La preuve par la flottille de la liberté

Il faut comprendre par cet acte sanglant de piraterie — par des patrouilleurs israéliens, contre la flottille internationale  de la Liberté, transportant des aides humanitaires aux Gazaouis, victimes d’un blocus ignoble imposé par Israël avec la bénédiction de l’Occident — qu’il s’agit d’une des manifestations des plus logiques de la part d’un “Israël” englué dans les contradictions d’une idéologie colonialiste et fasciste.

Cet acte certifie de sa dangerosité et de sa fragilité. Il témoigne aussi de l’absurdité des réactions qui semblent atteindre les limites de l’entendement. Il n’y a pas de plus complice quand l’UE demande à Israël “une enquête complète sur les circonstances” de ce raid, c’est-à-dire au criminel, suivie des États-Unis qui, sans “condamner”, “regrettent les pertes en vies humaines” tout en voulant savoir “les circonstances” de la “tragédie”. Seul Sarkozy use de “condamnation”, mais pour “l’usage disproportionné de la force” comme s’il s’agissait d’une flottille de guerre. La bonne conscience ne s’accommode pas d’ambiguïtés devant un crime !

Voilà qu’il a fallu une action percutante qui fait front à la propagande sioniste pour que leur système et leurs stratagèmes se mettent à nu. Il est effectivement nécessaire de contrer leur désinformation, de dénoncer leurs méfaits sur les droits de l’homme et sur ses dangers quant à la paix, mais il nous semble que rabâcher sans stratégies et actions concrètes et coordonnées — pour anéantir leur système qui ne survit que par l’escroquerie,  l’argent maffieux et les égards — serait infructueux et stérile.

Le monde est convaincu qu’il est face à un “État” sans foi ni loi — que dirigent, depuis sa création par usurpation, des gouvernements composés de bandits et de mercenaires sans racines et sans vertus — sous tutelle de lobbies influents, dotés de moyens de persuasion redoutables, immoraux. Ces lobbies qui infiltrent les gouvernements des pays à tradition démocratique, qui accaparent leur histoire, leur média, leur culture pour les pervertir, qui utilisent les pressions et corruptions afin d’orienter leurs politiques selon les retombées qui leur sont bénéfiques, qui dictent ce qu’ils doivent dire, croire et faire, qui fomentent ou soutiennent des conflits afin de diviser les pays qui leur sont hostiles, qui décident d’une guerre, d’un blocus, d’un embargo, qui peuvent faire sanctionner un pays réfractaire ou poursuivre n’importe quelle personnalité indocile en abusant des institutions internationales, dont la plupart leur sont dévouées, qui se permettent de bafouer les lois internationales, etc. Ces lobbies sont d’une importance capitale contrairement à la vision de Chomsky qui “occulte leur influence sur la politique des États-Unis”, selon l’analyste Jeffrey Blankfort.

Dans la stratégie américaine, Israël est un maillon essentiel pour la défense de ses intérêts. La création d‘Israël est le résultat de la “mauvaise conscience” de l’Occident encore colonialiste, d’une part, mais aussi avec cette faveur, le futur gardien de ses intérêts, d’autre part. Dans ce jeu, le sionisme est doctrine et instrument qui obéissent fondamentalement à des intérêts américains que représentent les lobbies que dominent les organisations sionistes. Les vrais sionistes, détenteurs des politiques, vivent dans ces pays dits démocratiques, avec leur base aux États-Unis dont ils avaient saisi la valeur stratégique en infiltrant tous les rouages de l’État. L’Amérique reste leur terre de prédilection. Ceci est confirmé par les organisations antisionistes, dont Neturei Karta qui revendique le “démantèlement d’Israël”. Cette organisation affirme que “les tentacules du sionisme sont telles que les pays occidentaux sont ses laquais… les hommes politiques… sont soumis à des pressions ou menaces de toutes les calomnies s’ils ne sont pas suffisamment loyaux… à Israël… Ils leur font faire des guerres et organiser des embargos en fonction des retombées éventuelles sur Israël”.

Dès lors, les attitudes d’Israël toujours arrogantes, provocantes – que leurs soutiens encouragent par des réactions toujours ambiguës et complices — cernent l’Occident, avec ce raid meurtrier, dans une situation des plus embarrassantes qui va sûrement le contraindre à prendre des mesures contre ce gouvernement “indiscipliné” qui use du chantage au chaos. Il croit devoir être “obligé” de modérer sa volonté de sanctionner l’Iran de façon “paralysante” selon le souhait d’Israël, au risque de mettre à nu une partialité, qu’il ne cesse de nier. Parce qu’Israël est convaincu qu’il est le garant de “ses” intérêts, qu’il est le maillon fort de cette stratégie, qu’il en profite allègrement pour bafouer les lois internationales et décider des choses comme il l’entend. Si les États-Unis le soutiennent ainsi, c’est que leurs intérêts passent avant tout souci d’éthique. Ceux-ci sont de deux ordres : stratégique, en érigeant Israël leur “tête de pont” au MO ; de politique intérieure, car une brouille avec lui aura des conséquences sur le rapport de forces que peuvent faire basculer les lobbies, les organisations sionistes dont l’AIPAC, les organisations religieuses chrétiennes, sympathisantes, qui font croire que le “salut de l’humanité viendra d’Israël”. Mais ce chantage a ses limites ! La limite est que les intérêts peuvent être compromis par celui-là même censé les protéger. Le monde a changé fondamentalement dans les relations politiques et économiques, dans les rapports de force avec la fin de la “guerre froide”, dans les alliances stratégiques. Si Israël reste obnubilé par son impression de puissance, par son “droit” à l’impunité, par son aveuglement devant l’évolution du monde,  il doit finir par se retrouver non seulement dans une situation où il lui sera aussi dangereux d’avancer que de reculer, mais surtout isolé et tout perdre ; car devenant sans intérêt !

Actuellement, Israël et ses commanditaires se retrouvent embourbés dans une situation où ils sont incapables de faire la paix avec leurs voisins d’abord, alors qu’ils détiennent la clé. Les voilà “inventant” un autre “ennemi” lointain, qui menacerait leur sécurité en s’activant à “se doter de l’arme nucléaire” ! C’est-à-dire l’Iran, ce “phénix” envié, riche en pétrole, cet ex-État lige devenu résistant, irréductible, qui se permet un fulgurant développement technologique en comptant sur ses forces propres malgré trente années d’embargo, cette nation qui a bouleversé le rapport de force et la donne géostratégique. Pays qu’il faudra coûte que coûte isoler et empêcher de devenir l’exemple à suivre. Et Sarkozy de débiter des insanités du genre “l’acquisition par l’Iran de l’arme nucléaire”… couplées aux déclarations multiples des dirigeants iraniens contre la démocratie d’Israël, “c’est un danger et c’est inacceptable”. “Démocratie d’Israël”, militaire au service de la colonisation qui encourage les migrations sans quoi il n’y aurait ni citoyen ni “nation”. Cependant, toutes les tentatives de le déstabiliser ont échoué. Mieux, les menaces ont, paradoxalement, renforcé le rapport de force par le ralliement inattendu de pays comme la Turquie (pourtant bon partenaire d’Israël), le Brésil et le Venezuela, qui y voient de la manipulation et du mensonge lorsqu’ils découvrent que l’Occident rejette l’idée revendiquée de “l’échange d’uranium” une fois acceptée par l’Iran en guise de bonne foi. Et le PM Erdogan d’accuser les pays occidentaux de “manquer d’honnêteté et de sincérité” car pour lui “l’initiative… n’est pas une initiative qui met le monde en danger. Au contraire… elle est destinée à prévenir les tentatives de mettre le monde en danger”. À propos du raid, il lance : “Cette attaque insolente et irresponsable qui piétine toute vertu humaine doit absolument être punie.” La Ligue arabe, elle, a décidé de “briser” le blocus “par tous les moyens” ,puis, a “salué” la décision égyptienne d’ouvrir le terminal après l’avoir fermé… en solidarité avec Israël !

Dès lors, avec les exactions, la colonisation incessante, les destructions des biens, les assassinats, le piétinement des lois internationales, le blocus, la falsification de passeports de pays “amis” et, maintenant, les actes de piratage — en plus des effets sur la stabilité et la sécurité de l’Occident – les Arabes, les musulmans et les pays épris de paix et de liberté ont suffisamment d’arguments incontestables et de conditions réunies pour riposter, de concert, pour mettre en échec cette funeste idéologie. Il faut croire que le sionisme est arrivé au point nodal de son évolution historique dont il est impératif d’exploiter la situation pour en faire un moment de rupture.

La riposte doit être engagée de concert sur trois plans : médiatique, politique et économique.

*L’action médiatique et primordiale pour contrer la propagande sioniste. Elle doit viser à détromper leur discours qui veut faire croire qu’il s’agit d’une légitime défense contre leur religion et non contre un fait colonial.

M. Erdogan précise : “Notre problème ne concerne pas les Israéliens ou le peuple juif. [il] concerne le gouvernement israélien oppresseur, qui pratique le terrorisme d’État”. Puis, assène : “Le gouvernement israélien est hypocrite, paranoïaque et il ment.” Démystifier le sionisme en présentant son vrai visage, c’est-à-dire une idéologie coloniale, expansionniste qui ne peut survivre sans état de guerre. Démontrer que l’argument “sécurité” est un mensonge, comme l’affirme le Gle  Matityaha Pelet (Haaretz, 1972) : “La thèse d’un danger, d’un génocide qui nous menaçait en juin 1967 et qu’Israël se battait pour son existence physique était seulement du bluff…” Soutenir que les combattants sont bien des résistants comme insiste Erdogan.  “Le Hamas a des résistants qui luttent pour défendre leur terre. Ils ont remporté une élection”. Viser les opinions occidentales, car il s’agit de pays à traditions démocratiques, qui influent sur les décisions politiques. Les actions doivent être lancées en trois langues, anglais, espagnol, français.

* L’action politique doit prendre quatre directions. 1. Refondation des institutions arabes dans leur organisation, fonctionnement et objectifs. 2. Regroupements régionaux d’intérêts communs en intégrant sans attendre la Turquie et l’Iran. 3. Engager une offensive extérieure par le biais des ambassades et autres tout en exigeant la réorganisation des instances et organisations internationales qui se caractérisent par leur inamovibilité, le détournement en faire-valoir. 4. Améliorer les politiques intérieures pour les rendre plus démocratiques et en conformité avec les aspirations des citoyens, mais aussi pour enlever tout prétexte sur la question des droits de l’homme.

* L’action économique doit être encouragée dans le sens de l’équité entre les membres et avec les pays loyaux et partisans de l’échange égal. Lier toute adversité par des conséquences économiques. Dans le cas du MO, lier les intérêts économiques des Américano-sionistes et de certains pays européens au règlement définitif et juste du problème palestinien. La Turquie donne l’exemple avec Bulent Arinc : “Ankara va réduire les relations dans ces domaines à un niveau minimum, pour autant qu’une telle coopération existe déjà… que les paiements ont été effectués ou pas.” Comme certains s’emploient déjà à faire un chantage au Liban pour le pousser à voter les sanctions contre l’Iran, sous prétexte qu’il a des intérêts avec les États-Unis.

Il doit être bien compris que les États-Unis n’agissent que dans leurs intérêts et n’admettent de changement que s’ils sont compromis. S’ils sentent un risque, ils changeront de cap. Le sionisme est, pour eux, moins préoccupant en ce qu’il bombarde les civils, détruise ou assassine que dans ce qu’il met en danger leurs intérêts. Leur matérialisme ne s’encombre pas de considérations humanistes. La défense des intérêts ne peut s’accommoder d’un sionisme récalcitrant, encombrant, devenant inutile, fut-il américain ! Si le sionisme ne peut survivre sans guerre et sans colonisation, les intérêts, en revanche, ne peuvent être préservés sans paix ! Cette contradiction fondamentale imposera un choix que le pragmatisme américain saura différencier. Dès lors, plus le sionisme en fait, plus il accélère sa chute !

Si l’intransigeance turque, exigeant fermement la fin du blocus, en menaçant de “revoir les liens politiques, économiques et militaires avec Israël”, met les Arabes dans l’embarras de prendre des mesures au moins équivalentes, la responsabilité incombe, en priorité, à ces derniers, du fait qu’il s’agit d’un “problème arabe” avant d’être un “problème turc”. Leur dernière déclaration demandant à la Turquie “d’utiliser les moyens légaux nationaux et internationaux à disposition contre Israël” est insensée. Il appartient, impérativement, aux Arabes de prendre leurs responsabilités en adoptant une stratégie de riposte qui doit permettre de mettre fin à cet “abcès purulent” que condamnent la raison et l’histoire. Ce sera une nouvelle preuve que les systèmes et idéologies qui visent la domination, l’avilissement, l’exploitation de l’homme finissent toujours au rebut de l’Histoire !

Amar Djerrad
15 juin 2010

source : Le quotidien Liberté

4 commentaires

  1. M. Amar Djerrad : Votre excellent article soulève cependant une réserve importante quand vous écrivez:

    «  » »La création d‘Israël est le résultat de la “mauvaise conscience” de l’Occident encore colonialiste, d’une part, mais aussi avec cette faveur, le futur gardien de ses intérêts, d’autre part….. » » »

    En effet, la création de l’Etat sioniste avait été décidée dès 1907, à la suite des conclusions de la fameuse Commission Bitterman, chargée de proposer des mesures stratégiques pour la pérennité de l’Empire Britannique.

    • Quelques remarques
      « La création d‘Israël est le résultat de la “mauvaise conscience” de l’Occident encore colonialiste, d’une part, mais aussi avec cette faveur, le futur gardien de ses intérêts, d’autre part…. »

      Je ne vois pas la « réserve importante » que vous mentionnez.

      L’auteur à mon avis ne s’est trompé de période. Il parle bien de «La création d‘Israël » c’est à dire de de la période d’après 1947 où l’idéologie sioniste était victorieuse après la guerre 39/45 à la faveur des exactions hitlériennes. La période d’avant 1947 -ou le sionisme était à ses débuts et où ses partisans étaient très minoritaires – commence au premier congrès juif mondial de 1897 que réuni Theodor Herzl qui se donne pour objectif « la création d’un foyer juif » en favorisant l’immigration juive en Palestine. C’est d’ailleurs au même moment, à Montréal, que nait l’opposition des rabbins américains ‘anti sioniste’ qui par son rabbin Isaac Meyer Wise, votent une motion : « Nous désapprouvons totalement toute initiative visant à la création d’un État juif. Des tentatives de ce genre mettent en évidence une conception erronée de la mission d’Israël que les prophètes juifs furent les premiers à proclamer … Nous affirmons que l’objectif du judaïsme, n’est ni politique, ni national, mais spirituel… Il vise une époque messianique où tous les hommes reconnaîtront appartenir à une seule grande communauté pour l’établissement du Royaume de Dieu sur la terre ».

      A notre époque, Moshé Hirsh , ce rabbin leader de l’organisation anti sioniste ‘Neturei Karta’ décédé dernièrement déclare, comme pour la plupart de ses prédécesseurs d’avant 1947 :« Le sionisme est diamétralement opposé au judaïsme. Le sionisme veut définir le peuple juif comme une entité nationale… C’est une hérésie ».

      Quant à la commission Bitterman de 1907 en déclarant « Les empires se forment, s’agrandissent et se stabilisent…etc » je pense que cela correspond à ce que dit M.Djerrad « …mais aussi avec cette faveur, le futur gardien de ses intérêts… »

      ……sous réserves, selon nos lectures salutations

  2. LU DS COURRIER INTERNATIONNAL DU 17 juin 2010
    L’édito de Philippe Thureau-Dangin

    Un pari sur le Mondial 2030

    Et si Israël était le pays organisateur du Mondial de football en 2030 ? ou bien des Jeux olympiques de 2028 ? La question peut sembler saugrenue. L’actualité géopolitique et sportive nous pousse pourtant à la poser. Qui pensait voilà vingt ans que Pretoria serait un jour en mesure de recevoir le gotha du foot mondial ? Le pays, synonyme d’apartheid, était alors au ban des nations. Aujourd’hui, l’isolement d’Israël dans le monde grandit. Même si le pays reste une démocratie pour ses citoyens, il continue d’occuper des territoires, il contrôle les allées et venues en Cisjordanie et impose toujours un blocus à Gaza, en arraisonnant avec violence les navires qui s’en approchent.

    Fin 1989, le mur de Berlin vient de tomber et le nouveau président sud-africain, Frederik De Klerk, comprend que le régime, déjà affaibli par les sanctions économiques, n’a plus aucune utilité géopolitique et qu’il est voué à l’échec. Il décide alors de tourner le dos à la politique de son mentor, Pieter Botha, et abolit les lois d’apartheid, légalise l’ANC, le principal parti de la cause noire, et libère Nelson Madela, sa figure emblématique. En Israël, un autre prisonnier célèbre pourrait peut-être rassembler les Palestiniens et les mener à la paix. Il s’agit de Marouane Barghouti, enfermé depuis 2002. Barghouti, comme Mandela, a prôné la violence armée. Il fut même un chef militaire, qui couvrit bien des actions terroristes. Malheureusement, l’actuel Premier ministre, “Bibi” Nétanyahou, est une sorte de Botha israélien. Ce n’est pas lui qui pourra changer le cours des choses. Pourtant, comme le montre notre dossier, la fracture est de plus en plus évidente entre une grande partie de la diaspora juive et l’Etat hébreu. Si cette fracture s’élargit, Israël n’aura plus guère de cartes à jouer. Il lui restera à trouver son De Klerk, et à en finir avec un régime d’exception qui ne lui apporte que des déboires. Deux Etats ? Un Etat binational ? Peu importe aujourd’hui. Parions seulement que les deux Etats pourront coorganiser le Mondial de 2030

    • Intéressante comparaison, à la condition que les « parrains » occidentaux de l’Etat sioniste, c’est à dire les Etats-Unis et leurs supplétifs de l’UE lâchent leur protégé. Nous en sommes loin et, seul un effondrement économique – et donc géostratégique – de l’Occident, comme cela semble bien se profiler sur un horizon maximum de 5 ans, fera l’affaire des palestiniens. Auquel cas, en vertu de quoi devrait-on parler d’autre chose que d’UN SEUL ETAT – Palestinien – où les juifs seront des citoyens palestiniens comme les autres avec les droits et les devoirs attachés à cette citoyenneté. Une sorte de situation inverse, mais plus juste, de celle des palestiniens de « 1948 » vivant dans ce qu’on appelle aujourd’hui « Etat d’Israël »

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