« وشـهـد شـاهـد مـن أهـلـهـا » (يـوسـف 27/12)
« L’homme est ainsi fait que les fictions l’impressionnent plus que la vérité » (Erasme)

Il y a comme çà, certaines coïncidences qui sont autant d’étranges clins d’œil qu’on ne s’explique pas toujours… Ainsi, ce matin, je m’interrogeais sur l’opportunité de publier une nouvelle et modeste contribution de citoyen pour dénoncer une fois de plus, ce qui m’a tout l’air d’une campagne préméditée, coordonnée et commanditée contre les Arabes en général et l’arabité de l’Algérie en particulier, dans les colonnes d’une certaine presse connue son idéologie laïco-maçonnique et la virulence de ses attaques contre l’Islam et l’arabité ; des attaques aussi lâches que suspectes, prenant faussement prétexte de la crise algéro-égyptienne. C’est à ce moment-là donc, que je me suis brusquement souvenu que nous étions pile, la veille de l’anniversaire de la disparition, le 25 décembre 2002, du grand historien Pierre Rossi en décidant sur l’heure, qu’au lieu d’appeler à la rescousse, certains historiens arabo-musulmans tels que les Tabari ou les Asfahani, les Ibn al-Athir ou autres Ibn Khaldoun, etc. etc., pour apporter la contradiction à nos pitoyables lilliputiens de la pige ou de l’enveloppe, de la farine des Arezki Aït Larbi, des Kamel Daoud et de tant d’autres anonymes, depuis quelques jours, autoproclamés idéologues, sociologues et historiens tout à la fois, il était plus judicieux, d’en appeler au témoignage du grand historien que fut le regretté Pierre Rossi, homme d’une immense érudition et dont la rigueur scientifique et la probité morale n’ont jamais été contestées.

Laissons-lui donc la parole, juste à travers quelques extraits pertinents tirés de son œuvre maîtresse : « La Cité d’Isis – Histoire vraie des Arabes » paru en 1976 aux Nouvelles Editions Latines et édité également à Alger en 1991 chez les éditions ENAG.

Biographie de l’auteur

Pierre Rossi (1920 – 2002) est né à Aullène (Corse), il prépare l’Ecole Normale supérieure au Lycée Louis le Grand. Agrégé de grammaire, chercheur, philosophe érudit, Professeur de Lettres Classiques, dans la tradition des grands universitaires, ce grand penseur et humaniste français fut l’un des observateurs les plus autorisés du monde arabe où il a longtemps vécu.

Ami affiché des Arabes et de l’Islam, et en particulier de l’Algérie et de la Palestine, Pierre Rossi a consacré sa longue vie, autant à la recherche et à la connaissance qu’à l’action militante pour les causes justes de par le monde. Une longue vie qui fut constamment ponctuée d’ouvrages passionnants, traitant pour la plupart d’entre eux, des grands problèmes géostratégiques et socio culturels du Proche et Moyen Orient et du nécessaire dialogue entre les Civilisations bien avant que certains charlatans d’aujourd’hui ne se saisissent de ce thème.

Comme tous les intellectuels authentiques de sa trempe, Pierre Rossi a su résister à la tentation du « politiquement correct », en condamnant à maintes reprises et sans équivoque, l’occupation des Territoires Palestiniens par l’armée israélienne, tout autant que la politique anti-arabe des Etats-Unis, du haut de sa Chair de Secrétaire Général de l’Organisation Européenne pour les Droits de l’Homme et pour les Libertés fondamentales.

Dernier parmi les derniers des Justes, – c’est-à-dire des « Clercs », au sens où l’entendait Julien Benda – Pierre Rossi restera l’un des témoins les plus autorisés et les plus crédibles, de l’Histoire des Civilisations de l’Orient. En tant que tel, il était tout naturel qu’il fut l’ennemi déclaré et averti des falsifications patiemment inoculées tel un poison, par les dogmes d’un Orientalisme inculte, caricatural et asservi à la politique coloniale ou néo coloniale. N’est-ce pas lui qui eut un jour cette réflexion à faire pâlir de honte, plus d’un homme politique de ce coté-ci comme de l’autre, des deux rives de la Méditerranée ?

« La morale est en fin de compte plus politique qu’une politique sans morale »

Préface de l’auteur

Une vision bornée de l’histoire, nous a imposé d’en localiser les sources non loin de chez nous, dans l’aride péninsule hellénique et sur les misérables rives du Tibre. Les Européens réduisent volontiers les origines de leur culture, aux cantons athénien et romain. C’est là une appréciation erronée; elle nous a été inspirée par des partis pris confessionnels et politiques. Il n’est guère douteux en effet que les historiens de l’Eglise catholique romaine, seuls maîtres durant plus de mille ans, des archives de l’antiquité, en ont orienté l’interprétation pour la plus grande gloire de l’Occident Européen.

C’est pourtant sous la lumière torrentielle de l’Asie, mater gentium, et du ciel nilotique que s’est accomplie toute l’histoire de l’Orient et de l’Occident. L’Egypte et la Babylonie ont rassemblé les puissants effluves dont est née la grande civilisation arabe qui, depuis l’aube des temps, a étendu son savoir vivre à l’ensemble des terres comprises entre l’Inde et le Tage, le Nil bleu et la Baltique. Athènes et Rome n’en furent que des reflets. En rendant à l’Asie et aux espaces arabes leur juste place, en précisant honnêtement leur rôle dans l’élaboration d’une culture qui est la nôtre, nous souhaitons rétablir, par delà les seuils athénien et romain, les liens de parenté qui ont uni l’Europe à un ensemble de dimensions singulièrement plus vastes, où se lisent mieux les lignes de son avenir. L’Europe n’est ni le centre du monde, ni le miroir du souverain Bien. Fille de l’Orient afro-asiatique, elle ne représente dans cet océan d’espace et de temps, qu’une région où s’exercent des forces dont la puissance l’entraîne. Tout comme elles entraînaient autrefois les Césars.

Mais les préjugés demeurent ; mais un enseignement doctrinaire fausse nos jugements ; mais les images dont nous sommes hantés ont pris la place de l’évidence. Nous croyons que les cours d’histoire que nous suivons dans nos écoles sont identiques à ceux que professent Le Caire, Téhéran, Caboul ou Calcutta. Ce n’est pas vrai. Sur cette illusion, nous n’en avons pas moins établi nos prétentions à régenter les nations non occidentales. Quand nous aurons appris à peser l’exact poids des mondes qui nous entourent, nous découvrirons peut-être, outre la vraie fraternité, tout à la fois, nos horizons et nos limites. Prestige du verbe, orgueil de soi, volonté de surélévation : lorsque nous avons prononcé le mot Occident, nous avons tout dit. Comme si l’Occident était autre chose que la pente déclinante de l’Orient…

Quant à l’univers arabe (et il s’agit bien d’un univers), nous en avons ramené les frontières à deux ou trois arpents du désert infécond où flotteraient quelques résidus de mythes. Nous l’avons rabaissé, caricaturé, presque entièrement enterré. Or, le voici qui remonte à la réalité de la vie. Il est temps de nous apercevoir que si l’Occident est plaisant, riche, beau, encore ordonné, il le doit aux grands empires arabes qui ont créé les conditions d’un tel bonheur. Nous sommes semblables à ce conquérant d’Omar Al Khayyam qui puisait sa pourpre au sang d’un empereur enseveli. – (Paris Mai 1976)

Extraits de l’ouvrage

« Une seule langue écrite et parlée a fini par s’y imposer et par recouvrir ce grand ensemble : l’araméen et son annexe occidentale : le grec, étroitement apparentés l’un à l’autre. Or, l’araméen a évolué naturellement et sans heurt en langue arabe, cette dernière se trouvant désormais l’héritière des passés égyptien, cananéen, hittite et babylonien. Telle est l’exacte mesure de la culture arabe, mère et inspiratrice de l’hellénisme qu’elle a façonné dans son esprit et dans ses lois. Arabe et Grec se conjuguent pour donner ce que nous appelons la civilisation qui n’est, comme on le voit, pas plus orientale qu’occidentale, pas plus sémite qu’aryenne, mais une et indivisible en toutes ses parties, qu’elles soient spirituelles ou matérielles. » (Ibid page 18)

« En arabe parlait le prêtre de Baal, en arabe, le dévôt d’Isis ou Moïse l’Egyptien, en arabe bien entendu le Christ quand il s’entretenait avec Caïphe ou avec le Peuple de Palestine; en arabe le Prophète Mohammed. La droite ligne de notre culture n’a point dévié. C’est en effet un jeu d’enfant pour un philologue de retrouver à la racine des langue égyptienne, cananéenne, anatolienne ou assyro-babylonienne les éléments essentiels de la langue arabe. » (Ibid page 25)

« C’est aussi à partir de la Renaissance que, pour expliquer tout de même, l’extrême raffinement artistique, industriel et scientifique de la période des Califes, ont fait des Arabes, les traducteurs et les adaptateurs des Grecs. La légende a la vie dure et il se trouve aujourd’hui encore chez les Arabes eux-mêmes, des gens pour s’en prévaloir, dans la défense et l’illustration des thèses arabisantes. Sous la plume d’un auteur bien intentionné nous lisons : “Si Avicenne n’avait pas traduit Aristote, Saint Thomas d’Aquin n’aurait peut-être pas existé”. » (Ibid page 29)

« Saint Augustin qui s’exprimait lui-même en araméen, sa langue natale, nous apprend qu’interrogés sur eux-mêmes, les paysans de son diocèse dHippone – Annaba – se déclaraient originaires de Palestine, de race cananéenne: “interrogati rustici nostri quid sint punici respondent canani”. » (Ibid page 243)

« Le Prophète Mohammed et les Califes ont donc rendu l’Orient à lui-même, rendu l’Orient à la divinité unique d’une façon si probante que toutes les religions et les métaphysiques orientales s’y reconnaissent et s’y confondent. Ils ont également restauré la langue araméenne, puisque le Coran a porté à la perfection sonore, sémantique et syntaxique, l’antique parler du peuple nilo-mésopotamien.

La langue arabe est en effet la première langue organisée de l’humanité méditerranéenne, précédant celle d’Homère et lui donnant ses lois. Depuis l’appel du Prophète, qui l’a réveillée à une vie moderne, elle est remontée du fond des âges, dont elle a ramené les résonnances monumentales pour s’imposer à des centaines de millions d’hommes »(Ibid page 244)

Conclusion

Bien entendu il eût été fastidieux de citer tous les passages importants parce qu’ils le sont tous, de bout en bout dans ce livre magistral. Un livre dont les vérités historiques sont hors d’atteinte, c’est-à-dire complètement à l’opposé, des fantasmes et des mensonges d’un Arezki Aït Larbi que des élucubrations suspectes d’un Kamel Daoud avec sa « décolonisation horizontale » – est-ce parce que j’avais parlé de « Géométrie politique » ? Pour le reste, je ne m’abaisserai pas à m’appesantir, ni sur la grossièreté, ni sur le tragique analphabétisme de ces pauvres êtres anonymes qui confondent commentaires et injures gratuites.

Dieu merci le grand réconfort qui m’habite et qui est une certitude mesurable : c’est qu’en organisant dans notre pays, un recensement des plus généreux, portant sur le poids sociologique de cette racaille laïco-maçonnique, négatrice de nos Valeurs spirituelles et culturelles, qui semble actuellement être entrée en « transes commandées », on arriverait dans le meilleur des cas à 10.000. Mettons 50.000. Mettons 100.000 ! Que pèsent-ils dans la société algérienne authentique et fraternelle, qui fait face à d’autres problèmes du dur quotidien ; une société algérienne qui rejette les politicards et les mystificateurs, qu’ils soient dans le pouvoir ou qu’ils fassent semblant d’être dans l’opposition à ce pouvoir. Un pouvoir que pour ma part, je n’ai jamais cessé de dénoncer comme un pouvoir illégitime et corrompu. Un pouvoir dont d’ailleurs je soupçonne certains milieux d’être derrière cette polémique, dans toutes ses ramifications…

Abdekader Dehbi

22 décembre 2009

9 commentaires

  1. M Dehbi,

    Je vous ai lu sur le site LeMatindz, j’ai tout autant lu les reparties qui vous ont ete adressees….. Je me suis abstenu d’y participer car entre deux extremes le juste milieux ne peut se situer. Qu’en est-il au juste? Vous l’accusez de berberiste et il vous encagoule dans l’arabo-baahthisme.

    A charge pour lui les vociferations, et non des moindres, de « l’intelligentia »egyptienne a l’encontre de toutes les valeurs de l’Algerie et a vous le role du « redempteur » coince entre deux cultures. Sa reaction a trait a un questionnement et votre replique s’inscrit dans l’offense du gardien du temple. Consequences ………. le conflit des generations, pour faire court.

    Par contre ce que je ne comprends pas c’est cette propension aux references dont vous faites usage a tout va pour convaincre. Faudrait-il l’analyse d’un Pierre Rossi pour vous conforter et clamer « je suis » . Je ne sais sous quel auspice vous placer l’un et l’autre mais la franchouille a de beaux restes.

    • Bien lire d’abord, critiquer ensuite.
      Vous écrivez: – «  »Faudrait-il l’analyse d’un Pierre Rossi pour vous conforter et clamer « je suis » . Je ne sais sous quel auspice vous placer l’un et l’autre mais la franchouille a de beaux restes. » ». Si vous aviez lu mon texte – à commencer par la citation coranique en exergue – vous vous seriez abstenu de faire une critique gratuite. Sans amertume, parce qu’il y a pire que les critiques gratuites….

  2. tant qu’il ya des sentinelles éclairées- les ch
    tant qu’il ya des sentinelles éclairéEs- les chiens aboieront mais ne rentreront pas dans l’enclos; telles sont les réalités d’une nouvelle ére foisonnante d’analphabetes et d’incultes;

    M°A.DEHBI. sachez que vos propos et opinions sont partagés par d’innombrables scientifiques et intellectuels algériens et arabes; et je suis de ceux là ; vous encouragant à poursuivre les « veilles » afin de ne pas laisser les nouveaux « colonisés » de l’esprit et de culture ,envahir les jardins des futurs citoyens et citoyennes d’Algérie (et des autres nations arabes aussi ) que sont les jeunes d’aujourd’hui et pour ne pas laisser rentrer les eternels ennemis de l’arabité et de l’Islam et que sont ces membres de la secte des sales races qui veut s’imposer contre les palestiniens et les arabes en géneral-suivez mon regard et mon doigt- je vous accompagne dans vos analyses et sachez que nombreux sont les sentinelles qui veillent avec vous et partout où ils sont;

    dirigants et patriotes, arabes et fiers de l’etre, brillants et diplomés des plus grandes institutions internationales; ils mettent leurs mains dans la votre et ce sont des mains fortes et solides;

    étant l’Algérien parmi les plus diplomés et on ne peut plus hautement, de tte l’Afrique , je contribue à vous encourager et en dehors de mes grandes responsabilités professionnelles- PDT d’institut international et professeur d’université et expert conseiller international aupres d’organisations internationales et mondiales, sachez que j’ai crée une grande organisation internatianale qui fait partie des « veilleurs »; bonne route et vous n’etes pas seul, on est là et ensemble….;

    • Lettre ouverte aux « veilleurs ».
      @DR KLAA

      Mince!Et moi,alors?! Non,c’est de l’ironie.

      Plus sérieusement,cela fait deux décennies

      (oui,vous avez bien lu!)que je me démène comme un pauvre diable,tout seul dans mon coin,contre vents et marées,à essayer d’éveiller mes coreligionnaires,à leur enlever le bandeau qu’ils ont sur les yeux,à leur dire de comprendre qu’il y a péril en la demeure et que des intérêts privés galactiques s’acharnent à nous imposer au forceps, de dire ce qu’il faut dire,à faire ce qu’il faut faire et surtout,à penser comme ils voudraient que l’on pense!

      Bref,tout l’art de s’attirer des ennuis.Car,des ennuis,croyez moi,j’en ai eu pour mon compte!

      Jouer dans la cour des « Grands » de ce monde est dangereux car ces messieurs craignent par dessus tout que des esprits sagaces,curieux et qui ne s’en laissent pas compter,plongeant les yeux dans les coulisses,veuillent après coup,ô suprême arrogance,sonner le tocsin et donner l’alarme à la cité endormie. Revêtir les habits lourds de Cassandre est une entreprise d’Hercule et l’insoutenable légèreté de l’âme humaine fait le reste,ad nauseum.

      N’ayant point de diplômes universitaires,ni de hautes fonctions,seules m’animaient mes valeurs et principes islamiques et ma détermination farouche à combattre le mensonge.Bardé de mes connaissances livresques,m’exprimant sans déguiser mes émotions et mes pensées,enflammé d’un fort sentiment de révolte,je m’en fus essayer de partager mes découvertes,en premier vers ceux que je croyais doté d’une intelligence et à l’esprit cultivé.

      A l’appui des mes dires,pour convaincre les sceptiques et les soupçonneux,je ne manquais pas de produire les documents vérifiables et incontournables.Cela me semblait,à la fois nécessaire et suffisant en cela. Je n’allais pas tarder à déchanter.Mon engagement,mon enthousiasme furent cruellement et très sévèrement déçus et je reste meurtri au plus profond de mon âme .

      « Je vais te dire la plus triste découverte de ma vie : les persécutés ne valent pas mieux que les persécuteurs. Je peux fort bien imaginer les rôles inversés. »

      Romain Rolland.

      Cette citation illustre bien ma déconvenue.Le plus

      dur fût de réaliser la noirceur de bon nombre des nôtres qui tels de pauvres papillons de nuit sont attirés, hypnotisés par les « Lumières » des idéologies matérialistes athées étrangères à notre civilisation. Comme d’autres opportunistes sans foi ni loi,sont subjugués par les puissances d’argent et la technocratie mondialiste.

      Pire que des associateurs,c’est avec un enthousiasme qui confine au délire qu’ils se livrent à un véritable renoncement et à la trahison de l’héritage spirituel de nos ancêtres.

      Nos ennemis,quant à eux,ne manquèrent pas de me faire comprendre qu’il y a des « maitres » qui n’aiment pas que l’on ne dérange pas. Isolé,amer,handicapé par une maladie de longue durée,n’ayant pas de moyens,la capitulation guettait.Mais l’avènement du Web,allait m’offrir une mince consolation à même d’atténuer ma tristesse, et l’opportunité de m’exprimer sur quelques très rares sites,tel celui-ci. Prudent comme un sioux,car la toile est un véritable commissariat de police,,je m’évertue et m’occupe à participer,avec force contorsions sémantiques,à glisser quelques idées,quelques nouvelles découvertes que l’outil Google,avec un bon usage,nous offre.

      Voilà,cher Monsieur aux hautes fonctions,ce que je voulais vous dire sommairement mais très sincèrement.Il serait intéressant pour moi de mieux vous connaître afin que,Dieu voulant,nous puissions nous rapprocher les uns des autres et faire œuvre utile. Le Saint Coran ne nous enseigne t-il pas que le Musulman isolé,est un Musulman faible?

      Cordialement votre.

      • LEGALITE ET LEGITIMITE
        LEGALITE ET LEGITIMITE

        « Ne vaut et ne se perpétue que ce qui est dûment proportionné à sa nécessité »

        Les historiens, sans parler des journalistes accrédités par la mode, sont souvent confondus, après coup, en découvrant l’ignorance des évènements qu’ils avaient cru avoir le plus sûrement établis. La plupart des diplomates professionnels n’échappent pas eux-mêmes à cette règle de la déconvenue. Ils s’aperçoivent un peu tard qu’ils n’ont été que des professeurs d’apparence. Car ils finissent par constater que la plupart des éléments et des suppositions sur lesquels ils assoient leurs vérités sont le plus souvent objectivement faux. La raison d’Etat fait que tous ceux qui gouvernent, vertueux ou corrompus, justes ou injustes, doucereux ou brutaux finissent par atteindre au même résultat : occulter les manœuvres politiques dont les peuples sont systématiquement les victimes.

        Pourtant malgré la science consommée des Etats à farder leurs intentions réelles avec le désir de présenter comme justifiées les injustices les plus flagrantes, ils réussissent rarement à cacher leur inconduite derrière les décors affriolants. C’est que l’entendement des gens simples ne se laisse pas aisément impressionner par les prétendus succès étatiques, parce qu’ils en subissent les effets dans leur chair. Ils ne pensent pas leur existence en termes de raison d’Etat ou de musique militaire mais bien en termes de pain, de bien-être, de vie et de mort, de douleur et de joie, de morale enfin. Et comme la règle morale se situe hors du temps et à l’intérieur de l’ordre religieux, c’est en fin de compte au nom de Dieu qu’ils jugent, apprécient ou condamnent leurs gouvernements. La transcendance demeure le juge suprême des nations, parce qu’elle en est la conscience. Quelle que soit l’immanence des pouvoirs politiques, ils ne parviennent jamais à rattraper la transcendance qui, elle, est immuable ; elle se perpétue sans fin parce qu’elle est dûment proportionnée aux nécessités de l’âme humaine ; tandis que la loi, bras policier de la force, en suscite les sursauts de révolte.

        Reconnaissons, il est vrai (et nous comprendrons plus aisément ce qui nous gêne dans la compréhension du drame algérien) qu’en Occident chrétien, le développement de la civilisation matérielle a considérablement élargi le fossé entre la Foi et la Raison d’Etat, cette dernière étant devenue un intégrisme laïque qui nous amène à placer des intellectuels à la tête des affaires. C’est là une doctrine fausse imaginée par les intellectuels eux-mêmes qui déjà s’en détournent, parce que leurs hommes de gouvernement ont fini par s’apercevoir que l’Etat est une puissance tellement contraignante qu’elle les oblige à se soumettre à lui sans qu’ils puissent de leur côté parvenir à le soumettre. Bien mince est leur pouvoir, quoi qu’ils veuillent, de mettre en pratique leur théorie, d’accroître le bien et de repousser le mal.

        A la limite, mieux vaudrait une morale sans Etat qu’un Etat sans morale mais cela l’Occident chrétien refuse toujours à l’admettre. Dans nos sociétés militaro-industrielles, la conscience morale s’est affaiblie au point de ne plus subsister qu’à l’état larvaire ; peu de gens s’y réfèrent sans honte. On peut regretter qu’en s’occidentalisant certains gouvernements de pays de culture orientale, en Algérie par exemple, partagent la même honte et se rallient au juridisme moderne de style parisien, divorçant ainsi avec leurs peuples restés attachés à leurs traditions parce qu’ils craignent de se voir bientôt dépossédés de la substance spirituelle garantissant leur mémoire et leur pérennité. Au lieu de saluer les principes modernistes de l’Occident comme des éléments de rédemption, ils y voient plutôt le commencement d’une déchéance qui les entraînerait à n’être que les singes d’une civilisation ne charriant qu’un mode d’idoles et d’abstractions autant dire de corps morts.

        Avant de se pencher sur l’histoire de l’Algérie contemporaine, il faudrait commencer par ne plus se mentir à soi-même et à ne plus tenir pour un idéal à imposer à autrui une mentalité et des institutions dont nous reconnaissons désormais le caractère fictif et désespérant. On n’a jamais tant parlé de l’Etat de droit que depuis le moment où l’Etat dit démocratique a cessé d’en être un, de parler de vertu civique au moment où chaque jour administre la preuve de son irréversible reculade. Jamais la Loi n’a été aussi éloignée du Droit. Jamais la légalité n’a été aussi proche de l’illégalité au point d’en justifier la pratique voire d’y inciter.

        On peut affirmer sans risque de s’égarer que, depuis l’établissement au siècle dernier de relations officielles entre la France et l’Algérie, compréhension et sympathie n’ont jamais prévalu. Malgré les discours éloquents (et légendaires), les regards que portaient les uns sur les autres ne se sont jamais rencontrés autrement que sous le signe du ressentiment. Après avoir brisé le droit des gens et asservi la pensée du colonisé à la sienne, le colon ose exiger que, sur les ruines de sa société désorientée par l’irruption d’une loi étrangère, la vie du colonisé se comporte comme un fleuve tranquille. Alors qu’elle ne peut que se débattre dans les convulsions. En Algérie nous en sommes là, même si nous délivrons à nous mêmes, et avec quelle ostentation, des certificats de bonne conduite. Il serait temps de corriger là dessus certaines idées reçues.

        La réalité, c’est que depuis 1830, année de la conquête militaire jusqu’à la signature des accords d’Evian du 18 mars 1962 en passant par les cruelles journées de Sétif et de Guelma entre le 1er et le 8 mai 1945, l’Algérie n’a cessé d’être secouée de révoltes contre l’occupant. Quelques dates au hasard dans le catalogue sanglant où côte à côte, berbères et arabes (pour nous tenir à ce partage ethnique tout aussi calculateur qu’artificiel) ont combattu un adversaire commun : 1859, 1860, 1864, 1871, 1879, 1916, 1917 et j’en passe. La protestation vigoureuse lancée contre de prétendues négociations dites « de bonnes volontés » se résume dans ce cri douloureux du philosophe Ben Badis en 1937 : « On se moque de nous ! » On s’en moquait en effet. L’histoire a retenu ce cri d’alarme. En France, les bonnes volontés officielles et privées y voyaient le présage du pire, mettant en garde vainement les gouvernements successifs.

        Trois graves malentendus au moins allaient s’ensuivre, altérant chaque fois davantage le climat franco-algérien. Le plus important touche la mésaventure de l’Emir Abdelkader. Alors que l’armée et les personnalités françaises reconnaissaient en lui un génie civil et militaire de grande tenue doublé d’un philosophe, inspiré de la grande culture islamique qui le rendait proche de l’illustre Saladin (« une âme à toute épreuve » disait de l’Emir le Maréchal Bugeaud) l’administration coloniale finassait et « menait l’Emir en bateau ». Lors de son intervention bienveillante en faveur de la communauté chrétienne menacée dans Damas en 1860, on alla jusqu’à tenter, comme en témoigne un article du journal « Birgis Baris » (l’Aigle de Paris), de faire de lui un champion du Christianisme contre l’Islam.

        En 1869, alors qu’en Egypte il soutenait ardemment les projets de Ferdinand de Lesseps, son ami, contre le Khédive Ismaïl, tenté par la diplomatie britannique, Napoléon III, sous le titre d’un « Royaume Arabe », se livrait à des promesses tortueuses tout en avouant dans le privé que ce n’était là qu’une « formule creuse ». Comment aurait-il pu n’être autrement puisque l’Empereur devait sa fortune politique aux affairistes d’Afrique du Nord qu’il ne pouvait combattre sans risquer son trône.

        Déjà auparavant, premier malentendu lorsque la République de 1848, se disant libératrice et humaniste, exigea de l’Emir qu’il signât de sa propre main un acte de renonciation à sa patrie ; il répondit par une lettre scandalisée remise à Olivier, Commissaire du Gouvernement Provisoire. Signée du 9 Rabi al-Aouel 1264 – mars 1848, elle dénonçait douloureusement le manquement de Paris à la parole donnée. Le 20 avril suivant, il était incarcéré au château de Pau et ses fenêtres garnies de barreaux. En 1870, on verra son fils Mahdi-Eddin reprendre sa place dans la résistance algérienne.

        Dernier malentendu et certainement le plus grave car il devait de fil en aiguille déboucher sur le drame d’aujourd’hui. Charles de Gaule, dans sa déclaration publique du 11 avril 1961 affirmait : « l’Algérie sera un Etat souverain au dedans et au dehors ». De son côté Louis Joxe, balayant à l’avance toute accusation de machiavélisme, s’exclamait : « Notre négociation sera un poker à ciel ouvert » ; on connaît la suite. Le 18 mars 1962 étaient conclus avec le GPRA les Accords d’Evian qui se gardèrent bien de rétablir la souveraineté algérienne conçue et exercée par l’Emir Abdelkader selon les codes et la culture propres au destin oriental et conformes au statut d’un Etat moderne et indépendant.

        En fait, les accords truffés d’annexes confidentielles (comme c’est le cas dans la plupart des protocoles de ce genre) confirmaient, en plus du maintien d’un certain protectorat déguisé en coopération, les prérogatives de l’Etat français assez lourdes pour hypothéquer l’avenir de l’Algérie. Rapidement connues en Algérie et dans les chancelleries étrangères, ces annexes ne manquèrent pas de soulever des doutes et des interrogations dont les résolutions demeurent suspendues dans l’attente. Aussi, y eut-il, tout comme au temps d’Abdelkader, d’honnêtes intercesseurs de part et d’autre pour conseiller de rectifier, voire de retirer les annexes les plus contraires à l’esprit de pacification générale. On ne les écouta guère. Sourde oreille qui s’accompagna de la volonté sous des prétextes divers, d’isoler l’Algérie d’une culture arabe qui, par définition, ne pouvait qu’être une et indivisible. C’est donc en réaction à cette volonté que s’opéra un rassemblement de la résistance algérienne dont nous voyons aujourd’hui apparaître les fruits.

        Ce rassemblement opposa la légalité, dont se réclame à juste titre l’Autorité d’Alger à des fins politiques, économiques et militaires, et la légitimité défendue par les « soldats » du Droit Souverain du peuple algérien. Il ne peut en effet y avoir situation de légitimité qu’à la seule condition que la loi, fluctuante et précaire par nature, fasse cause commune avec le droit, valeur permanente inscrite dans l’ordre culturel et historique. Ce qui ne paraît pas être le cas de cette Algérie de 1995.

        Puisse la crise se résoudre au cours de négociations qui tiendraient du « poker à ciel ouvert ». Il n’est pas interdit de l’espérer avec la certitude que celui qui n’espère pas n’obtient pas l’inespéré.

        Pierre ROSSI

      • LA PALESTINE OU L’ENTRE-DEUX MERS…
        LA PALESTINE OU L’ENTRE-DEUX MERS…

        Arabies – Décembre 1996

        Située à la croisée de trois continents, la Palestine fut longtemps terre de communication et d’œcuménisme en Méditerranée. Un tel destin n’est-il pas possible, aujourd’hui encore ?

        Nous savons désormais d’expérience que la pseudo-histoire ne parviendra jamais à rattraper l’histoire vraie et qu’ici, en Palestine, nous sommes très loin d’une querelle de religion. Il faut refuser le compliqué et désigner le simple. Et le simple affirme qu’il n’est pas besoin de percer les âmes, comme dans le Livre des morts de l’ancienne Egypte, pour affirmer sans risques que le drame du Proche-Orient est clair comme le jour. Clair, accessible et curable. Un coup d’œil sur le décor géographique suffirait à le révéler. La sinuosité des rivages permet la vérité en place : à gauche, la Méditerranée, mer occidentale, à droite l’océan indien. Au milieu, la Palestine. Elle porte le poids des deux hémisphères méridiens.

        Il fut un temps, où, d’un seul tenant, mers d’Orient et mers d’Occident communiquaient par la Palestine, tout à la fois carrefour continental et rendez-vous maritime. D’où sa valeur humaine, stratégique, économique et culturelle. Une et indivisible, elle avait certes ses conflits intérieurs mais réduits à des affaires de famille étroitement localisées. Ni racisme, ni jalousies hérétiques.

        Les rois de Tyr décoraient le temple (mythique) de Salomon. Les Grecs venaient adorer à Jérusalem aux côtés des peuples de l’Inde, de la Chine, de l’Insulinde (dont certains étaient idolâtres) flanqués de magiciens noirs. Multiples étaient les pratiques et les rites religieux tandis que la religiosité demeurait une. Communiaient sans frontières ni interdictions Isis et Cybèle, Baal et Zoroastre, El et Jéhovah, Moïse et Allah, Bouddha et Platon, Jésus et les Mages, prophètes et savants afro-asiatiques sous l’étoile de la sagesse. « Ex Oriente lux. » Seule la formule est latine ; la pensée qu’elle contient est universelle. Un syncrétisme unificateur rassemble les confessions. Il faut une singulière ignorance de l’histoire pour que certains militants politiques installés depuis peu en Palestine, aillent exhumer du fond des temps ancestraux des motifs métaphysiques reniant cette unité première pour lui substituer leurs visions égoïstes. Il n’y a pas, aux yeux de l’Orient, des peuples élus ou alors ils le sont tous. Il n’y a pas si longtemps que temples, lieux saints, églises, mosquées, synagogues échangeaient les locaux du culte, voire leurs fidèles.

        Le Coran n’est-il pas, dans la lettre comme dans l’esprit, le témoignage évident de ce vivant œcuménisme ?

        Puis, chaque religion s’est mise à son compte, les unes discrètement, les autres de façon plus belliqueuse. Les dissensions se sont aggravées avec l’ère contemporaine sous l’effet du scientisme, des rationalismes, des théories psychologiques dites progressistes, des psychanalismes sous la présidence du moi. Nous sommes devenus friands d’analyses à perte de vue. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Mais quel Dieu ? Quel absolu ? A l’unité culturelle de la Palestine d’autrefois, dont ils persistent paradoxalement à se réclamer, certains opposent aux habitants de la Palestine colonisée un cloisonnement qui ferait d’eux les seuls maîtres de l’espace et du temps ; ils perdent leurs efforts à chercher qui est juif et qui ne l’est pas, qui mérite cette terre et qui ne la mérite pas, qui en sont les héritiers et qui n’en sont pas. Garder les premiers et exclure les seconds, tel est leur étrange programme. Ils en profitent pour réécrire à leur profit une pseudo-histoire capable de justifier leur entreprise conquérante. Les croisés du XIè siècle ne procédaient pas autrement.

        Les origines de tout ce drame n’ont pourtant rien de spirituel ni de métaphysique. Elles tiennent au creusement du canal se Suez. Lorsque les puissances économiques occidentales à vocation planétaire se furent coalisées pour installer au confluent des trois continents, ayant la Palestine pour centre terrestre et maritime, une forteresse chargée de consolider la défense et la promotion de leurs intérêts civils et militaires. Lorsque, au prix de souffrances inouïes, les terrassiers égyptiens perçaient l’isthme de Suez, ils ne pouvaient se douter que cette voie nouvelle allait sonner le glas de la paix égyptienne et palestinienne. Les puissances occidentales coalisées autour de ce vaste projet ne pouvaient consentir à en confier la garde aux propriétaires naturels des territoires concernés. Elles tinrent à y installer, au plus tôt, un Etat à leur dévotion sans liaison avec les indigènes du coin. Elles y parvinrent d’autant plus aisément qu’elles prirent les mesures pour maintenir les sujets de ce nouvel Etat en situation d’hostilité politique et juridique permanente avec le monde arabe ; elles allèrent jusqu’à nationaliser Dieu en introduisant une frontière et des passeports là où il n’y en avait jamais eu. Ne cherchons pas plus loin les responsable de ce profond malheur contre nature inauguré par des immigrants de fraîche date précipités sur une terre qui n’avait jamais été la leur. Et surtout n’ayons pas le front d’y mêler le bon Dieu !

        La première et indiscutable responsable, c’est visiblement la carte géographique inspiratrice incontournable du dessein géopolitique. Les maîtres d’œuvre d’une telle création furent les grands patrons de la révolution économique du moment, les Anglo-saxons notamment, suivis des prétentions allemandes. Ces groupes militaro-industriels et monétaires imposèrent donc à tous les habitants du pays, qu’ils fussent ou non les héritiers de l’antique Palestine, une seule civilisation, la leur, en contradiction avec les mœurs traditionnelles. La Palestine devint une sorte de société d’importation. Elle fut ainsi disséquée pour les besoins de la cause en deux classes : les nantis (importés de fraîche date et grassement subventionnés) et les humiliés et offensés appartenant à la société traditionnelle arabe, regardée comme un résidu de gêneurs. On imagina pour gérer le destin de cette population hétéroclite un gouvernement acculé à régenter, sur ordres venus d’ailleurs, un pays dont le monde savait qu’il n’avait pas été normalement constitué.

        En cette fin d’année 1996, nous voici à l’intersection de deux sociétés conçues tout exprès pour se combattre. Mais par-delà les manœuvres et les équivoques, l’histoire est là et ne s’en laissera pas conter. Aux puissances à vocation planétaire qui se sont arrogé le droit d’établir en Palestine un ordre qui est un désordre, nous voudrions souhaiter qu’elles ne persistent pas à faire des terres et des mers qu’elles convoitent les seules partenaires muettes de leur jeu, tout en négligeant le sort des hommes qui y vivent et y meurent oubliés. Car, à la fin des fins, c’est l’homme qui demeure la mesure de toute chose, comme cela s’est toujours su, se sait et se saura.

        Pierre Rossi

      • Un courant vivifiant
        Un courant vivifiant

        par Brahim Zeddour – le lundi 10 janvier 2005

        Le 25 décembre 2002, Pierre Rossi a quitté ce monde discrètement, comme il a d’ailleurs toujours vécu. Ainsi a disparu dans une totale indifférence, un penseur d’envergure mondiale qui avait consacré sa vie à méditer sur le destin de l’homme dans le mouvement universel. Il aura laissé une œuvre capitale qui reste encore à connaître et à reconnaître en ce qu’elle nous enseigne l’essentiel dans la condition humaine et dans la solidarité des peuples. Avec une pensée riche, dense, profonde et en tout cas rarement égalée, il a su cerner magistralement les grands défis qui se posent au devenir de ce que Arnold Toynbee appelait « la grande aventure de l’humanité ».

        « Il y a des cieux dans l’âme qui gouvernent les cieux de ce monde », telle pourrait être la toile de fond de la pensée de Pierre Rossi. Cette citation, puisée dans le patrimoine irakien antique, lui a inspiré ce remarquable commentaire : « Ce qui, traduit dans le langage du rationalisme occidental, signifie que la morale est en fin de compte plus politique qu’une politique sans morale. »

        Né le 28 octobre 1920 à Aullène (Corse), il prépare l’Ecole normale supérieure au Lycée Louis-le- Grand et enseigne les lettres classiques. Agrégé de grammaire, chercheur et philosophe, il est un des observateurs les plus autorisés du monde arabe. Il a passé la majeure partie de sa vie en terre arabe.

        Après avoir créé à Assiout (Haute Egypte) un foyer franco-égyptien, il fonde en 1952 et dirige à Bagdad le Centre culturel de l’Ambassade de France. Il a accompli au titre de chargé de missions culturelles de très nombreux voyages entre Alger et Mascate, visité tous les pays arabes et rencontré de nombreux chefs d’Etat. Il traite des questions arabes dans l’hebdomadaire « La Tribune des Nations » (où il signait ses articles sous le pseudonyme de Pierre d’Istria) et la revue « Orient ». Il appartient à une famille traditionnellement en relation avec l’Islam ; son grand-oncle a servi en Egypte sous le Khédive, qui le promut général et pacha.

        Riche d’un immense savoir, Pierre Rossi était l’un des plus grands penseurs de son temps. Il présentait l’histoire autrement plus vivante que la pensée scolastique ne tente de la réduire. « Il ne faut jurer de rien. A chaque coin de l’histoire conformiste se tient un diable ricanant ». Ainsi nousmettait-il en garde – comme il n’a jamais cessé d’ailleurs de le faire sa vie durant – dans son article « Songes et mensonges de l’histoire », paru dans la revue Intelligenza de septembre 1993, paraphrasant le célèbre tableau de Picasso « Songes et mensonges de Franco » (1937) qui dénonçait la tyrannie du franquisme. Pierre Rossi évoque dans cet article plusieurs grandes affaires symboliques (Sekenenrê Taâ, Jeanne d’Arc, Fouquet, Jésus, Dreyfus, Ravaillac, Napoléon) pour stigmatiser le mensonge au nom de la Raison d’Etat.

        Très tôt, il s’est passionné pour « l’univers arabe » – comme il se plaisait à l’appeler – quand il a croisé, à sa source (« l’ensemble egypto-cananéo-babylonien »), ce « courant vivifiant parti de l’Orient [qui] n’a cessé à aucun moment de faire lever en terre d’Occident une profusion d’arts et de méditations créatrices ». Un tel cursus devait tout naturellement l’amener à se démarquer du dogme orientaliste avec ses visions réductrices et ses abstractions idéologiques. Et s’il a grandement contribué à une meilleure compréhension de l’Orient, des Arabes et de l’Islam, il a également œuvré inlassablement à l’émergence d’un monde nouveau où l’on aurait assisté au déclin de l’esprit des croisades et à la fin du choc des civilisations. En témoignent les nombreux ouvrages d’une exceptionnelle rigueur intellectuelle qu’il y a consacré :

        – « L’Irak des révoltes » (Editions du Seuil)

        « La Libye » (Editions Rencontre)

        « La Tunisie de Bourguiba » (Editions Kahia – Tunis)

        « De Suez à Akaba » (Editions Cujas)

        « Le pétrole arabe dans la guerre » (Editions Cujas)

        « Les Clefs de la guerre » (Editions Sindbad)

        « La verte Libye de Khadafi » (Editions Hachette)

        « La cité d’Isis, histoire vraie des Arabes » (Nouvelles éditions latines)

        « L’Irak le pays du nouveau fleuve » (Editions J.A.).

        Dans « L’Irak des révoltes » paru en 1962, il présente un peuple en lutte depuis des siècles contre sa terre, que l’eau empoisonne plus qu’elle ne la fertilise. Un pays où se mêlent les trois mondes, asiatique, arabe et européen. Une croisée de routes commerciales propices à l’établissement de grands empires. Des richesses pétrolières moins miraculeuses qu’on ne croit. Tel est l’Irak, enfermé dans un paysage qui l’isole et le maintient dans un âpre destin. L’histoire y est une suite ininterrompue de guerres sociales qui éclairent les conflits actuels d’une lumière curieuse. C’est à Basrah, sur les bords du Golfe Persique qu’est apparu au IXe siècle le premier socialisme militant dont se réclame aujourd’hui le syndicalisme arabe. Révoltes, répressions, jacqueries, grandes peurs, capitales réduites en poussière : la révolution du 14 juillet 1958 ne fut qu’un nouvel acte de cette tragédie permanente. Mais sa révolte pour le pain, l’Irak l’a transformée, par une démarche propre, en protestation de la conscience individuelle contre l’État. La doctrine dissidente chiite, qui a brisé l’unité de l’Islam, a fait de l’objection de conscience une force politique qui est la donnée fondamentale de l’esprit public irakien.

        Plus tard, en préfaçant l’essai d’Alice Bséréni, « Irak, le complot du silence » (Editions L’Harmattan 1997) tout ému et avec une grande sagesse, il écrira : « Ici la tragédie est dans l’air. Vague après vague, le peuple irakien a essuyé toutes les guerres et tous les fléaux naturels possibles et imaginables, sans jamais plier le dos comme si, ayant bu à la mort avant la mort, il détenait une puissance de résurrection inconnue chez nous ; il émane de sa personnalité une sorte d’invulnérabilité intérieure qui lui fait regarder comme vaines les injures mécaniques qu’on lui fait subir. (…) La guerre du Golfe nous invite à méditer longuement là-dessus et à nous dire que les plus perfectionnés des machiavélismes finissent par connaître tôt ou tard leur maître qui s’appelle Vérité. »

        En 1970, il publie « Les clefs de la guerre » où il analyse les origines, le déroulement (bataille de juin 1967, renaissance palestinienne, « négociations armées » actuelles), et les perspectives de la guerre au Proche-Orient. Résistance passive, armées classiques et menées populaires soutenues par la révolution, telles sont les armes des peuples arabes. Pacifiques, ils sont entrés dans le système de guerre pour contrer les desseins impériaux du Nouveau Monde, responsable d’un drame qui porte en lui les germes d’un affrontement mondial. Sans la moindre concession aux idées reçues, il donne les clefs de ce conflit « américano-arabe » en Méditerranée, celles du système de guerre moderne. Entretenant d’étroites amitiés avec l’ensemble des responsables de la politique arabe, il possédait des informations de première main dont il a utilisé la substance pour écrire « Les Clefs de la guerre ».

        « Par Israël interposé et par Arabes révoltés nous voici donc invités à répondre à la seule vraie question qui vaille d’y réfléchir : où débouche la guerre conduite par les organisations oligarchiques mondiales contre les peuples et les sociétés nationales ? Est-il possible de fonder une politique sur la mise en boîte sous vide des hommes et des choses, sur la négation des originalités nationales, du temps, des espaces et de l’humanité réelle ? Est-il possible qu’Israël, qui est un rêve armé mais un rêve tout de même, l’emporte sur la civilisation arabe, réalité permanente ? (…)

        « Tenir Suez et ses abords pour contrôler l’ensemble de l’Ancien Monde, tel fut et demeure le souci majeur de Washington et telle est bien aussi la première clef du conflit israélo-arabe. (…)

        « Le système militaire étranger installé en Palestine par le Pentagone menace donc à la fois l’Europe, l’ordre arabe et la tradition asiatique. Il est normal qu’il ait vu se coaliser contre lui toutes les forces qui en Europe, au Proche-Orient et en Extrême-Orient refusent de se plier à la nouvelle puissance impériale que sont les États-unis. La coopération qui a pu s’établir entre Paris, Moscou, Le Caire, Hanoi et Pékin est donc la deuxième clef de ce qu’on a appelé « la guerre des Six jours ». (…)

        « Il en est une troisième : l’adaptation des Arabes au système de guerre qui leur est imposé en recourant à une résistance nationale de longue durée, en opposant à la puissance des armes et du combat éclair celle de leur masse, de leur géographie, de leur économie ; déroutant ainsi les observateurs politiques qui en sont restés à croire que, tout comme à Crécy, l’équilibre des sociétés est modifié par le succès d’une charge de cavalerie (de Mirages ou de Phantoms…). (…)

        « Reste une quatrième clef : la nation palestinienne. C’est pour elle qu’a été ouverte la guerre il y a quelque cinquante ans et c’est par elle qu’elle se fermera. (…) Or, du fait de la puissance de la nation palestinienne, revendiquant la totalité de son sol au nom du droit le plus sûr, l’entité israélienne se trouve entachée d’illégalité et en quelque sorte prisonnière d’une Palestine dont elle peut nier le nom mais pas la réalité terrienne et humaine. »

        « La cité d’Isis, histoire vraie des arabes », paru en 1976 à Paris et réédité par l’ENAG à Alger en 1991, constitue la pièce maîtresse de l’œuvre de Rossi. Il y posait la problématique de l’Islam et l’impérieuse nécessité de connaître l’histoire du monde arabe. « Une vision bornée de l’histoire nous a imposé d’en localiser les sources non loin de chez nous, dans l’aride péninsule hellénique et sur les misérables rives du Tibre. Les Européens réduisent volontiers les origines de leur culture aux cantons athénien et romain. C’est là une appréciation erronée : elle nous a été inspirée des partis pris confessionnels et politiques. (…)

        « Mais les préjugés demeurent ; mais un enseignement doctrinaire fausse nos jugements ; mais les images dont nous sommes hantés ont pris la place de l’évidence. Nous croyons que les cours d’histoire que nous suivons dans nos écoles sont identiques à ceux que professent Le Caire, Téhéran, Kaboul ou Calcutta. Ce n’est pas vrai. Sur cette illusion nous n’en avons pas moins établi nos prétentions à régenter les nations non occidentales. Quand nous aurons appris à peser l’exact poids des mondes qui nous entourent, nous découvrirons peut-être, outre la vraie fraternité, tout à la fois nos horizons et nos limites. Prestige du verbe, orgueil de soi, volonté de surélévation : lorsque nous avons prononcé le mot Occident, nous avons tout dit, comme si l’Occident était autre chose que la pente déclinante de l’Orient… (..)

        « Un courant vivifiant parti de l’Orient n’a cessé à aucun moment de faire lever en terre d’Occident une profusion d’arts et de méditations créatrices. Nous sommes restés des Arabes dans notre foi comme dans nos scepticismes. Dans l’Orfo de Monteverdi où plane la divinité solaire, dans la forêt infernale où rôde la panthère de Dante, tout autant que dans la science contemporaine où règnent l’atome et la logique des hypothèses, se fait entendre en sourdine le murmure continu de nos sources orientales. Il suffit d’y prêter l’oreille. »

        La cité d’Isis, où il a su magistralement mettre en évidence la fraternité des trois religions monothéistes, à travers le voisinage géographique et la parenté spirituelle, lui avait valu d’être invité officiellement à Damas.

        De même qu’il a publié deux romans, « Un soir à Pise » et « Les Conjurés d’Aléria ».

        « Un soir à Pise » (Editions Flammarion). Ce soir à Pise, Niccolo et Pia del Tolomei donnent une réception pour l’anniversaire de leur mariage. La Pia y a convié un jeune Français rencontré – furtivement – sur une plage, l’été dernier. La passion qu’il lui voue l’enchante et l’effraie. L’enchante parce que, sous son regard, elle se sent enfin exister ; l’effraie parce que l’autorité ombrageuse se son mari lui est repos et protection. Dans ce premier roman, Pierre Rossi n’a refusé ni la clarté du récit, ni l’intrigue, ni même le « suspense »… Mais, si l’époque du drame n’est pas précisée, c’est pour faire entendre sans doute que ces personnages de passion, saisis dans le double mouvement d’une expérience et d’une culture sont aussi des « des figures ».

        « Les Conjurés d’Aléria » (Editions La Table ronde). A l’aube de la Renaissance, la Corse aidée par des cités sarrazines se soulève contre la domination de la sérénissime République de Gênes. Sur ce fond historique, deux personnages s’affrontent dans une lutte sans merci où alternent insurrection et répression : le redoutable gouverneur militaire envoyé par Gênes pour mâter la révolte et l’ardente Maria di Ghjan Paulu, fille d’un petit noble corse, héroïne de la rébellion.

        Pierre Rossi n’est pas resté indifférent à l’égard de l’Algérie, il eut cette pensée : « Tout homme porte en lui la forme entière de l’humaine condition. La fraternité n’est pas seulement un commandement d’ordre moral. Elle est aussi et surtout une communion substantielle. C’est pourquoi si la victime de la torture est déchirée dans sa chair et dans son âme, son bourreau, quant à lui, s’exclut de l’espèce humaine. »

        En 1995 il signe un article « Légalité et légitimité » où il pose la problématique des évènements qui ont secoué l’Algérie au début des années 90 tout en clarifiant sa position. Il reprend cet article sous le titre de « Repenser nos certitudes » pour préfacer l’ouvrage de Si Othmane « L’Algérie, l’origine de la crise ou, La guerre d’Algérie, suite et fin » (Editions Dialogue 1996).

        Il écrit : « C’est pourquoi le présent ouvrage signé de l’Algérien Si Othmane, lorsqu’il traite de l’actuelle « guerre d’Algérie », il se réfère avec juste raison à la première guerre dont elle est issue et qui s’appelle conquête de 1830, conduite par l’État français contre le peuple algérien, une guerre qui n’a connu en fait ni trêve ni repos malgré les apparences. Écartant résolument les détails des circonstances présentes qui servent surtout le journalisme plus que les vérités fondamentales, Si Othmane pose le vrai problème qui depuis des siècles nous interroge sur la guerre et la paix. Problème qui touche aux racines mêmes de l’histoire. Car la guerre ne se propose pas seulement de tuer des hommes et de détruire des cités. Elle travaille patiemment, au delà de ces destructions brutales à démolir un ordre politique, culturel, esthétique et social, voire spirituel, bref un art de vivre. »

        Il continue son raisonnement : « Estimer comme le font certains que la crise algérienne se résoudra aisément une fois que les Algériens, tous les Algériens, se seront convertis à l’idéologie occidentale, c’est dire une fois que l’Algérie aura été dépossédée de son identité ancestrale, autant dire de sa mémoire, est une coupable illusion. Curieuse proposition puisque c’est précisément dans cette mémoire que le peuple algérien voit sa richesse la plus inaltérable alors que dans le modèle occidental qu’on voudrait lui inculquer, loin de saluer une promesse de bien-être, le peuple algérien y verrait plutôt le commencement d’une décadence qui l’entraînerait à n’être que la réplique simiesque d’une société bourrée d’abstractions autrement dit de corps morts. »

        Il conclut qu’« il ne peut en effet y avoir situation de légitimité qu’à la seule condition que la loi, fluctuante et précaire par nature, fasse cause commune avec le droit, valeur permanente et universelle. »

        Sa passion pour le monde arabo-méditerranéen et asiatique ne s’est jamais altérée et, tout en apportant assidûment son précieux concours aux activités de l’Institut du Monde Arabe (IMA) de Paris, il rédige pour la revue Arabies de remarquables articles. Rappelons celui publié dans le numéro de janvier 1995 : « La route de la soie – Caravanes d’hier, stratégies de demain – Chemin des rois, chemin des peuples et des moines ».

        « Il en est des configurations géographiques comme des constellations célestes. Elles sont immuables. Il existe, sur terre, des emplacements prédestinés qui sont les passages obligés de l’histoire du monde. La grande constellation triangulaire du Sinaï est de ceux-ci. Laissons l’histoire officielle sacraliser certains « grands hommes » triés sur le volet. En réalité, c’est la géographie transposée en stratégie qui dresse les plans, impose sa loi, conduit les armées, les pèlerins et les marchands. (…)

        « Ce terme de Route de la Soie à résonance poétique ne doit pas faire illusion. Longtemps artère nourricière des trois continents d’Afrique, d’Europe et d’Asie, en matières premières, en produits finis, en sciences, en techniques médicales ou astronomiques, navales et agraires, industrielles et monétaires, en philosophies et religions, en art et en savoir-vivre, puis éclipsée par l’essor et la volonté de puissance de l’Occident, voici que cette route, sous la poussée d’une vitalité remontée du fond des âges, s’apprête à reprendre sa marche vers un Occident plus ouvert et plus conscient de l’héritage qu’il en a reçu et trop longtemps négligé. »

        Il collabore à l’Encyclopedia Universalis et rédige les articles sur l’Irak et la Libye. Au sujet de l’Irak, il écrit notamment : « Il est vrai que la découverte relativement récente d’importants gisements, de pétrole et de soufre notamment, ont attiré sur l’Irak l’attention des nations industrielles qui ont eu parfois tendance à réduire le pays à l’expression d’un pur et simple « espace économique », alors qu’il se veut une « société politique » qui tente de se dégager un avenir conforme à un destin dont l’antiquité n’a pas effacé la nostalgie. En cela, l’Irak ne fait que vivre un drame propre à l’évolution contrastée des temps modernes. On y parle beaucoup de « révolution », terme qui désigne sans doute, ici comme ailleurs, le désir d’un peuple de ne pas s’oublier, de remonter au contraire aux sources originelles dont il est issu. La conscience de ce qu’il fut amène l’Irak à s’engager dans une véritable reconquête de soi dont les phases, pour confuses qu’elles paraissent, ne doivent pas faire perdre de vue la lumière directrice. »

        Par ailleurs, Pierre Rossi a été :

        – Secrétaire général de l’Association pour la diffusion de la culture et de la langue arabes en France

        – Secrétaire général de l’Organisation Européenne pour les Droits de l’Homme et pour ses libertés fondamentales (OEDHLF)

        – Sociétaire de la Société des Gens de Lettres de France

        – Membre fondateur de l’association Amitiés franco-irakiennes

        – Président de l’Association Artistes Citoyens du Monde.

        Dévoué à la cause de la Corse, il avait des vues d’une société prospère ; il s’est engagé depuis son retour dans l’île pour militer à l’UPC, puis à l’Unità Naziunalista. Il a été président du comité de soutien à la liste électorale en 1984 et journaliste au « Ribombu » dans les années 80.

        Dans ce cadre, (re) devenu Petru Rossi, il avait co-signé en 1989, avecPierre Bartoli – « U disturbu 1789-1989, la mise à sac » et en 1991, avec Maître Lucien Felli, « La Corse, l’Europe et le droit », parus aux Editions La Marge. Il a publié un recueil d’articles « Isula sola ». Il a également rédigé et préfacé le projet de constitution de la Corse indépendante.

        Pour cet attachement à la Corse, il n’a pas manqué de livrer sa pensée dans un article majeur paru sous le titre « Toujours rebelles » dans l’hebdomadaire Kyrn du 13 octobre 1989, à l’occasion d’un numéro spécial consacré à un colloque sur les îles. « La mode est à l’ignorance de l’histoire. Sinon on saurait que toute île, si étroite soit-elle, a servi de marchepied à la communication des mondes et que c’est dans ce rôle qu’elle doit être jugée, appréciée, considérée. (…) Le cas de la Corse est dans ce domaine typique. On lui a inventé tout exprès un présent et un passé hors d’elle-même, afin de mieux programmer, une fois sa mémoire détruite, les étapes de son autodestruction. (…)

        « Il est donc indispensable pour parler de notre pays de nous référer à toutes les îles, mers et terres dont elle est la parente, l’alliée, la voisine ou non. Nous ne sommes pas nés d’hier, pas même en 1789 et nous survivrons certainement longtemps aux institutions, règlements, et constitutions dont on nous a enténébrés. (…)

        « La Corse comme ses autres sœurs insulaires de la Méditerranée est fille de l’Asie. Continûment depuis le IXe millénaire avant notre ère qui vit les grandes migrations parties d’Asie gagner de proche en proche jusqu’aux rivages de l’Atlantique hispanique ou vendéen, véhiculant le savoir vivre, le savoir travailler, penser et mourir, les îles n’ont cessé de vivre de la substance asiatique puis afro-asiatique. (…)

        « Soucieux avant tout de préserver la société de l’immoralité l’Orient a toujours préféré, hier comme aujourd’hui, la loi intérieure au droit extérieur, la pratique de la coutume à la juridiction positive, la psychologie à l’écrit, créant ainsi une civilisation où la garantie morale plus que la peur du gendarme maintenait la cohésion sociale à un haut niveau de responsabilité individuelle et collective. Ainsi par le sens de la solidarité, grâce à un collectivisme organique puissant, les îles ont pu se passer de l’énorme armature juridique inventé par un Occident, contre lequel elles ne pouvaient manquer de se rebeller. »

        Pierre Rossi est décédé chez lui en Corse le 25 décembre 2002, le jour de Noël et repose désormais dans sa terre d’Aullène.

  3. el yacoubi on

    P.Rossi
    La vérité finit toujours par remonter à la surface . D’autres Pierre Rossi , et non des moindres , sont à l’oeuvre , de par le monde , qui ont pour seule motivation , la recherche de la vérité et sa divulgation ….
    Pierre Rossi a mis la machine en marche et elle ne s’arrêtera pas avant que la vérité ne soit l’unique objectif de tous les historiens , de tous les anthropologues , de tous les ethnologues … la vérité se lève à l’horizon , ce n’est qu’une question de temps . Il serait intéressant de jeter un coup d’oeil sur les travaux des nouveaux historiens israéliens , comme Hertzog , pour ne citer que lui .

  4. aux origines des langues
    (Med Nadhir Sebaa)· Batna ·Essai « Les Susceptibles origines du vocabulaire de la langue française » de Driassa Benaissa

    BENAISSA DRIASSA: Une certaine vision étymologique de la langue arabe.
    L’auteur me propose pour lecture et appréciation son premier essai sur l’origine de certaines langues aujourd’hui parlées à travers le monde. Cet esprit curieux, n’a pas cessé de réfléchir en profane sur les problèmes des interpénétrations linguistiques, des emprunts et des origines des mots dans l’histoire. Il entreprend aujourd’hui en autodidacte accompli, l’étude de sociétés du bassin méditerranéen, d’Afrique et du monde arabe, à travers la dissection d’idiomes,de dialectes anciens,de patois…qu’il renvoie à la langue arabe comme origine première. Analyse donc des « moussawitates »(voyelles), des « sawametes »(consonnes), des « moussawitates mouzdawaja »(diphtongues), des la persistance des accents toniques (el med) dans certaines contractions, des déformations phonétiques, des glissements sémantiques les plus divers…accompagnent ses démonstrations…Un point au moins est acquis. Ce militant de la quête originelle des langues, a semé la graine de la recherche dans le domaine de la linguistique et de l’ambition anoblissant d’éclairer la linguistique universelle de Sibawih,El Maatez,Saussure,Wittgenstein…Il dépend des spécialistes qu’elle germe ou que l’ivraie l’étouffe…Si le présent et modeste essai de BENAISSA, malgré ses imperfections et ses indigences, mais aussi par son originalité contribuait à convaincre que sa recherche est la seule qui corresponde à notre conception rationnelle du « parler », nos intentions seraient accomplies.. Critique réalisée par Med Nadhir Sebaa (écrivain,poète,romancier)

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