du moment où elles ne sont ni agressives, ni vindicatives, ni totalitaires. Nous avons plus de musulmans en France qu’il n’y en a en Tunisie !

Certes, quand le printemps arabe s’est développé en Tunisie, nous avons commis quelques erreurs. Du moins, la Ministre des Affaires étrangères a hésité et n’a pas vu la profondeur de ce mouvement, de cette aspiration à la liberté. A part elle, la totalité des Français était derrière le peuple tunisien pour son émancipation.

Voici maintenant que le système démocratique a été mis en place. Mais quelle ne fut pas ma surprise, Monsieur le Président, de vous entendre parler de colonialisme en évoquant l’action des Français comme si les maux qui traversaient la Tunisie étaient dus à l’attitude des Français une cinquantaine d’années auparavant, comme si le président Bourguiba, puis son successeur, le Président Ben Ali, étaient des « fantoches », pilotés par la France.

J’ai trouvé, mais beaucoup de mes concitoyens ont également la même opinion, qu’il était un peu trop facile de votre part d’accuser les Français, ficelles souvent utilisées pour minimiser les problèmes intérieurs et focaliser l’attention de vos concitoyens sur autre chose !

Mais là où véritablement la coupe est pleine, c’est quand, il y a quelques jours, vous avez dit aux Français de stopper leur islamophobie ! De quoi voulez-vous parler Monsieur le Président ? La France serait islamophobe alors que les mosquées se multiplient, l’État est laïc et garantit par là, la liberté de culte, alors que dans votre pays, une poussée de l’islamisme conduit les femmes à rentrer dans leur foyer, imposer progressivement la Burqa et, peut-être, prendre le coran, telle la Libye, comme base politique.

J’espère de tout mon cœur que la Tunisie n’évoluera pas vers ce système pour tomber dans un autre totalitarisme. Monsieur le Président, je dirais la même chose à propos de tous les intégrismes. Les pays auraient tout intérêt à disposer d’une législation laïque plutôt que de dépendre d’une seule religion pour leurs lois.

Monsieur le Président, que deviennent les chrétiens dans les pays arabes ? Ne voyez-vous pas qu’ils sont massacrés, leurs églises brûlées et que beaucoup sont forcés d’immigrer ? Alors, il est indispensable de surveiller vos propos !

La France – terre d’asile n’est pas une vaine expression. La Tunisie s’est libérée du carcan du totalitarisme mais comprenez bien qu’il ne faudrait pas qu’elle tombe de nouveau dans l’obscurité ou l’obscurantisme.

Pr. Bernard Debré
Ancien Ministre
Député de Paris
2 janvier 2012

Source :
http://www.bernarddebre.fr/actualites/lettre_ouverte____monsieur_moncef_marzouki__pr__sident_de_la_r__publique_de_tunisie

***

En écrivant une lettre ouverte à Moncef Marzouki sur des propos de ce dernier (sortis de leur contexte), Bernard Debré se trompe. Une erreur qui cache les vraies raisons de sa colère.

Par une lettre que je qualifierai de très musclée, vous avez largement exagéré les propos du Président tunisien, Moncef Marzouki. Ce dernier ayant demandé aux dirigeants français de ne pas jouer sur le sentiment d’islamophobie existant actuellement en France dans le cadre des futures élections présidentielles.

Vous savez très bien, M Debré que, Moncef Marzouki qui possède de nombreuses attaches tant intellectuelles que personnelles avec la France, n’a pas voulu s’en prendre à  un pays ami de la Tunisie. Vous savez très bien aussi que vous sortez aussi ces propos de leur contexte car vous n’ignorez pas  qu’ils ont été prononcés dans le cadre de vœux chaleureux adressés au peuple français via l’excellent site Médiapart (que j’invite à consulter largement).

Vous faites d’ailleurs complètement fi de ce message de sympathie envoyé pour n’en retenir qu’une petite partie que vous sortez de son contexte. Cette sélectivité m’étonne.

Mais le plus important n’est pas là car l’énervement que l’on ressent dans votre lettre tire sans doute sa source ailleurs. Et cet ailleurs, pour ne pas passer par quatre chemins, se trouve sûrement dans la nostalgie d’une ère délicieuse pour une partie du pouvoir français. Un temps où les dirigeants français  tiraient les fils des « pantins » comme Ben Ali pour reprendre votre expression (expression qui est si juste finalement). Un pantin Ben Ali qui, pour rappel, a choyé de nombreux politiques français avec des séjours gratuits dans des hôtels de luxe tunisien quand au même moment il torturait des hommes et des femmes qui ne recherchaient que  la liberté. Si vous avez de l’énergie à dépenser pour défendre l’honneur de la France, ce serait d’ailleurs plutôt sur ce terrain qu’il faut le faire car bénéficier de séjours luxueux de la part d’un dictateur quand on se dit représentant d’un pays défenseur des droits de l’Homme est beaucoup plus grave.

Là aussi, il y a une certaine sélectivité dans vos combats qui me laisse perplexe.

Eh oui, la françafrique, prolongement de la colonisation, se meurt et ni vous ni personne ni pouvez rien car pour paraphraser notre ancêtre commun, Victor Hugo, l’Afrique est en marche et rien ne peut l’arrêter. L’Histoire écrit effectivement sous nos yeux avec de grands et larges traits la véritable indépendance des peuples africains. Certes, il reste encore ici et là quelques pantins mais tout le monde sait que leurs jours sont comptés et que leur papas protecteurs n’ont plus les moyens de les maintenir sur leur trône face à leur peuple qui sont démocratiquement en forme ces temps-ci.

M Debré, votre colère feinte sur des propos tenus sur la France ne ramèneront pas cette françafrique et n’empêcheront pas la Tunisie d’aller vers la souveraineté totale quelle qu’en soit le prix à pays et les tentatives déclarées ou secrètes pour que ce processus n’aille pas à son terme.

Quand à l’Islamophobie. C’est un sujet inquiétant et hélas si réel dans notre beau pays qu’est la France. Si l’on n’en est pas encore à raser les mûrs en tant que musulmans en France même si tous les jours des cimetières musulmans sont profanés, que des femmes musulmanes voilées à force d’être stigmatisés se font insulter et cracher dessus dans la rue, que presque tous les ans désormais l’Assemblée Nationale vote une loi sur le port du voile, même si l’on ne rase pas les mûrs comme je vous le disais, pensez vous qu’elle n’existe pas en France cette islamophobie?

Vous allez sans doute me répondre que non et qu’encore une fois le musulman français que je suis joue sa petite musique victimaire. Alors en bon rationaliste que vous êtes, permettez-moi de vous  rappeler un sondage Ifop publié dans le très sérieux journal le Monde début 2011 qui dit que « pour environ 40% des Français et des Allemands, l’islam représente «plutôt une menace» et que 68% des Français  estiment que les musulmans ne sont pas bien intégrés dans leur société ». Alors ce sondage, qu’en pensez-vous. Niez vous toujours que l’islamophobie existe ? Bien évidemment, je ne veux pas ici vous rappeler la condamnation pour racisme d’un ancien ministre de l’intérieur ni les déclarations douteuses sur l’Islam et les musulmans par certains politiques. Mais si vous me le demandez, je peux approfondir la question si vous le souhaitez.

Pour finir, cher compatriote Debré (et c’est très amicalement que je suis prêt à vous offrir un bon couscous tunisien à l’œil), si lors de la campagne électorale qui vient nous pouvions éviter un nouveau débat sur l’identité nationale qui se transformerait en attaque en règle des musulmans comme la dernière fois ou un énième débat sur le voile ou la burqua ou une énième longue soirée de palabre sur une supposée menace terroriste islamiste… bref si nous pouvions parler d’autre chose comme de la crise économique dans laquelle nous sommes, des inégalités sociales croissantes, des discriminations à l’emploi dont sont victimes les jeunes français d’origine immigrée, ect, ce serait plutôt bien et peut être un peu plus constructif.

Quant à ce Marzouki, ce rêveur en burnous malicieux vivant un conte de fée merveilleux que seule une démocratie peut offrir (ah moi aussi je me rêve un jour de devenir  président français, moi le bazané que je suis, est ce possible?). Quant à ce Marzouki vous disais-je, laissez le dire ce qu’il veut. Vous le savez si bien docteur Debré, les médecins parce qu’ils sont mauvais politiciens disent (et écrivent) souvent de grosses âneries.

Bien à vous

Jamel Dridi
4 janvier 2012

http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/international/afrique/221141865/tunisie-reponse-a-lettre-ouverte-bernard-debre-a-mo

2 commentaires

  1. Comment taire ?
    Victor Hugo n’est d’aucune façon mon « ancêtre », pas plus d’ailleurs que Lamartine, Gustave Flaubert, Emile Zola ou Guy de Maupassant.
    Voici ce qu’écrivait, en 1841, le « grand » Victor Hugo, à Bugeaud, l’un des plus grands génocidaires de tous les temps: « C’est un nouvel élan donné à la France des Lumières et de la Révolution. C’est la civilisation qui marche sur la barbarie. C’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit. Nous sommes les Grecs du monde ; c’est à nous d’illuminer le monde. Notre mission s’accomplit, je ne chante qu’hosanna ».(1.Prière que les Juifs prononcent pendant la fête des Tabernacles, 2.Hymne qui se chante le jour des Rameaux, 3.Par extension: louange, bénédiction, cri de joie).
    Victor Hugo, encore une fois le 15 Octobre 1852 : « Le général Le Flô me disait hier soir que, dans les razzias, il n’était pas rare de voir des soldats jeter à leurs camarades des enfants qu’ils recevaient sur la pointe de leurs baïonnettes. »
    A propos du massacre de la tribu des Ouffias par le duc de Rovigo, Pellissier de Reynaud note : « Tout ce qui vivait fut voué à la mort ; on ne fit aucune distinction d’âge ni de sexe. En revenant de cette funeste expédition, plusieurs de nos cavaliers portaient des têtes au bout de leurs lances. »
    Rapportant les campagnes militaires de deux paysans qui ont combattu dans l’ « ancienne Régence », leur très célèbre Emile Zola, – pour une fois « s’accusant » soi-même, écrit sans honte aucune : ils avaient « des souvenirs communs, des oreilles de Bédouins coupées et enfilées en chapelets, des Bédouines… pincées derrière les haies et tamponnées dans tous les trous ».
    Sur les massacres des Zaatcha en 1848, Baudicour, témoin de ces scènes, raconte que les soldats, dans l’enivrement de leur victoire, se précipitaient sur les malheureuses victimes qui n’avaient pu fuir. Ici un soldat amputait en plaisantant, le sein d’une pauvre femme (…) ; là un autre soldat prenait par les jambes un petit enfant et lui brisait la cervelle contre la muraille. »
    Ayant eu, en tant que collégien, puis en tant que lycéen, à étudier ces auteurs en charge de nous apporter la  » lumière et la civilisation « , j’ai, aujourd’hui , -après près d’un demi-siècle de recul-, le sentiment d’avoir été floué et qu’il a eu quelque part, tromperie sur la marchandise. Je ressens, désormais, une impression de malaise indéfinissable; c’est comme si après m’être abreuvé de cette littérature, un mauvais sang circulait dans mes veines.

    • « Le terrorisme est linguistiquement et sémantiquement une invention française »(Pr Jean-François Matteî philosophe).
      @Hakkaî

      « Le terrorisme est linguistiquement et sémantiquement une invention française »(Pr Jean-François Matteî philosophe).

      On ne rappellera jamais assez les crimes contre l’humanité commis par cette France des « Lumières », de ce pays qui se targue d’être le berceau des « droits de l’homme », de cette république française dite de la « Liberté-de l’Égalité et de la Fraternité ».

      La Révolution française de 1789 a inventé la Terreur révolutionnaire institutionnalisée et fabriqué cette machine infernale à couper les hommes en deux qu’était la tristement célèbre guillotine surnommée du sobriquet de « rasoir républicain ». Dans la seule année 1793 et pendant plus de six mois,quelques 22000 têtes roulèrent dans un flot de sang sur le macadam!

      « Et les têtes volèrent comme des tuiles sur le toit, un soir d’ouragan ». Anonyme.

      Avant d’exporter sans le monde son idéologie mortifère par des guerres incessantes (cf le boucher de l’Europe qu’était Napoléon et sa « république universelle »), cette France-là a commis en 1793 et sur son propre sol, un génocide incroyable envers une partie de sa propre population: 175.OOO Vendéens (homme-femmes-enfants-vieillards)furent impitoyablement exterminés par les fameuses « colonnes infernales » composées de psychopathes dépêchés par les comités révolutionnaires!

      Il y a tant et tant à dire sur la face cachée, honteuse de cette France-là et que bien de nos compatriotes, par ignorance ou de mauvaise foi,s’évertuent à porter aux nues. Et pourtant, une simple recherche sur le Web suffirait à démonter pièce par pièce ce mythe sidérant qui continue à faire des ravages dans les pauvres esprits à la vison étriquée des nôtres qui en arrivent à pratiquer sans pudeur aucune l’ethnomasochime (haine de soi), quitte à souiller sans vergogne et à renoncer à l’héritage spirituel et l’histoire réelle de leurs ancêtres.

      Bien à vous.

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