Elle est malade, il faut la soigner, ne pas se tromper de diagnostic ni de remède. Son problème, ce sont ses dirigeants qui veulent rester à vie ou trop longtemps au pouvoir auquel ils ont accédé par un coup d’Etat par les armes ou par les urnes.

La présidence de la République, polluée par l’argent qui joue un rôle important en politique, est fermée, verrouillée ; il faut ouvrir ses portes et ses fenêtres, chasser le renfermé, créer un puissant appel d’air frais qui viendra non seulement de la mer et des plaines, mais des plateaux et des montagnes du pays. Il faut insuffler un peu d’air frais à un pouvoir qui étouffe, parce qu’il maintient le statique mortifère qui est la même pièce de théâtre politique jouée par les mêmes acteurs.

Le président doit faire preuve de sens politique, témoigner d’une grande capacité d’ouverture vers le peuple, s’ouvrir sur les partis politiques de l’opposition, les représentants des syndicats et de la société civile autonome et les jeunes générations.

Le pouvoir qui est divisé en clans, puis en castes, enfin en dynasties qui ne sont pas l’apanage des monarchies, s’est replié sur lui-même, a peur de l’ouverture, parce qu’il croit que ce serait sa fin, son arrêt de mort. Il n’y a pas que les monarchies qui créent des dynasties.

Il faut d’abord changer de gouvernement, aucun ministre n’a démissionné et aucun n’est démissionné. La longévité des ministres n’est pas un facteur de stabilité, mais fabrique de la fragilité économique et de l’exaspération sociale. Ahmed Ouyahia, un simple artisan du pouvoir, voire un technocrate, dont certains vantent la compétence et le pragmatisme méticuleux, soucieux de précision, pense toujours à son avenir, mais n’en parle pas. Le président couve le premier ministre et ses conseillers sont ses prolongements.

Il faut jeter un regard lucide sur la nature du pouvoir

Le pouvoir vieillit et le pouvoir absolu vieillit absolument. L’Algérie est une ruche où les abeilles se laissent commander par les guêpes. Le retour du monopole politique, de la pensée unique qui étouffe les voix de l’opposition, renforce l’idéologie ou le discours politique, social et moral dominant, conduit à la régression des libertés.

Le président a construit un pouvoir vertical pour ne pas subir des influences diverses ni s’entourer d’avis divergents, avant de décider. C’est l’identification du peuple avec celui qui le gouverne, le cheminement au renoncement des Algériens à exercer pleinement leurs devoirs de citoyens responsables. La verticale du pouvoir qui personnalise et concentre un pouvoir illimité entre les mains du président, dans un pays où il n’y a pas de contre-pouvoir, est dangereuse. Tout émane du président, tout dépend de lui.

Il n’y a pas de séparation mais confusion des pouvoirs, le pouvoir législatif joue un rôle mineur et le pouvoir judiciaire est aux ordres du pouvoir exécutif. La magistrature est dans son ensemble non pas debout ou assise comme le veut la loi, mais à genoux et à plat ventre comme le veut le pouvoir exécutif.

Quand l’opposition est faible, le pouvoir qui ne peut se mouvoir sans écraser quelqu’un, se divise et, quand elle est forte, il se ressoude pour se défendre. Il faut clarifier le jeu politique : d’un côté le pouvoir sans tensions ni rivalités ou divergences stratégiques, qui ne peut durer sans cohésion au sommet, de l’autre l’opposition dans toutes ses composantes, sans déchirements fratricides, sans polémiques ou recherches de leaderships qui minent son union.

Le président exerce une emprise totale sur la chaîne unique de télévision.

En Afrique et dans le monde arabe, le pouvoir se transmet de père en fils comme dans les monarchies. En Algérie c’est la transmission dynastique du pouvoir par la fratrie qui semble être, pour le moment, une rumeur qui a pris le pas sur l’information. Y’a-t-il des remous à ce sujet parmi d’autres gouvernants au sommet de l’Etat ?

Le silence est de rigueur. Le peuple Algérien veut être maître de son destin. La minorité riche dit comme Letizia Bonaparte, il y’a plus de deux siècles : pourvu que ça dure, sachant pertinemment que cela ne peut pas durer. La majorité pauvre peut faire sienne la citation d’Aimé Césaire : Mon nom : offensé, mon prénom : humilié, mon état : révolté.

L’Algérien a le choix des mots qui expriment sa situation présente : rejeté, méprisé, angoissé, marginalisé, floué, aliéné, etc., etc. L’humour aussi est un acte de résistance, la forme la plus aiguë du désespoir.

Le président américain Obama n’a pas adressé de félicitations au président Bouteflika pour sa 2ème réélection à la magistrature suprême, entachée de fraude bien intégrée dans les mœurs politiques du pays et présente au rendez-vous de toutes les élections. Le scrutin du 8 avril 2009 a été marqué par un niveau record d’abstention. Le président Obama a déclaré à Accra capitale du Ghana : « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais de fortes institutions ». Il n’approuve pas les pouvoirs qui font les coups d’Etat ou modifient la constitution pour rester au pouvoir. Il ne veut pas cautionner les responsables des Etats qui maintiennent les statiques et ne s’engagent pas dans la démocratie, le respect des droits de l’Homme et la lutte contre la corruption.

La corruption, inséparable de l’exercice du pouvoir, qui est à tous les niveaux et dans tous les domaines, est le cancer du peuple. L’état d’urgence permanent est un danger pour la démocratie, les droits de l’Homme, l’exercice des libertés individuelles et collectives.

La charte pour la réconciliation nationale a échoué

Chaque année à l’approche du Ramadan et des anniversaires de dates symboliques, à savoir l’anniversaire de sa création et de son allégeance à El Qaïda Maghreb, le GSPC déclenche de grandes offensives dans de nombreuses wilayas, avec des moyens importants. Le 17 juin 2009 un convoi de gendarmerie nationale tombe dans une embuscade qu’il a tendue sur la RN5 dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj ; 18 gendarmes et 2 civils décèdent dans cette attaque. L’embuscade perpétrée le 29 juillet 2009 à Damous dans la wilaya de Tipaza a fait 23 victimes, tous des militaires. Le choix des cibles est concentré sur l’armée et les forces de sécurité. Le GSPC est présent et actif sur le terrain, a des relais au sein de la population donc la capacité de se renouveler. La force donnée pour décapitée à plusieurs reprises par le ministre de l’Intérieur, se renouvelle par l’engagement de nouvelles recrues.

La stratégie sécuritaire du pouvoir, inadaptée, doit être revue, corrigée. La charte nationale qui devait être un grand projet politique a été réduite à sa dimension sécuritaire. L’amnistie sans vérité et justice n’est qu’impunité. L’effet psychologique recherché par le président, à savoir une reddition massive de tous les groupes armés qui formeraient des files indiennes devant les commissions de probation, afin que les combats cessent faute de combattants, n’a pas eu lieu. C’est l’échec de la charte pour la réconciliation nationale.

La demande sociale a un coût, mais la paix sociale n’a pas de prix

Une partie importante du peuple se trouve en dehors des institutions, car elle n’a d’autre alternative que la rue pour s’exprimer. Le gouvernement mène une politique de plus en plus antisociale. L’aisance financière ne s’est pas reflétée sur la vie de tous les Algériens mais seulement sur la minorité au pouvoir. Il y a les nouveaux riches, toujours plus riches et les pauvres, plus pauvres. C’est une période bénie pour ceux qui s’enrichissent en toute impunité. La pauvreté fait tache d’huile, s’étend à tout le pays, affecte la majorité de la population. Les conflits isolés vont se reproduire avec plus de force et de manière coordonnée. Le président entend-il la colère des pauvres qu’il doit regarder dans les yeux pour mesurer leur détresse mais aussi les menaces de mécontentement, d’affrontement et de revendication ?

Les inégalités ne sont pas réduites mais exacerbées et exigent la redistribution des richesses nationales. L’Algérie est l’exemple d’une profonde injustice sociale. Le pouvoir n’est pas à l’écoute de la société dont le pouvoir d’achat ne fait que baisser d’année en année. Il ne veut pas entendre cette Algérie des fins de mois difficiles, des pauvres, des chômeurs, des retraités. Il y’a une rupture, une cassure entre d’une part une minorité jouissant d’un niveau de vie égal ou supérieur à celui des pays les plus riches de la planète, et de l’autre la majorité de la population dont le problème fondamental est de satisfaire ses besoins les plus élémentaires. Une nouvelle période d’instabilité s’ouvrira.

L’idéologie ultralibérale se double d’une pratique dirigiste et sécuritaire. Les Algériens demandent du concret, veulent la réduction de l’inflation et la réhabilitation du dinar. Le rejet du libéralisme sauvage, sans règles ni garde-fous, qui ouvre la voie à la corruption et au marché informel qui fait la loi. Les Algériens doutent de l’objectivité des statistiques du gouvernement. Elles sont fausses et plus personne n’y croit.

Comment vivre heureux dans une villa avec jardin et piscine ou un logement à sept pièces quand les voisins vivent à sept dans une pièce ?

Un manifeste pour la souveraineté du peuple et une Algérie de citoyens et non de sujets

Ecoutons ce qui se dit, ce qui se pense, ce qui se réfléchit pour entrer dans le 21ème siècle.

L’Algérie a perdu ses repères, se hâte avec lenteur, considère qu’il est urgent d’attendre. Il faut la mettre en état de marche, rassembler les Algériens de tous bords dans une société civile mobilisée et mobilisatrice pour qu’ils apportent le concours de leurs expériences et de leurs compétences à mettre au service de l’alternance démocratique.

Trois principes fondamentaux, trois vertus démocratiques doivent guider le manifeste :

1) Ouverture aux jeunes générations dans la diversité ;
2) Défense de la démocratie et des droits de l’Homme ;
3) Préservation des valeurs humaines de dignité, de justice, de liberté et de solidarité. Cet impératif de dignité, doit être toujours présent, il ne faut jamais l’oublier.

Tout débat apaisé, toute réflexion cohérente qui s’appuie sur une volonté politique et une intelligence stratégique pour éclairer la voie du manifeste contribuera à éliminer la régression politique et sociale.

Abdennour Ali-Yahia
12 août 2009

Source: Quotidien El Watan
http://www.elwatan.com/L-Algerie-ne-se-porte-pas-bien-il

Un commentaire

  1. Ne comptez pas sur Bouteflika M. Abdennour Ali-Yah
    Si Abdennour, sans contestes et pour une grande majorité d’Algériens, vous faites partie du peloton de tête des personnalités politiques les plus respectées et les plus respectables dans notre pays. Mais permettez-moi de vous dire qu’on ne peut rien construire ni entreprendre avec le Chef de l’Etat actuel, M. Bouteflika. D’abord parce l’homme est aujourd’hui manifestement diminué, autant physiquement qu’intellectuellement. Mais pas seulement. J’ai en effet pratiqué cet homme quasi quotidiennement durant plus de treize ans – entre 1983 et 1996 –, par une sorte de réaction bien algérienne, quand son exclusion des cercles du pouvoir en avait fait un homme isolé et délaissé par la majorité de ses pairs, c’est-à-dire un citoyen un peu plus humble, un peu plus fréquentable….Je puis vous dire qu’il n’a jamais pardonné à l’Algérie, peuple, institutions et nation, de l’avoir évincé de la succession politique de Boumédiène, succession politique qu’il considérait comme un véritable héritage de patrimoine civil dont il aurait été spolié….Et en cette occasion, je voudrais confirmer ici un témoignage dont j’ai déjà fait état dans un article paru dans le quotidien Le Matin du 17 août 2003, intitulé « Sic transit gloria mundi » où j’apporte un témoignage qui indique jusqu’où peut aller Bouteflika pour rassasier sa soif de pouvoir. J’en reproduis ici un extrait:

    «J’ai décidé de rendre public ce témoignage pour dénoncer à la conscience des citoyens algériens un trait de caractère immoral chez l’actuel chef de l’Etat, M. Bouteflika. Voici les faits dont je prends Dieu à témoin: Début janvier 1996, je suis allé rendre visite, à mon ex-ami Bouteflika dans son appartement de la rue Bachir-El-Ibrahimi je le trouvais tout seul et dans une humeur détestable. Comme je lui en demandais les raisons avec insistance, il me répondit en substance : « je sais que tu vas y trouver à redire, mais je te le dis quand même : les attentats semblent se calmer, je n’aime pas ça ! Je veux que le Pouvoir tombe ! Tu sais que je suis incontournable, (fin de citation). J’accusais le coup en répondant par un banal ‘J’espère que tu n’es pas sérieux !’ Je suis efforcé ensuite de faire bonne figure en parlant d’autre chose durant les quelques minutes qui suivirent et au bout desquelles j’ai pris congé de mon hôte que je n’ai plus jamais revu depuis ce jour-là.»

    Le salut pour ce pays, réside à mon avis dans une vaste compagne de mobilisation et de sensibilisation de toutes les couches du peuple algérien, pour faire face au danger mortel pour le pays, du renouvellement générationnel du régime par sa propre clientèle familiale et clanique dont on est en train d’assister à la mise en place. Il appartient à l’élite de ce pays – y compris l’élite contrainte et forcée à l’exil – de s’unir comme un seul homme, au-delà des sensibilités politiques propres à chacun, de s’unir comme un seul homme pour diffuser par tous moyens, le message du péril que représente la mise en scelle sournoise – pour perpétuer le même régime liberticide et corrompu –, d’une véritable association de clans de malfaiteurs sans foi ni loi, n’éprouvant aucun respect pour un peuple Algérien dont ils ont spolié la souveraineté et détourné les richesses.

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