Ma grand-mère paternelle, une sahraouie, native de Abadela dans la grande région de Béchar, incitant mon grand-père, à l’appeler, bent sahra ya mehlaha, ‘la fille du Sahara oh, la savoureuse’. Avec une détermination absolue et un cri autoritaire, la fille d’Abadela a intervenu pour l’arrêter et donner une nature de tristesse aux obsèques. Ma mère, tout de suite a switché (commuté en bon français) ses pleurs arabes vers sa langue maternelle en ignorant l’incompréhension de l’assistance.
Mon père. Mon pauvre brave père. Natif de F’Kirina, un petit village entre Aïn Beïda et Khenchela à l’ouest de la route nationale 80. Plus Chaoui que lui, il y en a pas. Dehors, comme à la maison, il était comme Gilbert de Mortier de Lafayette. Un monde et deux visages. Quand il voulait quelque chose de ma mère, elle était souvent pour lui, sa chérie la brave Zouaouia el-fehla. Généralement, comme dans la majorité des foyers algériens, la pauvre madame était à 80% du temps, la maudite zouaouia.
Mes parents, dans la majorité du temps ne se parlaient pas. Le principe du boycotte est de rigueur. Le je m’en foutisme est la devise qui régnait. Tegdi la bghate techaâl.
Pour ma part, j’ai une couleur de peau café crème bien noir. Elle est adorable quand on est blanc avec un complexe d’infériorité de couleur pâle. Elle est renoncée quand elle représente la misère, la délinquance, la culpabilité et le fautif.
Elle est l’emblème de l’oranité. Tous les oranais sont smora, zorguines ou des bruns. Suis-je un brun ou un billet de cent dollars?
Qui sui-je? Probablement, je suis le nègre nord africain arabisé par l’islam. Alors je suis l’arabe nègre. Je suis l’asmar yasmarani. Je préfère lazreg mon amour, car ça fais appel à l’homme bleu des Touaregs. Le guerrier redoutable et infatigable.
Je suis un Touareg de fabrication sous licence. Un homme d’origine africaine. Le fils du désert et non pas de Maraval. Mon père est chaoui et ma mère est kbaïliya. Que vient-il faire José Maraval dans mon décor?
Mon père m’appelait ainsi. Il avait comme coutume d’appeler mes frères et sœurs par leur lieu de naissance. Ma grande sœur avait le pseudo de Bente l’Indochine. En participant avec la France au conflit de Dien Bien Phu, le destin a fait que ma mère accoucha une merveilleuse fille en 1954. On se demande pourquoi elle n’a pas les yeux bridés? Et pourtant, le riz, elle en mange jusqu’à en shooter les veines.
Encore une autre fois, pour sa seconde fille, le gentilé de Bente el Viêt-Nam fait son apparition en 1959. En plein guerre, la Cigogne apporte à ma mère la naissance de Zohra à l’hôpital de Hanoï. Elle est pharmacienne et son mari, monsieur Nguyen, musulman circoncis, a un dépanneur à Shawinigan. Au moins, elle n’est pas sortie de la ligne directrice du modèle vietnamien du Québec.
Je suis un nègre quadrilingue. Je ne flotte pas sur l’eau et je ne patine pas bien non plus, sur la glace des arénas. Couramment, je parle l’algérien (arabmazigh), le marocain, le tunisien et le franc-maghrébin.
Je ne suis pas beau ni photogénique. Je déteste la beauté à la manière de Bouba de Dany Laferrière. Pour me marier, j’ai opté pour la plus laide des laides. Malgré qu’elle soit scandinave, l’ange de la laideur et de l’imperfection n’a pas eu froid aux yeux de visiter les entrailles de sa mère pendant la conception. De toute façon, je l’aime à la folie. Je vis une paix des braves quand je me promène avec elle. Personne n’ose à la regarder ou lui faire les yeux doux. Je n’ai même pas besoin de me bagarrer.
Pourquoi, je suis un nègre? Pourquoi ma langue n’est pas maternelle? Pourquoi la nuit est toujours noire? Le jour, à vrai dire, il fait toujours clair? Bon sang, quand je suis content, fâché ou nerveux ma couleur est toujours noire! Mon père, ma mère ou ma scandinave, dans tous les états, le profil du caméléon, il apparait en s’exhortant.
Houari Weldmaraval
16 février 2010
Un commentaire
Quel chemin de vie!
Bonjour!
Ton texte est très beau, continue.
Dans sa différence et sa liberté je m’y retrouve un peu moi fils d’un chaoui et d’une alsacienne.
Salam