Le 28 et 29 avril 2008, les responsables de partis politiques du Maghreb se retrouvaient à Tanger pour célébrer le cinquantenaire de la conférence tenue dans cette même ville en 1958. Cette réunion avait eu lieu en plein milieu de la guerre d’Algérie. Il était en autre question, d’aide de toutes sortes apportée au voisin, ami et frère algérien.

A ce propos, Le Monde du 3 mai 1958 titrait : « Le front du Maghreb ». Dans cet article, on pouvait y lire les lignes suivantes : « […] Ainsi l’unité maghrébine est en train de se faire, dans la guerre, et contre nous. Ce qui n’est encore aujourd’hui que recommandations prendra corps demain dans des institutions, politiques, syndicales, économiques, qui se voudront représentatives de 23 millions de musulmans» (in Le Monde, 3 mai 2008). Quel optimisme !

La commémoration de ce cinquantenaire fût cependant l’occasion d’une énième querelle  entre les officiels algériens et marocains. Ces derniers, en totale concordance avec la ligne officielle du Makhzen, accusaient le voisin algérien de soutenir le Polisario et l’indépendance du Sahara Occidental. Le ministre d’état marocain, Mohamed El Yazghi en appelait le président algérien à soutenir le projet marocain pour sortir le dossier du Sahara de l’impasse. Ce à quoi les officiels algériens par la voix de l’ex-Premier ministre, Abdelaziz Belkhadem répondait que son pays avait toujours défendu les causes justes et les mouvements de libération nationale et ne s’en tenait qu’aux résolutions des Nations-Unis et au droit des peuples à l’autodétermination…

Depuis 1994 et l’attentat de Marrakech contre des touristes étrangers, la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc est fermée. La tension entre les deux pays est depuis retombée et la réouverture de la frontière revient sur la table politique régulièrement à chaque printemps. Période où les algériens et marocains résidents en France et ailleurs en Europe préparent leurs départs annuels respectifs pour les vacances d’été. Un nombre important d’algériens souhaiterait traverser l’Espagne et le Maroc afin de se rendre en Algérie. Chose impossible aujourd’hui. Et beaucoup de marocains souhaitent revoir l’arrivée des algériens pour que leurs affaires reprennent. La fermeture de cette frontière a été un désastre économique pour la région orientale Oujda et Nador où beaucoup d’algériens aimaient s’y rendre. Aujourd’hui, les échanges commerciaux entre la Tunisie, le Maroc et l’Algérie sont ridiculement faibles. Moins de 5% du total de leurs activités économiques. En comparaison, les échanges franco-tunisien, sont de l’ordre de 60% !

A cette question économique s’ajoute le nombre incalculable de famille algéro-marocaine déchirées qui ne peuvent rendre visite à leurs proches. Cinquante ans plus tard, un algérien de Tlemcen, au nord-ouest de l’Algérie qui souhaite voir un proche de Oujda, doit se rendre à Alger, distante de 600 kilomètres, afin d’embarquer dans un vol pour Casablanca. Ce voyageur prendra ensuite un bus ou le train pour Oujda pendant plusieurs heures. En tout, un voyage qui durera 36 heures au moins. Pour une distance terrestre d’environ 160 kilomètres qui ne durerait en temps normal pas plus de trois heures, en comptant l’arrêt au poste frontière! Dans l‘éventualité d’un décès, il est impossible pour la famille d’assister aux obsèques, la religion musulmane requérant d’inhumer le corps le plus rapidement possible, la journée même si possible.

Le 17 février 2009, ces pays de la rive sud de la Méditerranée célébraient les 20 ans de l’Union du Maghreb Arabe (UMA). Une Union léthargique qui n’est rien d’autre qu’une coquille vide. Entre temps, les Européens ont pris les commandes du partenariat Euro-Méditerranée et indiquent les conditions de ces Accords de Barcelone signé en 1995. Et depuis le mois de juillet 2008, c’est aussi l’Union pour la Méditerranée, une initiative franco-européenne qui est mise en avant. Une Union que le président Sarkosy n’aura jamais manqué de défendre auprès de ces interlocuteurs à chacun de ses déplacements, que ce soit à Rabat, Alger ou Tunis.

Alors, qu’en est-il cinquante plus tard de ce front du Maghreb? Et qu’en est-il de l’UMA aujourd’hui ? En 2009, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie ont une population totale de 80 millions d’habitants. Et ces pays du Maghreb souffrent de nombreux déficits chroniques, politiques, syndicales et économiques. Citant les anciens du Maghreb, le grand professeur et opposant politique tunisien, Moncef Marzouki, écrivait il y a quelques années, que le Maghreb est un aigle dont le tronc est l’Algérie, les ailes le Maroc et la Tunisie. Sans le tronc, les ailes ne servent à rien. Sans les ailes, le tronc ne peut s’élever au ciel. Et quand l’Algérie s’enrhume, la Tunisie tousse et c’est tout le Maghreb qui a mal. Et 80 millions d’âmes fatiguées qui s’impatientent de voir leur quotidien s’améliorer un tant soit peu.

Kel Tamashek
Février 2009

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