Sans papiers, sans raison
Sans maison, sans dix ans

Les rues sont bondées et les coeurs déserts
Ses mots se sont taris quand les bouches si disertes
Sa vie est partagée entre son silence et sa misère
Et les délateurs partout l’épient comme des vipères

Sans papiers, sans raison
Sans maison, sans dix ans

Il crève effarouché dans son recoin esseulé
Loin de la lumière raffinée et les feux tamisés
Son espoir est chimère, son boulot une corvée
Ses jours des éternités où se heures sont comptées

Sans papiers, sans raison
Sans maison, sans dix ans

Tout le monde le soupçonne, personne ne le croit
Quand il étale son histoire comme linge dans le froid
Ses délires le trahissent, sa voix ternie d’émoi
Se succèdent péripéties, cruautés et désarrois

Sans papiers, sans raison
Sans maison, sans dix ans

Dort de son insomnie, se réveille de son sommeil
Craint les rafles métro, les fouilles et interrogatoires sur fauteuil
Ses soucis sont des tunnels où sa peau vire au vermeil
Quand s’enlacent ses phobies en ritournelles sans merveille

Sans papiers, sans raison
Sans maison, sans dix ans

Ses diatribes muent ses querelles en plaintes sans chorale
Les musiques s’entrechoquent et la cacophonie immorale
Ses parents priant le ciel lui apporter sa caution morale
Dans le verglas de l’exil où sa voix délestée de ses vocales

Sans papiers, sans raison
Sans maison, sans dix ans

Les siens le croient vautré dans l’Éden éternel
L’envient dans ses malheurs espérant son autel
Lui les flics aux trousses, les visages en métal
Quand les autorités lorgnent les chiffres exponentiels

Sans papiers, sans raison
Sans maison , sans dix ans

Aux préfectures obscures, ses signalements vedettes
Ses réseaux découverts, son dos criblé de dettes
Quand des chiffons signés discréditent ses mille requêtes
Pour régulariser ses papiers évitant ses diverses cachettes

Sans papiers, sans raison
Sans maison, sans dix ans

Kamal Guerroua
para los pobres del mundo entero
22 mai 2011

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