« Les nouveaux centres de l’économie mondiale, si tant est qu’il doive en émerger dans un avenir prévisible, je les chercherais plutôt du côté de ces monstres qui possèdent à la fois l’espace, les hommes, les ressources naturelle : les Etats-Unis, le monde russe, la Chine, l’Inde… le Brésil peut être ». (Fernand Braudel, 1983, Grammaire des civilisations)
Nous voulons par cette modeste contribution juste rappeler à l’ordre ; en précisant que le monde a changé, que les rapports internationaux doivent prendre en considération se remodelage économique et politique qui s’opère. L’Europe lancée dans un défi de construction après la deuxième guerre mondiale trouve des entraves considérables. Cette dernière avait tracé des lignes à l’horizon. D’abord, le projet Rober Schuman pour la création d’une communauté européenne de charbon et de l’acier en 1957, puis la création de l’espace Schengen consacré à la libre circulation des personnes concrétisant l’acte unique en juin 1985 et révisant le traité de Rome pour lancer le marché commun, et finalement le traité de Maastricht pour la création d’une monnaie unique. L’Europe souffre du problème de la disparité économique entre ses Etats, de la carence d’une stratégie politique agissante, de l’endettement public, dit, dette souveraine et ne trouvent plus la dynamique économique convoitée. De leur part, les Etats-Unis ont perdu le triple AAA en août 2011, et pour reprendre l’expression de l’économiste américain Thomas Friedman : « L’Amérique court le risque de tourner en eau de boudin, comme l’Europe, et le pire, c’est que personne ne s’en rend compte. Ils sont tous dans la dénégation, ils se flanquent de grandes tapes dans le dos pendant que le Titanic se dirige à toute vapeur vers l’iceberg ».
En face se trouvent les cinq BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud). Le monde occidental ne peut résister à l’ascension de ces pays naguère en voie de développement qui, dans un laps de temps, se sont manifestés comme des puissances considérables dans la scène économique mondiale, à telle enseigne que leur irruption est parfois confondue avec la dynamique même de la mondialisation. Les BRIC rejoint tout récemment par l’Afrique du sud (en décembre 2010) imposent au monde une autre perception des rapports économiques et même stratégiques. Le terme « marché émergent » a été conçu pour la première fois en 1981 par l’économiste de l’International Finance Corporation, Antoine Van Agtumaïl qui, a voulu inciter les sociétés de placement américaines à investir dans les marchés financiers asiatiques en forte progression. La réussite de cette initiative de placement d’argent dans les pays émergents, confirmée durant les années quatre vingt et quatre vingt dix, s’est avérée en effet plus certaine sur le long terme que celle des pays occidentaux. Il s’agissait alors de s’intéresser à la dynamique économique réelle : production industrielle et investissement productifs, consommation, politiques économiques, etc. Cette ascension a montré à bien des égards la solidité remarquable des marchés financiers émergents. À la fin des années 90, une autre distinction s’ajoute au palmarès ; les pays émergents sont nommés désormais : ‘’économies émergentes ‘’ ; cette distinction n’aperçoit plus les pays principalement sous le côté financier, mais s’intéresse à la dynamique d’ensemble de leur croissance et leurs perspectives d’avenir. Les pays émergents ont des caractéristiques communes. D’abord, ils représentent des revenus intermédiaires qui veut que leur revenus par habitant sont situés entre ceux des pays les moins avancés et ceux des pays riches. Comme autre trait commun, ces pays ont développé la dynamique de rattrapage puisque leur croissance récente, à l’exception de la l’Inde et quelques provinces chinoises, a rejoint les nivaux de vie des pays occidentaux ; le taux de croissance de leur PIB est supérieur ou égal à la moyenne mondiale durant la décennie 2000. Au cours cette période, ils ont mis en œuvre une stratégie d’ouverture et de transformation institutionnelle et structurelle ayant pour but de les incérer de manière efficiente dans l’économie mondiale. Les économies des pays émergents échangent davantage avec le reste du monde tout en bénéficiant d’implantations industrielles et de services de la part de firmes multinationales d’origine occidentale. Certaines développent désormais, leurs propres capacités d’investissement à l’étranger et contribuent ainsi de manière active à la mondialisation. Finalement, ces pays ont développé un potentiel de croissance car, compte tenu de l’écart qui les sépare encore des niveaux de vie des pays occidentaux avancés, leurs économies sont basées sur une stratégie de développement à moyen et long terme. Le terme des pays émergents s’emploi au-delà de la seule approche économique, il prend en considération les caractéristiques politiques ou culturelles. Lorsqu’on désigne les BRICS, on entend dire parfois les puissances économiques émergentes à dimension géopolitique, stratégique et militaire. Mais concernant les pays émergents dans le monde, l’on compte de manière générale une cinquantaine de pays, répartis sur cinq continents, qui répondent peu ou prou aux critères signalés dessus. Ensemble, ils représentent plus de 50% de la richesse mondiale, avec les BRICS en figure de prou, ils posent à l’avenir un grand défi à l’échelle mondiale.
Le pseudonyme « BRIC » a été conçu en 2001 par Jim O’Neil, économiste de la banque américaine Goldman Sachs. Ce dernier a souligné le potentiel de croissance du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine tout en prévoyant que la Chine rattrapera le PIB des Etats-Unis en 2040. Or, les prévisions de cet économique ont été dépassées par la réalité : actuellement, l’horizon annoncé du rattrapage des Etats-Unis par la chine, devenue deuxième économie mondiale en 2010, n’est plus 2040 mais 2027-2029. D’autre part, le pseudonyme lui-même a connu une postérité inattendue, les chefs d’Etat des quatre pays concernés ont décidé en 2009 de créer un « Forum des BRIC » les réunissant chaque année pour évoquer ensemble des sujets d’actualité mondiale et d’intérêt commun. Né depuis pratiquement deux décennies le terme BRIC est devenu une réalité géopolitique incontournable. L’organisation du développement et d’organisation économique OCDE regroupant 34 pays parmi les plus riches du monde a proposé le terme BRICS pour désigner les cinq principales économies non membres de cette organisation internationale : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud. La banque américain Morgan Stendly a suggéré à son tour le même sigle mais en excluant l’Afrique du Sud à cause de sa faible taille économique et démographique. Mais, le 24 décembre 2010 l’invitation faite par le président chinois au président sud africain à rejoindre le forum des BRIC a plutôt donné raison aux partisans du sigle BRICS, l’Afrique du Sud inclue. Cette invitation peut être considérée telle une manière de saluer la contribution du continent africain à l’émergence économique et géopolitique. Les économies émergente fon désormais partie intégrante de l’économie mondiale, au point d’apparaitre aujourd’hui comme les principales locomotives de la sortie de crise. Lors de la crise financière de 2008 au Etats-Unis, le G8 a laissé place au G20 en tant que forum de gouvernance financière internationale : il a intégré notamment la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique, l’Afrique du Sud et l’Arabie Saoudite. Quelques mois plus tard, les premiers signes de reprise économique se sont d’abord fait sentir dans pays émergents asiatiques, et plus vigoureusement qu’en Amérique du Nord ou en Europe occidentale. Durant la période 2008-2010, c’est dans les pays émergents que la croissance mondiale a trouvé son foyer le plus actif. Mais le fait que les économies des pays émergents acquièrent soudainement le statut de nouveaux modèles de croissance économique n’est-il pas exagéré ? Cette croissance fulgurante n’a-t-elle pas des caractéristiques qui la rendent fragile, comparativement aux économies occidentales avancées, qui seraient certes moins dynamiques, mais plus stables à moyen et long terme ? Et finalement, comme l’a dit le défunt Roger Garaudy : « l’occident est un accident, il a cassé le monde en trois cessions », assistons-nous peut-être à son propre cassure et la relève des pays émergents ?
Hammou Boudaoud
19 juin 2012