Lettre à l’ambassadeur Idriss Jazaïry, chef de la mission d’Algérie à Genève.

C’est une bien mauvaise surprise que j’ai eu au lendemain du 1er novembre lorsque j’ai lu le rapport rendu par le comité des droits de l’homme de l’ONU.

Je constate tout d’abord, que contrairement aux déclarations de notre ministre des affaires étrangères, le rapport est non seulement très négatif pour l’Algérie mais qu’en plus il a été rendu le 2 novembre c’est à dire après ces déclarations. A-t-il été induit en erreur ou bien préjugeait-il des conclusions de comité ?

Comme vous n’avez certainement pas manqué de le relever, le chapitre B consacré aux aspects positifs est assez famélique.

Les sujets de préoccupation de l’honorable institution chargée de contrôler comment le gouvernement de mon pays respecte ses engagements internationaux, restent quant à eux très nombreux et me laissent perplexe.

Je constate avec amertume que derrière les expressions purement diplomatiques des experts, c’est bien de violations très graves qui continuent d’être commises par les services de sécurité algériens, surtout par le DRS et l’on peut dire dans l’ensemble que les constatations du Comité ne sont pas particulièrement… fameuses pour l’Algérie.

D’autant plus qu’aujourd’hui on parle de plus en plus à propos des disparitions forcées de crime contre l’humanité, ce qui est très grave, vu que ce genre de crimes est imprescriptible comme vous le savez.

Je pense, Monsieur l’ambassadeur, que vous ne devriez pas continuer à tenter de couvrir de tels crimes avec lesquels vous n’avez probablement rien à voir puisque vous n’aviez pratiquement jamais vécu en Algérie et encore moins durant la sombre décennie passée au pays.

Je pense d’ailleurs que les fonctionnaires encore honnêtes, il doit en rester, ou les membres des services de sécurité qui ne sont en rien responsables des crimes commis par leurs prédécesseurs devraient être les premiers à se désolidariser avec eux et dénoncer les crimes qu’ils ont commis, même si aujourd’hui, les principaux responsables sont à des postes de commande.

J’espère, M. l’ambassadeur que les recommandations de l’honorable Comité bénéficieront d’une large publicité et que le texte du rapport et des observations finales seront diffusés sur tout le territoire de notre pays comme il est recommandé.

Enfin, je ne peux que souhaiter ardemment, que lors de l’examen du prochain rapport périodique de notre pays, les citoyens algériens auront alors enfin, quelque fierté à se reconnaître comme tels.

Rachid Tilimsani
3 novembre 2007

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Observations finales du Comite des droits de l’homme sur la situation en Algerie

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Intervention de S.E. M. Idriss Jazaïry, Chef de la délégation Algérienne lors du troisième rapport périodique sur la mise en œuvre du Pacte International relatif aux droits civils et politiques devant Comité des Droits de l’Homme à sa 91 ème Session du 15 octobre au 02 novembre 2007

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Membres du Comité,

J’ai l’honneur de présenter au nom du gouvernement algérien le troisième rapport périodique consolidé sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques que mon pays a ratifié en 1989.

En s’acquittant scrupuleusement de cette obligation conventionnelle, prévue à l’article 40 du Pacte, l’Algérie entend témoigner, ainsi qu’elle l’a toujours fait, de son engagement et de sa détermination à poursuivre avec le comité des droits de l’homme le dialogue contradictoire et mutuellement bénéfique entretenu depuis la présentation, en 1992, de son rapport initial. Il vous souviendra que cette année là, et celles qui suivirent, furent marquées par l’émergence dans mon pays d’un terrorisme dévastateur, et qu’en dépit de ce contexte adverse l’Etat algérien, pourtant engagé dans un combat solitaire, avait tenu à honorer ses obligations conventionnelles librement contractées.

Je saisis cette opportunité pour réitérer la volonté de l’Etat algérien à continuer à œuvrer à la promotion et à la protection de l’ensemble des droits de l’homme, paramètres indispensables à l’organisation de toute société démocratique et qui concourent à l’édification de l’Etat de Droit.

L’Algérie est signataire de sept Traités universels de droits de l’homme.

Pour la plupart de ceux-ci, elle a reconnu la compétence de comités y afférents à recevoir, examiner et statuer sur les requêtes des particuliers. L’Algérie a poursuivi, depuis le dernier examen de la situation interne des droits de l’homme par le Comité, son œuvre de mise en conformité de sa législation nationale aux standards internationalement reconnus. Elle s’emploie à donner à cette législation la modernité et l’effectivité indispensables à la promotion du bien-être et de l’épanouissement des citoyens algériens. Ces derniers sont conscients aujourd’hui des droits rattachés à leur personne et sont donc naturellement enclins à en réclamer la pleine jouissance, en tant que de besoin.

La politique de promotion et de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, procède d’un choix politique irréversible de l’Etat algérien dans ce domaine important. Cette dynamique a été matérialisée notamment par l’incorporation de l’ensemble des Traités Internationaux dans la législation nationale.

En effet, outre les dispositions constitutionnelles pertinentes et l’adhésion de l’Algérie à l’ensemble des conventions régionales et internationales relatives aux droits de l’homme, l’essentiel des dispositifs internes de promotion, d’alerte et de surveillance du respect de ces normes internationales, a été mis en place.

Nous soumettons à votre appréciation ce rapport consolidé, qui Couvre la période 1999 – 2006. Le Gouvernement algérien s’est employé à mettre en relief dans ce rapport les progrès réalisés au cours de la période considérée. La délégation qui m’accompagne et moi-même vous entretiendrons, de manière plus approfondie de son contenu, dans le cadre du débat interactif que nous souhaitons ouvert et contradictoire.

Avant de vous livrer les idées-force des avancées algériennes dans le domaine des droits et libertés fondamentaux de l’homme, il est important de nous replacer, ne fusse que de façon rapide, dans le contexte historique qui a présidé à l’émergence de ces droits. Nous pourrons ainsi mieux mesurer et comprendre l’attachement de l’Algérie aux idéaux de liberté, de dignité, de justice et de progrès.

En effet, pour un pays comme le mien, l’évocation de la problématique des droits de l’homme fait ressurgir des vécus collectifs douloureux: d’abord celui de sa résistance à la domination coloniale et celui des sacrifices suprêmes qui ont alors été consentis pour "accession de notre peuple à la dignité et à la libre maîtrise de son destin.

C’est au nom de valeurs humanistes impérissables que l’Algérie a mené sa lutte d’émancipation et de libération nationale. C’est aussi au nom de ces mêmes valeurs qu’elle a, plus récemment, livré, et continue à le faire, un autre combat pour mettre en échec le terrorisme dont elle a souffert plus que quiconque.

A l’évidence, des durs combats ont été menés par l’Algérie contre des ordres basés sur de fallacieux alibis prétendument civilisationnels et rédempteurs. il convient d’avoir conscience du caractère précurseur des combats menés par mon pays dans ce contexte. De son apport aussi à l’engagement collectif de défense et de promotion des droits de l’homme, appréhendés dans leur interdépendance et leur indivisibilité.

Monsieur le Président

Mesdames et Messieurs les Membres du Comité,

L’Algérie adhère sans réserve aux normes universellement reconnues dans le domaine des droits de l’homme. Sa détermination à asseoir une démocratie authentiquer ne pouvait donc s’accommoder des velléités d’imposition de doctrines étrangères à’ nos convictions séculaires et incompatibles avec les droits de l’homme et les valeurs démocratiques.

C’est là tout le sens de la résistance et de la lutte de l’Etat algérien à l’extrémisme religieux et à la violence prédatrice qui l’a toujours caractérisé. Car l’extrémisme s’est attaqué à l’ensemble des normes et valeurs rattachées à la personne humaine, à commencer par le plus sacré d’entre elles, ie droit à la vie.

Durant cette période, qui s’est étalée sur plus d’une décennie, mon pays a eu à mener son combat seul, dans l’incompréhension des uns voire dans la suspicion des autres. Un combat mené pour lui même d’abord, mais aussi pour le compte de toute la communauté internationale dans le but d’avoir raison de ce fléau des temps modernes qu’est le terrorisme.

La justesse de ce combat mené par l’Algérie, tout comme la détermination qui l’a animée, ont révélé par la suite leur bien-fondé à travers les douloureux évènements survenus en d’autres parties du monde.

Ce sont, en effet, et fort malheureusement, les attentats tragiques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis d’Amérique, puis ceux perpétrés dans d’autres pays qui ont fini par pousser la communauté internationale à réagir. A prendre, aussi enfin la juste mesure de cette menace contre la paix et la sécurité internationales et à s’engager par un effort, cette fois collectif et concerté pour lutter contre ce phénomène.

Monsieur le Président

Mesdames et Messieurs les Membres du Comité,

Le rapport à l’examen traite de la période 1999/2006. Dès 1999, mon pays s’est engagé, dans la voie du retour définitif de la paix, de la stabilité et de la promotion du développement, soutenu par un ambitieux programme de soutien à la croissance économique.

Aspiration profonde de la société algérienne, ce retour à la stabilité s’est concrétisé au moyen d’une politique toute aussi lucide qu’ambitieuse du Président de la République, S.E. Monsieur Abdelaziz BOUTEFLIKA.

Cette initiative majeure pour l’arrêt de la violence et le rétablissement de la concorde et de la réconciliation nationale, menée dans le cadre du respect de la Constitution et des lois de la République, avait, au demeurant, constitué l’un des engagements fondamentaux sur la base desquels le Président de la République avait été élu le 15 avril 1999.

Porteuses des valeurs séculaires de clémence et de tolérance qui fondent, entre autres, la personnalité algérienne, ces initiatives massivement adoptées par voie référendaire par le peuple algérien, ont exprimé sa mansuétude à l’égard de ceux qui ont été abusés mais dont l’égarement n’a pas été jalonné d’actes sanglants.

Par contre, ceux qui se sont livrés aux exactions de sinistre mémoire, ont été poursuivis et jugés sur la base des principes de l’Etat de droit.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Membres du Comité,

Cette politique de réconciliation nationale a été porteuse de résultats probants. Elle a été confortée par nombre de réformes, dont celles de l’Etat, de l’éducation et de la justice.
Ainsi, citerai-je à titre illustratif, la mise à jour du dispositif législatif qui a notamment concerné le code de la famille, consacrant une évolution qualitative de la condition de la femme, le code de la nationalité ainsi que la protection de l’enfance.

Par ailleurs, et tout en observant depuis septembre 1993, un oratoire sur la peine capitale, l’Algérie a aboli à la faveur d’une révision législative, la peine de mort pour certains crimes et entend approfondir, à terme ces évolutions substantielles.

A l’effet de renforcer l’indépendance de la justice, deux lois organiques ont été promulguées : l’une portant statut de la magistrature et, l’autre relative au Conseil supérieur de la Magistrature.

L’administration d’une justice de proximité a, dans cette même perspective, conduit à une densification de la carte judicaire pour rapprocher le justiciable des juridictions. Cette évolution a été accompagnée d’une simplification des procédures ainsi que d’un renforcement des modes d’exécution des décisions.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Membres du Comité,

Pour assurer un suivi et une évaluation des accomplissements en matière de droits de l’homme, l’Algérie, à l’instar de nombreux autres pays, s’est dotée d’une institution nation aie des droits de l’homme.

La Commission nationale consultative pour la Promotion et la Protection des Droits de l’Homme, est un organe de 44 membres dont 16 femmes, qui regroupe majoritairement des représentants de la société civile. Cet organe a été créé le 25 mars 2001. Il poursuit, en toute indépendance et avec succès, ses missions au service des droits de l’homme.

Par ailleurs, la question de la réappropriation de l’identité algérienne a connu, le 10 avril 2002, un progrès notable. Convaincu de la nécessité de donner à la dimension amazighe sa place naturelle dans la société algérienne, le Président de la République a en effet pris l’initiative d’une révision constitutionnelle érigeant la langue amazighe en langue nationale. Un Conseil Supérieur de l’amazighité a, par ailleurs, été créé.

Poursuivant son entreprise d’approfondissement de la culture des droits de l’homme, l’Algérie est devenue partie, en mars 2003, à la Convention internationale sur les droits politiques de la femme et, en janvier 2005, à la Convention internationale sur les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

Monsieur le Président

Madame, Messieurs les Membres du Comité,

L’Algérie est consciente du fait que la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales incombent au premier chef aux Etats, ainsi que le stipule la Déclaration de Vienne. Mon pays s’est donc attaché à conférer une part prépondérante à la composante des libertés fondamentales dans son entreprise d’édification d’un Etat moderne fondé sur le droit et s’inscrivant dans une vision humaniste de l’organisation de la société. Nous nous attelons à la tâche, animés à la fois d’ambition et d’humilité. D’ambition d’abord car nous voulons faire de notre pays un pôle de rayonnement des libertés dans notre région. D’humilité aussi car nous sommes conscients du fait que pour y parvenir, pour surmonter nos carences et nos faiblesses, un cheminement long et laborieux nous attend. Mais nous sommes déterminés à nous y engager.

Dans cette perspective, l’Algérie entend poursuivre son dialogue et sa coopération avec les mécanismes onusiens comptent en toute transparence et dans la sérénité.

C’est dans cet esprit que la délégation algérienne se met à la disposition des membres du comité pour répondre à leurs questions, les éclairer davantage sur la situation des droits de l’homme dans mon pays et s’inspirer de ses recommandations.

Je vous remercie.

 

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