C’est au tour du Bahreïn, ce petit royaume insulaire – situé dans l’ouest du Golfe persique, de moins de 1,5 millions/hab. – de manifester sa colère pour plus de démocratie et de liberté et surtout moins d’injustices et de discriminations. Sa population est composée à 80% de nationaux arabes musulmans dont 70% sont chiites que gouverne une dynastie sunnite qui garde tous les leviers de pouvoir. Ce pays riche en pétrole est dirigé depuis 1999 par Hamad ben Issa al-Khalifa, 12ème souverain de la famille royale Al-Khalifa qui règne depuis le XVIII siècle sous la protection du Royaume-Uni, son tuteur, en vertu d’un traité signé en 1820. Le Bahreïn ne devient indépendant, en intégrant l’alliance des Émirats arabes unis, qu’après le désengagement de la Grande Bretagne. en 1971. L’économie du Bahreïn dépend essentiellement du pétrole qui procure 70% des revenus. Ses réserves limitées l’on contraint à se diversifier. Ce pays s’est bien équipé en raffineries, en installations touristiques et en Banques. Il a également un secteur du bâtiment et des infrastructures de communications et de transports bien développés. Bahreïn abrite la Vème flotte américaine et la France dispose de centres d’écoutes.

Néanmoins, cette richesse et ce semblant d’équilibre cachent une fragilité d’un régime bâti sur des iniquités et des discriminations particulièrement sensibles et explosives.

A la faveur des révoltes tunisiennes et égyptiennes, l’onde de choc n’a pas manqué de réveiller aussi les Bahreïnis pour leur rappeler leur situation sociale qu’ils ont dénoncée déjà en 1990. Les manifestants exigent des réformes politiques et sociales, dénoncent la pauvreté et le chômage mais aussi la discrimination dont ils font l’objet en tant que chiites par rapport aux sunnites minoritaires dans l’accès au travail dans la fonction publique, l’accès à la propriété foncière, l’octroi de la citoyenneté aux étrangers, l’acquisition de logements. Par ces motifs, ils revendiquent carrément la démission du Premier ministre, le cheikh Khalifa ben Salman al Khalifa, qui gouverne le pays depuis 40 ans et la mise en place d’une démocratie civile avec une nouvelle Constitution selon le modèle britannique. Celle adoptée en 2002 suivie d’élections législatives qui avaient contribué à ramener le calme, est jugée maintenant par l’opposition insuffisante même avec l’entrée de 17 chiites à la 2ème chambre du Parlement. A l’exemple des Egyptiens sur la place « Tahrir », les manifestants bahreïnis ont occupé la grande place, dite de la « Perle » située au centre de Manama, en y érigeant un campement de fortune que le ministère de l’Intérieur déclare « illégal ». C’est l’affrontement avec la police antiémeutes, ayant entrainé des morts et des blessés. Selon les dernières informations les affrontements ont causés 6 morts et une centaine de blessés. Selon des témoignages, les forces antiémeutes ont attaqué les protestataires, soudainement, la nuit sur la Place en faisant usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc et réelles selon l’opposition. Le ministère de l’Intérieur a affirmé, par la voix du général Tarek al-Hassan que « les forces de sécurité ont évacué la place de la Perle » en justifiant l’intervention par l’épuisement de « toutes les chances de dialogue… [avec ceux qui] ont refusé de se soumettre à la loi ».

La méfiance du régime vis-à-vis de la majorité autochtone chiite est telle que les forces de sécurité se composent de sunnites même s’ils sont étrangers en leur accordant une faveur rarissime qui est la nationalité mais que les chiites bahreïnis considèrent visant à inverser la courbe démographique.

Comme pour les autres révoltes, surtout de pays musulmans, l’Occident y voit comme toujours d’abord la main de l’intégrisme islamiste, puis celle de l’Iran – dans le cadre de la protection et de la domination d’Israël – et non des révoltes de peuples face à des régimes injustes qu’il a façonnés et pilotés. L’alibi « islamiste » et « iranien » dont usent et abusent l’Occident pour renforcer ses intérêts et ces régimes pour se maintenir ne tient désormais plus devant les nouvelles générations instruites dites de l’Internet et du Facebook. Pendant que des officiels craignent que ces « jeunes désœuvrés » soient manipulés par l’Iran, tout en accusant les chiites de vouloir remettre en cause « la légitimité du régime », ces deniers s’en défendent en affirmant vouloir recouvrer des droits bafoués en revendiquant un jeu démocratique sincère dans une monarchie constitutionnelle. « Nous ne voulons pas instaurer un Etat religieux. Nous souhaitons une démocratie civile… dans laquelle le peuple est à la source du pouvoir, et pour cela, nous avons besoin d’une nouvelle Constitution», a déclaré le secrétaire général du parti Wefaq, le cheikh Ali Salman dont le parti s’est retiré du parlement.

Les Etats-Unis montrent un certain embarras vis-à-vis de la situation en déclarant « condamner la violence » tout en appelant à faire preuve de « retenue » en s’abstenant de demander de répondre aux aspirations du peuple comme ils l’ont fait pour d’autres pays. Leur dilemme s’explique par leur volonté de stabilité d’un pays allié, dont la capitale est port d’attache de la Ve flotte de l’US Navy, et les changements démocratiques qui peuvent mettre en cause leurs intérêts.

Amar Djerrad
19 février 2011

Un commentaire

  1. CQFD
    Merci MR Djerrad,je lis tous vos articles qui nous prodiguent un grand éclaircissement sur les événements dont les mérdias officiels rendent confus et obscures !
    Continuez !!!

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