boutef-Housni-GhaddafiA l’heure où la communauté internationale s’empresse de reconnaître l’autorité du CNT sur la Libye comme régime politique souverain et légitime, la seule ambassade attaquée à Tripoli est celle de l’Algérie qui continue de s’enfoncer dans un silence assourdissant.

Les derniers pays ou organisations internationales ou régionales encore hésitants à reconnaître le CNT par calculs diplomatiques dictés par des enjeux géostratégiques majeurs tels que la Tunisie, la Ligue arabe, ou encore l’embryonnaire gouvernement de l’Autorité palestinienne, viennent de s’ajouter à la liste. La seule réaction algérienne enregistrée, est un communiqué du porte-parole du ministère des Affaires étrangères afin de démentir l’information selon laquelle le colonel Kadhafi aurait trouvé refuge en Algérie.

Ce énième démenti sonne le glas d’une politique étrangère presque exclusivement orientée vers le culte du démenti, en rupture totale avec la tradition diplomatique algérienne connue pour ses nombreuses initiatives.

L’époque où la diplomatie algérienne comptait parmi les plus importantes et les plus influentes du monde arabe et du continent africain est bien révolue. Cette diplomatie, soutenue par des institutions étatiques fortes avait acquis une réputation doublée d’une crédibilité sans faille notamment dans l’espace géopolitique des pays non-alignés. La révolution de Novembre qui s’est inscrite dans le principe universel du droit des peuples à l’autodétermination et durant la phase mondiale de décolonisation, a été un facteur qui a placé l’Algérie parmi les pays leaders d’une diplomatie de refus face aux nombreuses tentations impérialistes.

De même que le poids de l’Union soviétique, puissance mondiale incontournable, a été un appui de taille aux aspirations internationales des pays non alignés, de même les organisations comme la Ligue arabe, l’Organisation de l’Union Africaine, le Groupe des 77 et le mouvement des pays non-alignés, ont joué un rôle de régulation à travers les positions politiques internationales et de règlement des conflits. Ces regroupements internationaux ont offert une troisième voie à la diplomatie mondiale, en déjouant les visions hégémoniques que tentaient d’imposer, d’un côté le Pacte de Varsovie, et de l’autre l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

La question palestinienne dans le cadre du conflit arabo-israélien, était au cœur des préoccupations de la diplomatie algérienne de l’époque. L’Algérie y a occupé une place majeure, surtout après la débâcle de 1967. Le gouvernement algérien a usé de moyens diplomatiques considérables pour faire pression sur l’Occident en dénonçant d’abord le soutien massif apporté à l’entité sioniste, puis en recourant à la rupture des relations avec les Etats-Unis, et enfin en participant pleinement aux mesures de restriction prises par l’OPEP le 16 octobre 1973.

La diplomatie algérienne a également à son actif le dénouement du conflit territorial entre l’Irak et l’Iran, qui a pris fin grâce à l’accord d’Alger du 6 mars 1975. Ce conflit reprendra dès l’arrivée des Mollah au pouvoir à Téhéran, qui ont immédiatement remis en question cet accord.

Toujours dans la région, la diplomatique algérienne a réussi à résoudre la très difficile crise irano-américaine, dite « crise des otages de l’ambassade américaine à Téhéran ». Les négociations conduites par le ministre des Affaires étrangères algérien, un des artisans des accords d’Evian, Mohamed Seddik Benyahia, ont débouché sur la libération des otages américains et le dégel des avoirs iraniens aux Etats-Unis bloqués par le gouvernement américain après la chute du Chah.

Ces succès diplomatiques avaient positionné l’Algérie sur la scène internationale comme l’un des pays en capacité de traiter avec tout le monde ou presque, et qui pouvait intervenir en médiateur et proposer des solutions de sortie de crise dans les différents conflits.

La dernière intervention réussie est celle qui a mis fin à la guerre civile au Liban, avec les accords de Taef. Obtenu sous l’égide de la commission tripartite composée de l’Arabie Saoudite, du Maroc et de L’Algérie, cet accord toujours en vigueur est basé sur le fonctionnement des institutions libanaises par un partage de pouvoir dans la logique d’un équilibre entre les différentes communautés religieuses de Liban.

Depuis ces réalisations diplomatiques, hormis la signature du traité de paix entre l’Ethiopie et l’Erythrée le 12 décembre 2000, sous l’égide de Bouteflika avec la bénédiction des Américains qui avaient envoyé à Alger leur secrétaire d’Etat Madeleine Albright, la diplomatie algérienne s’est mise en hibernation. En effet, le département des affaires étrangères a subi une centralisation des décisions et des initiatives au niveau de la présidence la de république d’une manière draconienne. Cette prise en main brutale de la diplomatie a castré toute tentative d’émergence d’une nouvelle génération de diplomates, capables de comprendre le monde d’aujourd’hui et de soumettre des analyses objectives et rationnelles à même d’aider les dirigeants politiques à prendre des décisions judicieuses.

Dans le même temps, la décennie Bouteflika a vu naitre une « diplomatie people » rompant avec toutes les coutumes protocolaires, allant jusqu’à faire du palais d’El Mouradia, le lieu où des acteurs de cinéma comme Gérard Depardieu et Catherine Deneuve étaient reçus d’une manière officielle ! Le président se permettant même le luxe d’accompagner « ses prestigieux visiteurs » jusqu’au perron pour une déclaration à la presse ; ces privilèges protocolaires étaient jusque là réservés aux seuls chefs d’Etats et de gouvernements.

Cette dérive s’est traduite par une perte de positionnement politique. A contrario, la diplomatie algérienne conduite par le chef de l’Etat s‘est distinguée ces dernières années par une répétition quasi mécanique de démentis, pour parer à l’absence de stratégie réfléchie.

A l’heure où les enjeux géopolitiques et stratégiques dans la région du Sahel prennent une dimension internationale, au moment où le l’Afrique du nord connait des changements politiques historiques « Tunisie, Egypte, Libye… », le régime algérien est incapable de faire face à ces bouleversements, mettant en péril l’existence même du pays dans sa configuration géopolitique actuelle.

Yahia Mekhiouba
23 août 2011

Source : www.lanationdz.com

Comments are closed.

Exit mobile version