Désormais, pour les nations et pour les peuples, une goutte de pétrole a la valeur d’une goutte de sang.
Introduction
L’énergie est le fondement principal de l’économie mondiale, elle rentre anthropologiquement dans la dialectique que l’homme avait établie avec la nature. L’idée du progrès, du développement durable, de la création du confort autour du soi est confirmée par l’exploitation au maximum des biens que la nature avait mise au service de l’homme. Elle permet la mise en œuvre de ses capacités et facultés intellectuelles pour changer les conditions sociales et tirer au clair son propre existence. Trois questions ont été posées au cours de l’évolution de l’économie moderne, elles rentrent dans le sillage des découvertes des nouvelles formes d’énergies. Mais, ce qui nous intéresse dans cette contribution est de savoir le positionnement stratégique de l’Algérie dans ce monde. Qu’a-t-elle fait pour garantir sa sécurité énergétique et par conséquent assurer une stabilité économique et sociale, sachant qu’elle est complètement dépendante de cette matière première ? La sécurité énergétique de l’Algérie dépendra-t- elle de son intégration dans la mutation énergétique mondiale?
1- Grandes questions d’énergie
La première question fut lors de la découverte du pétrole par le colonel Edwin Drake en 1859 au Pennsylvanie – une petite conglomération au nord des Etats-Unis située à la frontière du Canada-. Le leadership mondial allait basculer de l’Angleterre, la règne des mers, ayant représenté à l’époque 40% PIB mondial, vers les Etats-Unis. Comme l’avait exprimée l’économiste J. Adda, le développement économique et social est passé des provinces unies, aux Royaume Unies, aux Etats-Unis [1]. La principale interrogation tournait autour du passage du charbon, matière énergétique par excellence de l’empire britannique, au pétrole. Celui-ci n’a dépassé le charbon en matière de production qu’en 1967. Les Etats-Unis sont nés avec le pétrole, en 1860 John D. Rockefeller s’est lancé dans l’exploitation de cette matière première par la création de sa firme, la Standard Oil, l’une des premières ancêtres de ce qu’on appelé communément les sept sœurs [2]. Les automobiles sont au nombre de 619 000 en 1911, de millions en 1914 et de 18 millions en 1942, dont 16 millions aux Etats-Unis [3]. La question s’est posée sur l’organisation en sociétés explicatrices de pétrole, régies par une concurrence en matière d’exploration, production, fixation des prix et commercialisation. La Standard Oil s’est scindée en 1911 en sept sociétés indépendantes les unes aux autres : la Standard Oil of New Jersy, la plus importante, est restée directement contrôlée par Rockefeller, la Standard Oil of New York deviendra Mobil, la Standard Oil of California, Chevron, et la Standard Oil Indiana, Conoco. La concurrence fut en réalité rude entre les entreprises américaines et britanniques. « Tous les champs pétrolifères connus, probables ou possibles, hors du territoire des Etats-Unis sont, soit sous propriété britannique, soit sous l’administration ou le contrôle britanniques, soit financés par les capitaux britanniques. Le monde est barricadé contre une attaque des intérêts américains » [4]. Dès 1920, Shell possède des filiales aux Etats-Unis, au Mexique, au Venezuela, aux Indes néerlandaises (Indonésie), en Roumanie, en Egypte, en Malaisie, en Thaïlande et dans le nord et le sud de la Chine. L’issue de la première mondiale, permet une formidable redistribution des cartes. Avant la guerre, un consortium, la Turkich Petroleum Company, qui n’a de turc que le nom, possédait les gisements irakiens. Ils regroupaient l’Anglo-iranien Company (future BP) à hauteur de 50%, la Royal Dutsch Shell pour 25% et la Deutsch Banque, dont les 25% furent mis sous séquestres des les premiers jours de la guerre. Les équipes de prospection envoyées par la Standard Oil et Mobil se voient refuser l’accès au territoire irakien par les autorités britanniques, tandis que la Shell est écartée des enchères sur les concessions de terrain pétrolifère fédéral au Etats-Unis [5]. Toute la politique étrangères américaines tourne autour de bras de fer entre la Standard Oil of New Jersey et Shell et de nombreux d’experts et commentateurs réputés prophétisent à brève échéance une guerre en matière d’exploitation du pétrole entre la grande Bretagne et les Etats-Unis. Elle n’a pas lieu, en partie parce qu’un compromis finit par être trouver sur la répartition de l’Irak Petroleum, qui remplace la Turkich Petroleum. L’anglo-iranienne(BP), Shell et la CPP (Total) détienne chacune 23,7%, Standard Oil (Exxon) et Mobil Chacune 11,87%, les 5% restant étant dévolu au plus grand intermédiaire de toute l’histoire pétrolière [6].
Si la première question concernant l’énergie fut celle de l’exploitation au maximum de cette matière stratégique accompagnée d’une guerre larvée que livraient les sociétés pétrolières entre elles, la deuxième question s’est focalisée quant à elle, sur la diversification des sources énergétiques. Les grandes firmes pétrolières détenant environ 80% de la production mondiale ont livrée une sorte de chantage aux Etats, notamment aux Etats-Unis. Le personnel politique étroitement lié aux entreprises productrices du pétrole a cédé même en matière de fiscalité [7]. Si l’Etat a une politique de pétrole, déclaré Edgar Faure, « les maitres du pétrole auront une politique dans l’Etat, et font écho au propos de l’industriel c’est à ceux qu’ils le possèdent de gouverner le pays. » [8]. L’économie avait besoin de trouver d’autres formes d’énergie. Et puisque le pétrole élément clé de l’économie mondiale se trouve en dehors des territoires des multinationales, la voie est ouverte pour diversifier les sources d’énergies et garantir au monde une sécurité énergétique. Le choix est tombé sur le nucléaire, et plusieurs Etats, dont la France devenant un pays nucléaire par excellence se sont lancés dans la recherche sur l’énergie atomique. Il fallait attendre l’année 1986, l’accident de Tchernobyl pour changer encore de stratégie : le nucellaire parait dangereux, couteux, sale, et peu rentable économiquement. Or, excepté les pays nucellaires régit par l’accord du TNP en 1967, l’intérêt pour le nucellaire civile reprend. Le démantèlement de l’Union soviétique en 1991 a provoqué le dépérissement puis le rapatriement des installations nucléaires, de même, lors du départ d’Allemagne des divisions russes en 1994, 84 tonnes de munitions avait ainsi disparu des arsenaux implanté en ex-RDA [9]. Durant les années 2000, la technologie nucléaire est devenue un secret de polichinelle, tous les pays peuvent en avoir, ceux qui fond le giron des Etats-Unis par le biais de l’OTAN ou par leur complaisance économique comme la Corée du sud ou le japon, ou même ceux qui faisaient jadis les démocraties populaires regroupées par le traité de Varsovie, ils rentrent eux aussi dans la catégorie des ayants droit à la technologie nucléaire [10].
Une troisième question a eu lieu suite à l’accident de Fukushima. Ce mot est appelé à marquer une cassure dans l’histoire. Il n’évoque plus désormais qu’une catastrophe ; celle de la centrale nucléaire accidentée à la suite du séisme et du tsunami qui a fait prés de 20 000 morts. Comme Hiroshima et Nagasaki, associées à jamais au bombardement atomique d’août 1945, Fukushima sera un de ses noms sinistres mémoire qui hante l’histoire du Japon. La sortie du nucléaire refait surface et plusieurs pays mis sous la pression des associations écologiques discutent la possibilité d’abandonner leurs recherches et investissements en cette matière première. Selon l’AIER [11], le mot d’ordre est lancé pour trouver une nouvelle forme d’énergie, tous les efforts sont orientés vers les énergies renouvelables. Caractérisées part quartes vertus vivement recherchées par les multinationales spécialistes en la matière : propreté, disponibilité, rentabilité, sécurité. 642 M$ ont été affecté dont plus de 44% à l’énergie solaire. Mais où se trouve l’Algérie dans toute cette mutation ?
2- Une preuve histoire d’hydrocarbure
L’histoire des hydrocarbures a véritablement commencé depuis les travaux d’exploration de la société SN Repal, créée en 1946. La compagnie française des pétroles Algérie (CPEA), la compagnie des recherches et d’exploitation pétrolières au Sahara (CREPS) et la compagnie des pétroles Algérie (CPA) ont été aussi des entreprises pétrolières françaises spécialisées en la matière, leur nombres avait atteint environ treize entreprises avant la nationalisation des hydrocarbures en février 1971. Le pétrole algérien, outil redoutable du pouvoir, a fait de la Sonatrcah Etat dans l’Etat et a consolidé avec le temps une classe politique, parfois complaisante avec les sociétés pétrolières, les multinationales françaises au départ et les américaines par la suite. La société française SN Répal a découvert le plus grand gisement de pétrole en 1956 à Hassi Massoud. La société américaine Anadarko a découvert le deuxième, celui de Hassi Berkine durant ses recherches et explorations entre 1990 et 1994.
Avant l’indépendance, la découverte du pétrole a représenté une rude épreuve pour les négociateurs d’Evian, c’était les compagnies françaises qui ont découvert le pétrole. Depuis, le Sahara algérien alimentait la quasi-totalité des besoins français. Tés hâtivement les autorités françaises compétentes ont pris conscience de l’importance de cette matière stratégique ; ils ont précipité déjà en 1957, la création de l’organisation commune des régions sahariennes (OCES), puis en 1958 ont finalisé la conception du code pétrolier saharien qui -stipulait à travers l’ordonnance 58- 1112 de novembre 1958-, la séparation du Sahara du reste de l’Algérie [12]. À vrai dire, la mainmise française jusqu’à l’indépendance en 1962 a mis tout le pétrole algérien sous truelle. Mais, des forces communes commençait leur émersion : on trouve d’un côté les français qui ont compris, surtout sous la direction du général de Gaule, que leur présence en Algérie a sonné le glas ; ils ne pouvaient assumer ni politiquement ni financièrement la situation. Ils ont préféré se résoudre en dernier sort aux exigences du FLN, ils ont accepté l’indépendance de l’Algérie sous condition qu’elle coopère. Les algériens de leur côté, ont compris aussi, faute de moyen techniques et humains, qu’ils ne pouvaient pas non plus s’en passer du savoir faire français pour exploiter cette matière première stratégique. Nous avons assisté donc à la création de l’OS (l’organisme saharien) mettant sous contrôle le pétrole d’Algérie. Cet organisme n’a constitué qu’une étape intermédiaire de courte durée pour entamer le périple des négociations incommensurables ayant abouti en définitive à la prise en main des algériens de la richesse pétrolière que possède leur pays. Mais, faute de compétences et de moyens appropriés, les algériens ne pouvaient pas procéder à l’exploitation ou la transportation des hydrocarbures. Ils ont recouru à une stratégie qui consiste à dresser les compagnies pétrolières étrangères les unes contre les autres (comme nous allons voire pendant la vague de nationalisation au début des années 70) ; les cadres algériens ont rendu, dans un premiers temps, le marché algérien concurrentiel pour contracter avec le plus offrant. Après avoir créé durant la nationalisation tout juste après l’indépendance, la première compagnie pétrolière algérienne, Sonatrach (Société Nationale de Transport et de Commercialisation des Hydrocarbures), ils se sont lancés dans une coopération internationale imposée par la conjoncture, souvent en faveur des compagnies pétrolières. C’était la société britannique d’engineering Constrictors John Brown qui avait procédé à la réalisation du troisième pipe-line d’Arzew opérationnel depuis 1966. Le 29 juillet 1965, nous avons assisté à l’accord franco-algérien sur l’exploitation du pétrole et du Gaz ; ce dernier a consisté à créer par les deux Etats une Association coopérative (Asoop) destinée à la recherche et l’exploitation commune des hydrocarbures en Algérie. Les closes du contrat précisent l’octroi des zones ou des surfaces destinées à l’exploitation appelées « surface coopérative » ; ils faisaient une superficie de 180 000 k. Ce principe, dit fifty-fifty, mis en pratique au niveau du partenariat pétrolier franco-algérien donne plus davantage aux firmes françaises qui exploitent le pétrole en Algérie. Ayant été majoritaire sur les gisements exploités, ses entreprises ont eu une marge de manœuvre sur la quantité du pétrole produit, son prix et sa fiscalité. D’ailleurs, production, prix et fiscalité furent la pyramide des exigences de l’OPEP. À Alger, Téhéran ou Caracas, les dirigent des pays producteur furent unanimes sur la question de récupération de leurs richesses pétrolières. Les prémisses de la nationalisation ont commencé depuis la moitié des années 60, notamment suite l’accord gazier de 1967. Les équipes commerciales de la Sonatrach se lancèrent dans la recherche d’acheteurs potentiels, ils regardaient surtout vers l’Europe, mais le résultat s’est concrétisé du côté américains. Le lobby algérien au Etats-Unis avec Massoud Zéghar, M’hamed Yzid, Abdelkader Chanderli, Chrif Guellal ex- ambassadeur de l’Algérie aux Etats Unis, s’est rapproché du milieu pétrolier américain : George Schulz, secrétaire au Trésor puis secrétaire d’Etat, Caspar Weinberger, secrétaire à la défende, John Sheehan, commandant suprême de l’OTAN, Keneth Davis secrétaire adjoint à l’énergie, etc. Ces réseaux ont facilité la rentrée des firmes pétrolières américaines en Algérie et ont donné lieu à une coopération mutuelle concrétisée par le contrat Sonatrach/El Paso Natural Gaz de 1969. Les firmes américaines, de plus en plus nombreuses, invertissent avec le temps d’autres secteurs de l’économie algérienne. Qu’il s’agisse de fabrication de matériel téléphonique, de créer un institut de formation des ingénieurs et de technicien, etc. [13]
Le processus de nationalisation a commencé après l’adhésion de l’Algérie à l’OPEP en 1969 ; cette organisation recommanda aux ministres réunis à Alger en juin 1970, lors de sa 20eme conférence, d’adopter comme modèle les relations pays producteurs/ compagnies pétrolières. En ce qui concerne l’Algérie, ces recommandations ont été mises en pratiques lors du contrat conclut avec la société américaine Gettey Pétrolum. L’OPEP avait prit démesurément une ligne de conduite précise représentant en pointillé la lame de fond de sa stratégie en matière de négociation avec les compagnies pétrolières mondiales. Fronts et regroupements ont vu le jour, appelés « front de refus », telle la rencontre tripartite Algérie/ Lybie/ Irak, destinée à harmoniser la politique des trois pays pour nationaliser leur richesses énergétiques. Le tournant décisif dans la définition de ces relations intervient lors de la réunion du conseil des ministres des pays de l’OPEP à Caracas, en décembre 1970. En cette occasion fut adopté « la résolution 120 », probablement la plus importante de toute l’histoire de l’organisation. Cette résolution recommandait de porter le taux d’imposition des bénéfices des sociétés pétrolières étrangères à 55% au minimum, tout comme elle approuvait et soutenait par avance tout gouvernement qui relaverait ce taux sans négociation préalable (le Venezuela, pays hôte de la conférence, donna l’exemple en passant aussitôt à 60%). Elle demandait aussi aux Etats membres de rechercher une augmentation générale des prix postés de les uniformiser en s’alignant sur les prix les plus élevés [14]. C’est sur cet arrière base que les algériens ont entamés leurs négociations avec les français. La demande la plus importante portait cependant sur le contrôle des opérations d’exploitation des champs de pétrole : les algériens exigeaient de mettre fin au système de fifty fifty toujours en vigueur au sein de la Scoop et la SN Répal, ainsi qu’à celui des concessions instaurées durant la période coloniale puis reconduites par les accords d’Evian et d’Alger de juillet 1965. Partant de ce postulat, ils proposaient deux variantes : la première était de racheter les filiales des compagnies françaises ou leur actif en Algérie, la seconde consistant à reconduire les partenariats déjà existants, mais avec une participation algérienne majoritaire de 51% au moins. Treize sociétés étaient concernées par ces mesures dans le secteur de production [15].
La nationalisation des hydrocarbures était presque accomplie durant l’époque Boumediene, l’autre armada le succédant, notamment sous la direction de Belkacem Nabi, avait tenté de créer des réseaux internationaux, notamment avec les français. Cela fut concrétisé lors de la signature de l’accord gazier de 1982. La France a accepté d’acheter le gaz algérien à un prix avantageux, 30% plus chère que le marché. Ce contrat avait pour but de bousculer la présence américaine en Algérie en remettant en cause le contrat Sonatrach/El Paso Natural Gaz de 1969 signé avec les américains. Mais en vain, l’ouverture du secteur pétrolier suite à la crise de cessation de paiement en 1986, a fait renter les américains par la grande porte. L’économie algérienne, fortement liée aux hydrocarbures, se retrouvait dans une tourmente incommensurable, elle ne pouvait pas sortir du dilemme financier que par davantage d’ouverture sur le monde extérieur. Les prix moyens des bruts, qui était encore de 28 dollars le baril en 1985, a chuté à 12 dollars en mars-avril 1986, avant d’atteindre 10 dollars en juillet. Ce n’est qu’à partir de 1990 que les prix ont repassé la barre des 20 dollars. Cette situation morose n’a pas laissée l’OPEP indifférent ; dans la foulée, une conférence fut organisée. Le 1er mai 1986 les pays producteurs de pétrole invitent même des pays tiers -Angola, Chine, Colombie, Egypte, Malaisie, Mexique, Oman-, dans le but de trouver une solution commune, susceptible de renverser la donne. C’est dans ce contexte qu’intervient la première réforme allant dans le sens de l’ouverture du secteur pétrolier après sa nationalisation. Le gouvernement algérien décida de modifier certaines dispositions de la loi phare de février 1971, celle de la nationalisation des hydrocarbures. Dans l’objectif de rendre le marché algérien plus attractif et attiser les convoitises des compagnies pétrolières internationales, une réforme fut adoptée le 19 août 1986. Mais, malgré cette réforme, il était décidé que toute entreprise désireuse de participer à la recherche d’hydrocarbures en Algérie n’en pouvait le faire qu’en partenariat avec la Sonatrach et, sans déroger à la règle 51 /49. Si l’on regarde, du côté de l’ouverture de cette loi, l’associé étranger aurait désormais la possibilité de devenir opérateur sur les gisements découverts ; une possibilité qui lui permet de commercialiser sa production. La deuxième modification, aussi importante, introduite par cette loi, portait sur le volet juridique. Le principe fifty-fifty instauré par l’accord pétrolier de 1965, longuement combattu par les promoteurs du processus de la nationalisation en 1971, est de retour. Le partenariat de Sonatrach avec une entreprise pétrolière étrangère se ferait désormais selon la formule dite « de partage de la production », ou comme les Anglo-Saxons appellent : « production sharing agreement ».
La deuxième grande loi allant vers l’ouverture du champ pétrolier au partenaire étranger fut l’œuvre de Sid Ahmed Gozali en 1991, ministre à l’époque ; elle a eu pour cause la situation de cession de payement à laquelle est arrivée l’Algérie. « Si, pour sortir notre pays des fourche Candines du FMI, déclare le ministre des énergies et des mines de l’époque, il faut vendre le quart de Hassi Massoud je suis prêt à cela. » [16]. Ce changement d’orientation, fondamental par rapport aux lois d’avril 1971, fut adopté comme loi à l’Assemblée nationale, le 4 décembre 1991. Il procéda de fait à une révision presque générale de la loi d’août 1986 pour aller vers plus d’ouverture, s’assouplir juridiquement et rendre le partenariat de la compagnie nationale avec les entreprises étrangères plus large tout en permettant à celles-ci d’être majoritaires sur les gisements découvert. Cette loi a permis la rentrée en force des entreprises américaines. Parmi elles, se trouvait Anadarko, une petite société américaine basée au Texas, connue par les découvertes qu’elle enregistra en 1990 et 1994. C’était une filiale de Panhandle Oil and Gaz, une autre compagnie texane qui avait été dans les 1970 cliente de la Sonatrach [17]. En association avec une compagnie britannique (Lasmo) et une autre danoise (Maersk), Anadarko réalésera en un temps record -moins de deux ans- les deux découvertes les plus importantes de l’Algérie depuis celle de Hassi Massoud 1956, celle du gisement géant de Hassi Berkine.
L’arrivée de Bouteflika et Chakib Khalil ministre des énergies et des mines d’une part, l’équipe de Gorges Buch, notamment Dick Chenny, ancien P-DG de Haliburton (la plus grande entreprise d’engineering et de construction au monde), la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice, précédemment membre du conseil d’administration d’Union Oil of California de l’autre, a signalé une percée américaine en Algérie sans précédent. Comme nous avons assisté au plus grand scandale de la corruption jamais connu en Algérie (affaire BRC). Mais, le comble fut atteint par la tentative de Chakib Khalil de préparer une loi en 2005 sur les hydrocarbures octroyant aux entreprises étrangères plus de 70% aux niveaux de leur partenariat avec la Sonatrach, loin des 51% qui ont été décidé lors de la nationalisation sous Boumediene et Abdeslam. Cette loi qui fut votée, n’était retirée que grâce l’intervention d’Hugo Chavez qui s’est déplacé en Algérie spécialement pour convaincre les autorités algérienne de la remettre en cause. Cette loi allait quasiment disloquer l’organisation de l’OPEP, même l’Arabie saoudite, détenant les plus grands gisements du monde, n’a pas voté une loi pareille. L’initiative Chakib Khalil, acquis aux thèses américaines, fut hors du commun, hostile même à l’esprit de liberté ancrée chez les algériens. Heureusement, cette loi fut retirée un an après sa promulgation. Le cas » Khalil » montre le point culminant à la quelle est arrivée la corruption du secteur énergétique, il montre à biens des égards que le dysfonctionnement de la gestion ne peut seulement entrainer la chute de la Sonatrach, mais l’édifice Algérie tout entier. L’annulation du mandat d’arrêt international, lancé par la justice algérienne le 12 août 2013, contre l’ancien ministre de l’Énergie, Chekib Khelil, confirme l’idée que se font les Algériens de leur justice, c’est-à-dire une institution qui banalise dans l’imaginaire de l’algérien l’acte de corrompre [18]. Voilà où sont arrivées « les effets pervers de la rente » si on reprend l’expression de Luis Martinez.
3 – Le défi de la sécurité énergétique
Outre les effets pervers de la rente pétrolière sur l’économie dans son ensemble et même sur la culture algérienne en matière de dépendance vis-à-vis de cette matière première, se pose la question de remédier aux dysfonctionnements de la gestion de la Sonatrach notamment sur le plan extérieur. La coopération algéro-russe en matière d’exploitation et de commercialisation du gaz semble profiter au géant du gaz mondial Gazprom. Cette firme internationale s’est lancée dans une stratégie d’approvisionnement de l’Europe en gaz russe ; elle concurrence redoutablement la Sonatrch. À travers le projet North Stream, Gazprom s’est lancé le 11 décembre 2011 dans l’approvisionnement de l’Allemagne en gaz avec une capacité de 27,5 milliard de mettre cube ; le montant global du projet avoisine les 13 milliards de dollars. Quant au second projet appelé South Stream, conçurent direct de l’Algérie doit alimenter l’Europe de l’Est, notamment la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie la Grèce et l’Italie via la mer noire et les balcons. D’une capacité de 63 milliard de mette cube, le tronçon sous-marin doit rentrer en service en 2015, le coût approximatif du projet étant évalué à 15,5 milliard d’euros. L’ensemble de ces projets remis en cause l’ensemble du projet algéro-italien Glasi, dont le coût ramené aux capacités et à l’investissement serait supérieur à South Stream de prêt de 15% et pose le problème de sa rentabilité. Ce projet devait relier directement l’Algérie à l’Italie via la Sardaigne avec une capacité de 8 milliards de mette cube pour un investissement de 3 milliard de dollars alors que la mise en service était pour 2014 [19]. Sur un autre axe, le recours massif des Etats-Unis et de la Chine aux investissements dans d’autres formes d’énergie risque de porter préjudice à la production de la Sonatrach. L’AIE avait prévu que la production d’électricité issue des énergies renouvelables va passer à 30% d’ici 2030 au lieu des 19% actuellement [20]. Les Etats-Unis projettent de devenir un pays exportateur en matière de Gaz, ce qui va affecter les 25-30% des recettes de la Sonatrach provenant de ce pays et qui font le montant de 18 à 20 milliards de dollars. Le problème se pose également en matière de pétrole car son exportation au Etats-Unis entame une phase décroissante, après avoir représenté 443000 barils jours en 2007, il n’a fait que 120000 barils jours en 2012 ; la révolution du gaz du schiste aux Etats-Unis a amené les dirigeants de la Sonatrch à diminuer le prix du Sahara Brent de 85 cents pour pouvoir le ventre [21].
Autre contrainte pour Sonatrach, le projet Medgaz via l’Espagne. La société algérienne est le principal actionnaire avec 26% des parts de marché, d’une capacité de 8 milliard de mettre cube, les deux partenaires de la Sonatrach Endesa et Iberdrola étaient en négociation pour leur retrait du capital de Medgaz [22]. Aussi le projet NIGAL (gazoduc reliant la région de Nigeria à l’Algérie et l’Europe). Ce gazoduc s’étend sur 2500 km sur le territoire algérien, 700 sur le territoire du Niger, 1300 km sur le territoire nigérian, il est prévu pour transporter de 20 à 30 milliards de mettre cube en majorité vers le marché européen pour un mentant de 7 milliards au départ, il pourrait arriver jusqu’à 20 milliards selon l’IFRI [23]. Or, ce projet fiancé en partie par l’Europe avec la crise d’endettement est-il réalisable ?
Face à ces contraintes, la ligne de conduite du gouvernement Algérien se décrypte à travers les mesures prises par les autorités chargées de gérer le secteur des hydrocarbures. Sachant que l’Algérie apparait dépendante excessivement de cette matière première ; 96% d’électricité est produite à partir du gaz et 98 % de son revenu global des hydrocarbures, il est impératif de trouver des parades pour remédier à la question de dépendance et ne pas rater le virage de la transition énergétique en cours. La première mesure prise par les autorités en question est l’organisation de la consommation qui implique dans son sillage l’organisation des prix, l’Algérie ne profite pas de manière rational de sa richesse. La consommation domestique représente 60% contre 30% en Europe et la part de l’énergie dans l’industrie représente 10% en Algérie contre 45% en Europe. La consommation anarchique, démultiplication du Park automobile a amené la Sonatrch à importer plus de 2,3 millions de tonnes de pétrole en 2011, en hausse de 78% par rapport à 2010 [24].
L’Algérie a décédé d’investir massivement pour une nouvelle découverte considérée comme autre mesure prise pour garantir sa sécurité énergétique. Elle sera le troisième investisseur dans la région du (MENA) au cours des cinq prochaines années avec un montant de 71 Milliard de dépenses prévus (après l’Arabie Saoudite 165m$ et les Emirat Arabie Unies 107). Les autorités envisagent de développer la pétrochimie, notamment la rénovation du complexe de Skikda pour un investissement de 15 m$. Elles envisagent développer également le raffinage qui accuse un retard flagrant, les six nouvelles raffineries retenues dans le plan d’action du gouvernement vont faire doubler les capacités de raffinage du pays et couvriront ses besoins de carburants d’ici 2040. Pour le GNL, la Sonatrach va mettre à niveaux, environ fin 2013, les deux unités d’Arzew et Skikda d’une capacité de 4,5 millions de tonnes/ans chacune, pour arriver à produire une capacité de gaz naturel liquéfié dépassant les 35 milliards de m3 par ans dés la mise en service de ces deux projets. La troisième mesure avait pour objet de s’ouvrir sur les énergies renouvelables. L’Algérie a réceptionné en mi-juillet 2011 la centrale électrique hybride à Hassi R’mel d’une capacité globale de 150w, dont 30 mw provenant de la combinaison du gaz et du solaire. Cette expérience combine 20% de gaz conventionnel et 80% de solaire [25]. Le programme algérien consistait au départ à installer une puissance d’origine renouvelable de prés de 22000 mw entre 2011 et 2030, dont 12000 mw à l’exportation. D’ici 2030, environ 40% de la production d’électricité destiné à la consommation nationale sera d’origine renouvelable. Le montant de l’investissement, s’élevRa selon les autorités compétentes à 100 M$. Enfin, la quatrième mesure concerne la construction d’une première centrale nucléaire en 2025. L’Algérie possède environ 2900 tonnes d’uranium, une quantité qui fera tourner deux centrales nucléaires durant 60 ans. Le gaz de schiste fait lui aussi la hantise des algériens qui hésitent à se lancer dans l’expérience, les conséquences écologiques, voire économiques sont plus important que les revenus, son investissement apparait jusqu’à lors pas rentable. L’Algérie pays rude, sous climat sec, se trouve entre le choix de sacrifier l’eau ou le gaz. Le gaz de schiste même s’il se trouve avec des quantités conséquentes, il exige une technologie de point. Outre la pollution qui peut engrener, il faut 1 milliards de mètre cube d’eau pour produire 3 milliards de m 3 de gaz. Selon l’AIE, l’Algérie possède environ 5000 à 4000 m3, selon les autorités algérienne la quantifié de gaz de schiste en Algérie est arrivée à 19 800 m3 contre une estimation de 6 440 m3, et finalement une étude de Farouk Nemouchi, ingénieur des mines et auteur de « l’industrie algérienne, bilan et perspective », donne le chiffre de 20000 m3 [26]. Cependant un grand nombre de pays hésitent à se lancer dans l’exploitation de ce genre d’énergie fossile pour des raisons environnementales et la résistance des mouvements écologiques, d’autres pays ne possèdent pas de technologie de pointe susceptible d’extraire du gaz car les gisements sont profond et se trouvent dans des roches de gaz difficile à commencer leur exploitation.
Conclusion
L’Algérie indépendante est née avec pétrole, cette matière première de grande envergue a même retardé de quelques années son indépendance politique. Le Sahara fut considérée par les autorités coloniales comme un territoire séparé de l’Algérie d’où viennent la ténacité et la persévérance des négociateurs d’Evian pour une souveraineté complète et indivisible. Cependant, le pétrole, point fort de l’Algérie, a eu des résultats peu reluisant sur son l’économie ; il est devenu même un fardeau faussant considérablement le rapport naturel entre l’Algérie et le travail. La rente pétrolière faisant à chaque fois l’assainissement des comptes publics déficitaires, est devenue un pompier pyromane par excellence auquel les autorités publique recourent à chaque instant. Etat et société sont liés, le pétrole fait le contrat tacite, « paix contre nourriture ». Le système politique mis en place depuis l’indépendance a su savamment manier le bâton et la carotte où le pétrole est devenu son arme redoutable ; solution de circonstance, ce dernier assume sans encombre la mainmise du pouvoir sur la société, notamment par le biais de la distribution de la rente. Or, faute de culture économique bien ancrée dans la tradition ancestrale, la culture de la rente a fait des algériens des êtres passifs, pusillanimes, ou comme l’a exprimé luis martinez, l’Algérie subit les effets pervers de la rentre. Peu importe les investissements que nous venons de citer dans cette contributions ou la manière de gérer la Sontrach pour garantir la sécurité énergétique de l’Algérie ; l’essentiel est sortir, et le plus vite de cette dépendance mortelle des hydrocarbures ou du moins rendre ses effets toxiques bénéfiques. Créer une économie indépendante basée sur la compétence et le savoir faire dans la quelle le pétrole serait qu’un instrument accompagnateur. Ces mesures peuvent être un simple coup d’épée dans l’eau si la majorité des algériens -peuples et gouvernement- ne prend pas conscience que les richesses des nationalisons ne se mesure pas sur ce qu’elles possèdent de matière premières mais de sa vénération de la culture du travail.
Hammou Boudaoud
13 février 2014
Notes de référence :
[1] ADDA Jaques, La mondialisation financière, Editions la Découverte, Paris, 2006.
[2] Il faut voir, SAMPSON Antony, Les septes sœurs : les compagnies pétrolières et le monde qu’elles ont fait, Editions, Québec, 1976.
[3] ATTALI Jaques, Brève histoire d’avenir, Fayard, Paris, 2006
[4] Déclaration du puissant banquier Edward Mac Kay cite par LAURENT Eric, La Face cachée du pétrole, Editions Plon, Paris, 2006 p. 49
[5] SEBILLE-LOPEZ Philipe, Géopolitiques du pétrole, Editions Armand Colin, Paris, 2006. p-p. 372, 373.
[6] Idem.
[7] LAURENT Eric, La Face cachée du pétrole, op.cit., p.145
[8] Ibid. p. 100.
[9] RAUFER Xavier, Dictionnaire technique et critique des nouvelles menaces, PUF, Paris 1998.
[10] Il faut voir, TERTRAIS BRUNO, La menace nucléaire : questions décisives, Editions Armand Colin Paris, 2011.
[11] AIER : Agence Internationale de l’Energie Atomique.
[12] MALTI Hocine, L’histoire secrète du pétrole algérien, Editions la Découverte, Paris, 2010. p.154
[13] Ibid. p-p. 157, 158
[14] Ibid. p.142.
[15] Ces entreprise sont : la CFPA, la SN Repal, la CREPS, la SNPA, Eurafrep, Froncarep, Coparex et Omnirex, dont 51% des intérêts était transférés à la Sonatrach ; la SEHR, concessionnaire de gisements de Gaz de Hassi R’mel, était nationalisé à 100%. Pour la partie transport terrestre, était également nationalisé à 100%. SOPEG, Traps, Trapsa, concessionnaire d’oléoducs, et SOTRA, concessionnaire du gazoduc Hassi R’mel-Arzew. MALTI Hocine, L’histoire secrète du pétrole algérien, op.cit., p. 158
[16] Interview au Soir d’Algérie, le 12 mars 2008.
[17] MALTI Hocine, « Sountrach Etat dans l’Etat », Voir le cite algéria-watch.
[18] Voir, Boubakeur Ait Benali, « Et si la nature du régime politique algérien était à l’origine de la corruption », algéria-Watch, Hocine Malti, « Les Etats-Unis vont-il extradé Chakib Khali », Le 25 août 2013, Algéria-Watch.
[19] Voir le bilan de la Sontrach disponible sur son cite, ou le site de l’organisation des statistiques (ONS).
[20] Rapport de l’agence international de l’Energie de 2012.
[21] MEBTOUL Abderrahmane, « L’Algérie et la sécurité énergétique : quelle transition face au nouvel ordre mondiale », Le Matin 05-056-2013 et aussi REGHIS Rabeh, « Le Gaz de schiste : inopportun certes, mais pas un faux débat », Le Quotidien d’Oran, Le Jeudi 5 Décembre 2013.
[22] MEBTOUL Abderrahmane, op.cit.,
[23] Une étude du 28 avril 2011 de l’IFRI : Institut Français des Relations Internationales.
[24] Voir le bilan de la Sonatrach disponible sur son cite, ou le site de l’organisation des statistiques (ONS).
[25] Idem.
[26] NEMOUCHI Farouk, « L’économie algérienne face à un nouvel ordre énergétique mondial », Le Quotidien d’Oran. Le 26 septembre 2013.