Parler de l’école algérienne, n’est pas chose aisée !

A l’instar de la société dont elle est l’émanation directe, l’école algérienne dans son ensemble, connait des sursauts, des hésitations et un dysfonctionnement relativement conjoncturel eu égard aux grandes mutations qui lui sont propres et surtout aux différents bouleversements dans le monde…

Comment faut-il interpréter alors, la dernière sortie de notre ministre de l’éducation qui innocente l’école de toutes les dérives et accuse en retour, la maison puis la famille d’être la cause première de la recrudescence de la violence dans le milieu scolaire…

Il ne faut pas se hâter de jeter trop rapidement la pierre aux familles qui trop souvent même sont dépassées par les évènements, dans un conflit de générations qu’ils maitrisent difficilement !

Faut-il dès lors croire, que l’école soit elle aussi devenue l’exutoire tout indiqué, de toute cette hargne sociale, à l’image de nos stades, nos cabines téléphoniques et nos trains devenus de véritables défouloirs aux différentes revendications sociopolitiques ? On peut aussi avancer, sans risque d’erreur que le cycle du moyen est le plus durement touché par ces dérives ! Ici, l’élève trouve son terrain de prédilection puisqu’à peine sorti de l’enfance, il cherche à exprimer son adolescence en ébullition et se met, à la recherche de ses repères…

Peut-on sereinement ignorer les soubassements exogènes de cette grogne sociale dont l’école est le prolongement naturel ? Non !

Par ailleurs, je ne crois pas que les problèmes liés à un établissement scolaire donné, soient les mêmes pour tous les autres… La preuve, monsieur le ministre parle de 1000 agents de sécurité !

Ce chiffre est largement insuffisant puisque le nombre global des structures à travers le territoire national est estimé à 24449 établissements ! On peut avancer à juste titre, que la violence est plus significative dans certaines zones…

Il y a toujours une spécificité d’ordre politique, sociale ou zonale qui fait que certains établissements sont plus nantis et/ou côtés que d’autres ! La vérité est aussi que tous les problèmes politico-socio-économiques que vit la famille algérienne à différents degrés, touchent aussi les enfants qui en seraient le parfait microcosme à l’école !

De ce fait, l’école de sa position privilégiée, ne peut échapper elle aussi, aux défoulements de toutes ces impulsivités ravageuses ! Cette dérive sociale se retrouve aussi dans plusieurs pays ayant pourtant des contextes et des enjeux économiques politiques et sociaux très différents.

Pourquoi l’école est-elle devenue la source de cette violence ? A quel moment peut-elle aussi, en être la victime ?

A/ Quelques formes de la violence

1) Elle peut être endémique.

Sa persistance, peut s’expliquer par les causes qui l’alimentent et qui perdurent.

–  L’école peut se trouver à proximité d’une source génératrice de maux !
(un marché, une salle de jeux ou être complètement isolée…)

2) Elle peut être sporadique.

Dans ce cas précis, la violence est liée à divers évènements…

– Durant les compositions de fin de trimestre, des examens, à l’approche du Mawlid Ennabwi (festival du pétard), la fête de la St Valentin(?)…

3) Elle peut être récurrente.

Quand, il y a interactivité entre les différents acteurs.

– Généralement des filles socialement fragilisées aux prises à des "jeunes désœuvrés" en quête de proies faciles !

– Sentiment d’exclusion et/ou conditions sociales précaires.

B/ L’interaction des causes

– L’incivilité peut être la cause première, de ces dépassements.

– La stigmatisation dans la mauvaise conscience sociale et l’opposition à l’autorité désignée.

– L’absence totale de sublimation par la pratique artistique et culturelle !
(la musique, la lecture, la poésie, le théâtre…)

– Les difficultés du contexte socio-économique, les problèmes familiaux et culturels, et parfois même l’organisation du système scolaire sont les premiers facteurs de l’échec scolaire…

– Par ses promesses égalitaires, l’école a favorisé la massification destructurante au détriment d’une frange porteuse de toutes les qualités, déséquilibrée dans cette frustration chaotique…

– La prolifération des vecteurs de germes de la violence à travers tous les moyens accessibles de l’audio-visuel a considérablement favorisé l’émergence d’une nouvelle culture, basée sur un rapport de force dans un environnement hostile et/ou non sécurisé.

– L’établissement scolaire est construit, au mauvais endroit…

– Elle peut être le résultat de la transhumance des populations, déplacées dans des contrées inhospitalières voire hostiles et où pour survivre, il faudra alors, s’imposer par la force de la famille, du clan ou de bandes organisées…

– Le milieu et l’environnement influent sur le développement de la personnalité de l’enfant…

– De ses expériences personnelles et familiales et de son statut social dans le groupe, l’enfant apprend la loyauté et l’affectivité ou…la soumission, l’agressivité et la violence.

– L’enseignant, dans sa relation éducative peut lui aussi, dans bien des cas provoquer cette violence et en être le catalyseur.

– Certains enseignants ne maitrisent pas ou ne savent ce que c’est que la docimologie  ?!

– D’autres sont brutaux ou indécents (si, si !) ce qui bien sûr crée un climat de tension en classe !

– L’injustice caractérisée dans l’évaluation des connaissances cognitives et dans la rétribution des notes peut pousser l’élève à la révolte… l’image de l’élève passif est bien dépassée et certains enseignants vivent dans le passé !

– Pratiquer un contrôle ponctuel, pour éviter les abus de pouvoir de certains fonctionnaires zélés à tous les niveaux de l’établissement.

C/ Les conséquences

Face aux problèmes multiples du quotidien, la réaction des gens diffère d’un type à un autre en fonction des facteurs qui la motivent ! (religion, éducation, principes…)

– L’agressivité d’un enfant violent à l’école, peut inciter par son caractère irascible, les autres  à le devenir par réciprocité.

– Expliquer à tous les enfants les coûts de la violence et ses effets néfastes.

–  L’élève peut parfois, se trouver face à des exigences insupportables (coût dispendieux, règlement intérieur abusif, favoritisme…) qui le poussent par atavisme (la société, les adultes) soit à la rémission sournoise en attendant des jours meilleurs soit il s’insurge alors contre les règles établies en imposant son crédo soit il recherche ailleurs son identification et ses repères dans les bandes organisées (malfrats, marginalisation, drogues).

==> Il serait bien tentant ici de relever la parfaite similitude de ces comportements avec ceux de certains citoyens éprouvés par la cherté de la vie qui réagissent selon leurs tempéraments !

Les uns se résignent, les autres tentent l’aventure au péril de leurs vies (Harraga), le reste s’adonne aux vices (drogues, associations de malfaiteurs…) au marché parallèle (contrebande) ou passent carrément à l’agression caractérisée (bandes organisées, bandes armées).

– Certaines pratiques actuelles contribuent au maintien des conduites agressives à l’école.

J’ai toujours demandé à chacun de mes adjoints de l’éducation d’être "un moussaâd tarbaoui" et non "un moussaâd dharbaoui" ! Mais que dire, lorsque le chef d’établissement prône haut et fort, l’utilisation du bâton au su et au vu de tout le monde ?! Un geste allant à contre-sens des textes en vigueur mais aussi réducteur…

L’élève pensera sûrement que cet adjoint ne peut gérer que par le bâton !

Il va sans dire que l’établissement est surchargé… mais ceci ne justifie aucunement cela !

L’enfant maltraité ou soumis à la bastonnade sera plus tard lui même… autoritariste !

– Hormis les formes de turbulence bien naturelle à tout environnement structuré, l’enfant face aux dangers réels de cette violence (verbale, physique et/ou sexuelle, racket) va préférer, pour ne pas impliquer ses parents, l’absentéisme !

Ses longues absences seront difficiles à expliquer…

– Parasitage de l’harmonie scolaire nécessaire au bon épanouissement de l’élève.

– Perte de confiance en cette institution chargée de transmettre le savoir et la connaissance et où l’enfant est sensé trouver compréhension et protection…

D/ Stratégies de prévention et d’intervention

– J’ai toujours favorisé le dialogue et la communication ! On apprend à l’élève à s’assumer et à se prendre en charge… avoir un portable n’est pas prohibé ! Ne pas savoir s’en servir est un problème !

Apprendre à l’élève à gérer son portable en classe (silencieux, vibreur).

– Si à chaque fois, l’enfant doit avoir l’avis d’un adulte pour agir alors en cas de défaillance de cet adulte, l’enfant va stagner et faire du sur place… on le met en situation et c’est à lui de trouver les moyens possibles et imaginables à son problème ! L’adulte n’intervient qu’en cas de blocage et si l’enfant le lui demande.

– Pourquoi cette politique qui impose toute chose ! A la force, on impose la ruse et la roublardise !

L’école fabriquera alors des crétins bien dociles…

– On doit organiser à l’intention du corps enseignant, la docimologie et la législation du travail.

– Aucun établissement scolaire ne doit fonctionner sans une association des parents d’élèves !

– Il est nécessaire de favoriser l’implication des enfants dans la bonne marche de l’établissement.
(Certains élèves ont su grâce à une petite séance de sensibilisation, reprendre confiance et se sont mis en tête, le nettoyage et l’embellissement de leurs salles de classes)

– Le projet a fait des émules…

– Se rapprocher de la communauté (Imam et associations communales) par l’intermédiaire des parents et de toute la collectivité du voisinage.

– Renforcer l’enseignement civique et religieux. Tenir compte de notre histoire et celle des autres.

– Instituer le poste permanent de psychologue.

– Solliciter l’APC pour le ramassage scolaire dans les zones rurales. Obligatoire, surtout pour les filles en hiver…

==> La formation des parents…

Réunir au moins mensuellement les APE, au sein de leur APC respectives !

APE (primaire), APE (moyen) et APE (secondaire).

Ce travail de formation, d’information et de communication est très important pour aller vers une plus grande coordination éducative efficace.

– Organiser au moins une fois, durant l’année scolaire, une journée portes ouvertes sur l’établissement !

Les parents pourront visiter l’école et trouver les réponses à leurs appréhensions.

Epilogue

Monsieur le ministre a suggéré le recrutement de 1000 agents de sécurité, dans le cadre de l’emploi de jeunes pour juguler la violence à l’école !

Je me permets monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois, de faire les remarques suivantes :

A) En parlant de l’emploi de jeunes, les recrutés seront donc forcément des "jeunes"!

1/ Pensez-vous que ces vigiles (comme en Bulgarie par exemple) soient à la hauteur pour une mission aussi risquée et aussi ardue ? Sans formation, sans expérience ?

2/ Pensez-vous, qu’avec un salaire de misère, ils seront assez motivés pour aller affronter des "parias" ?

3/ Quels seront les fonctions exactes de ces agents de sécurité ?

– Interviendront-ils à l’intérieur de l’école ? Si oui !

– Que feront alors les adjoints de l’éducation, dans ce cas là ? Et l’agent de sécurité de l’école, dans tout cela ?

– Si c’est non, de quel droit, ces agents de sécurité vont-ils en dehors de l’enceinte de l’école, suppléer à un travail de police ou de gendarmerie pour les zones rurales ?

Sur quelle base et avec quelle marge ?

4/ Seront-ils recrutés en tant que contractuels ?

– Dans ce cas précis, ils seront taillables et corvéables comme leurs prédécesseurs, avec cette épée de Damoclès sur la tête…ou, il se plie à toutes les exigences ou alors il plie bagage !

B) Vous dites, monsieur le ministre, je cite : " qu’une commission interministérielle regroupant votre département ainsi que ceux de la Solidarité, de l’Emploi et de la Sécurité sociale sera installée incessamment!"

a/ Pourquoi le ministère de l’intérieur (puisqu’il s’agit de sécurité donc d’agrément) ne serait-il pas associé à ce projet pour la prise en charge et la formation de ces jeunes qui devront à mon humble avis, dépendre de l’APC de leur affectation ! Et, c’est de là, qu’ils iront faire leur ronde dans leur circonscription…

b/ Pourquoi  mettre en marge les affaires religieuses qui pourront à travers un travail de proximité sensibiliser les parents dans un environnement qui leur est coutumièrement familier.

c/ L’apport des associations communales n’est pas à négliger.

Enfin, la question cruciale est de savoir s’il faudra opposer à cette violence juvénile, une violence légale !

Faut-il éduquer ou faut-il punir ? Punir l’élève ou ceux qui en ont la charge au moment des faits ?

L’élève en fin de compte n’est-il pas victime lui aussi des dérives sociales et de l’indifférence des adultes ?

Ne faut-il pas plutôt définir, toutes les causes de cette violence pour ensuite l’éradiquer à la racine ?

Certaines pratiques actuelles contribuent au maintien des conduites agressives à l’école.

– La prime de rendement, comme son nom l’indique n’a rien à voir avec le rendement !

Elle est calculée principalement sur le nombre d’absence du fonctionnaire !

Il y a des fonctionnaires qui ne s’absentent guère mais qui n’ont aucun rendement significatif…

Kamel Seddiki
Conseiller de l’éducation
2 mars 2009

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